Michel Tremblay, passionné d’opéra

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Michel Tremblay est une figure phare au Québec. Il est peut-être même « le » phare des Québécois. Depuis la publication de son premier recueil de nouvelles en 1966, ses récits, ses romans et ses pièces de théâtre font partie de notre paysage culturel, que ce soit pour les étudiants qui découvrent ses romans dans leurs cours de français ou encore pour ceux qui aiment voir et revoir ses oeuvres au théâtre, jamais loin des scènes montréalaises et partout dans la province. Après avoir été présent dans la vie des Québécois pendant plus d’un demi-siècle, nous avons tous l’impression de le connaître de près ou de loin. Pourtant, peu de gens savent qu’il est un grand amateur d’opéra.

Une version opératique de sa pièce Albertine, en cinq temps verra le jour en 2022, juste à temps pour fêter les 80 ans de l’auteur. Que ce soit en tant qu’auditeur, membre du public ou encore en tant que dramaturge, l’opéra a toujours joué un rôle important dans la vie de Michel Tremblay. 

« Ça m’est venu comme tous les gens de ma génération, c’est-à-dire avec les retransmissions du Metropolitan Opera à la radio, le samedi à 14 h. Étonnamment, il y avait beaucoup de Québécois à cette époque qui écoutaient ça comme musique de fond. Chez moi, j’avais mon grand frère et ma mère qui écoutaient les retransmissions du Met volontiers et j’ai donc passé mes après-midi à faire mes devoirs en écoutant de l’opéra. J’aimais surtout écouter les voix, la musique, les rythmes, sans trop comprendre qu’il s’agissait d’une histoire. C’est ce qui me plaisait le plus au départ. » 

Son intérêt s’est rapidement transformé en passion lorsqu’il a fait l’acquisition, vers l’âge de 15 ans, d’un disque d’extraits de Lucia di Lammermoor interprétés par Maria Callas. Le coffret était accompagné d’un fascicule où le livret, en italien, était traduit en anglais, lui permettant ainsi de suivre pour la première fois l’histoire en temps réel. C’est à ce moment qu’il commence à aller à l’opéra lui-même pour entendre les plus grandes voix canadiennes de l’époque.

« Je me souviens d’être allé voir Roméo et Juliette avec Pierrette Alarie au Her Majesty’s Theatre, qui n’existe plus. Ça m’avait marqué parce que son mari, Léopold Simoneau, avec qui elle chantait toujours, avait été remplacé parce qu’il devait aller chanter Le Messie à Boston. À cette époque, il y avait également le Festival de Montréal où l’on présentait un peu de tout. J’y ai vu un Werther magnifique avec Fernande Chiocchio et Richard Verreau, qui n’était pas un grand acteur mais qui avait une voix merveilleuse. J’achetais des billets pour tout, j’étais curieux. »

L’opéra devient petit à petit une figure omniprésente dans la vie de Michel Tremblay. Il puise dans sa passion pour l’art lyrique lorsqu’il écrit La Nuit des princes charmants, où son alter ego, Jean-Marc, décide de perdre sa virginité après une représentation de Roméo et Juliette. Dans le préambule, on découvre des opinions très précises au sujet de certains chanteurs, du répertoire opératique et de sa relation avec cette forme d’art. Il estime d’ailleurs que l’opéra a eu une grande influence sur la manière dont il écrit ses pièces. Éloignée du réalisme de certains de ses contemporains, son œuvre théâtrale est remplie d’éléments propres à l’opéra.

« J’ai toujours rêvé de réussir à écrire dans une de mes pièces le quatuor de Rigoletto. C’est un espèce de moment parfait où les quatre chanteurs lancent des choses différentes au public en même temps. On arrête d’écouter ce qu’ils racontent et ça crée une atmosphère. C’est ce que j’ai essayé de faire dans À toi, pour toujours, ta Marie-Lou. Lorsqu’on assiste à l’une de mes pièces, si on ferme les yeux, ce qu’on entend va être très près de la réalité, surtout dans le langage. Si on ouvre les yeux, ce qu’on va voir n’a pas de bon sens parce que je fais des structures qui sont nouvelles, selon moi. Chacune de mes pièces a été une illustration différente du temps. En utilisant le temps de manière différente, comme à l’opéra, je fais des structures qui ne sont pas réalistes. C’est là où l’opéra est intervenu. Si je n’avais pas connu l’opéra, je n’aurais pas pensé à faire ça.»

En 1990, il signe son unique livret d’opéra avec Nelligan, un opéra romantique composé par son ami et collaborateur André Gagnon. Après sa création, l’œuvre sera reprise plusieurs fois, notamment avec l’Orchestre symphonique de Montréal et au Festival d’opéra de Québec. La plus récente reprise fut donnée en janvier 2020 au Théâtre du Nouveau-Monde, dans une version de chambre pour deux pianos et violoncelle. 

« J’ai abordé l’écriture du livret comme j’écris une pièce de théâtre. J’ai demandé à André Gagnon et aux metteurs en scène de me laisser raconter mon histoire scène par scène et de laisser les airs et les duos venir au fur et à mesure. Lorsque j’avais terminé une scène, je l’envoyais à André puis nous nous sommes rencontrés à la fin pour organiser le tout. »

Michel Tremblay a donné sa bénédiction l’année dernière à la metteure en scène Nathalie Deschamps pour adapter Albertine, en cinq temps, ajoutant ainsi un autre chapitre à la relation intime qu’il entretient avec l’opéra. La musique sera composée par Catherine Major et le livret sera élaboré par le Collectif de la Lune Rouge.

« Ce que je souhaite, c’est que ça marche. J’aime qu’on me brasse la cage, j’aime qu’on essaie des choses différentes avec mes pièces ou mes romans. C’est pour ça que j’adore l’Eurotrash lorsque ça raconte l’histoire de l’opéra. Pourquoi aller voir une autre Carmen avec les mains sur les hanches qui se dandine avec ses castagnettes? »

Albertine en cinq temps – L’opéra est une idée originale des Productions du 10 avril. Présentée par l’initiative Femmes de la Banque Scotia, une vitrine sur l’œuvre en création sera disponible en webdiffusion du 19 au 23 août prochains. Pour plus d’informations, visitez www.productionsdu10avril.com.

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