Marie-Ève Scarfone : de Montréal à Zurich

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Depuis une vingtaine d’années, Marie-Ève Scarfone s’est taillé une place de choix sur la scène musicale québécoise. Reconnue comme l’une des pianistes les plus polyvalentes de sa génération, on la connaît autant pour son travail de cheffe de chant, de répétitrice et de chambriste que pour son travail de pédagogue auprès des jeunes musiciens interpellés par l’art lyrique. Après plusieurs années à œuvrer au sein d’institutions comme l’Opéra de Montréal et l’Université McGill, à se produire un peu partout à travers le globe et à enregistrer sous étiquettes ATMA Classique et Analekta, c’est à Zurich qu’elle a choisi de continuer son chemin.

Originaire de Montréal, elle entame sa formation musicale sur le tard. « J’ai commencé à étudier le piano pour suivre mes amis à l’école secondaire Pierre-Laporte. Étant un peu en retard dans mon développement comparativement aux autres, j’ai suivi des cours de rattrapage en théorie musicale et en solfège. Durant les vacances d’été au chalet familial, je passais des heures à lire des sonates de Haydn, de Mozart, La Cathédrale engloutie, le Concerto de Grieg… » C’est durant cette période que s’est développée son habileté pour la lecture à vue, un atout important pour les pianistes collaborateurs. 

Arrivée à L’École de musique Vincent-d’Indy pour ses études collégiales, elle se fait rapidement solliciter par des professeurs ayant besoin d’une étudiante capable de déchiffrer rapidement. « Mon cheminement vers l’art vocal s’est fait un peu par hasard. De bouche à oreille, à 17 ans, j’ai eu comme clientes de jeunes chanteuses comme Marie-Nicole Lemieux et Kimy McLaren. Avec elles, j’ai passé à travers le répertoire vocal avant même de me rendre compte que j’avais devant moi des talents exceptionnels. »

Sa formation se poursuit à l’Université de Montréal, où elle obtient un baccalauréat et une maîtrise en piano sous la tutelle de Jean Saulnier, puis à la Manhattan School of Music où elle se perfectionne dans la classe de Warren Jones, rencontré lors d’un stage à la Music Academy of the West. « J’ai eu beaucoup de révélations durant ce stage à Santa Barbara. C’est Warren qui m’a vraiment donné envie de faire plus d’opéra et c’est après cette expérience que je suis entrée en tant que jeune artiste à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal. »

Après avoir bâti une solide réputation dans le domaine de l’art vocal et de la musique de chambre, notamment en tant que pianiste collaboratrice auprès d’artistes comme Marianne Fiset, Stéphane Tétreault et Layla Claire, on lui offre le poste de cheffe de chant principale à l’Atelier lyrique en 2017. Après trois ans à la tête du programme pour jeunes artistes, le premier confinement est imposé.

« J’avoue avoir été un peu soulagée d’avoir du repos. Les projets à l’Atelier et les concerts s’enchaînaient à une vitesse vertigineuse. Cependant, après un mois passé derrière un ordinateur, c’était devenu difficile. » C’est à ce moment qu’une amie en Suisse lui donne de ses nouvelles et lui annonce qu’un poste de chef de chant à l’Opéra de Zurich sera bientôt à combler. « Au départ, je n’ai même pas imaginé envoyer ma candidature parce que j’étais heureuse où j’en étais dans ma vie personnelle ainsi qu’avec mon travail à Montréal. C’est mon conjoint qui m’a poussée à tenter ma chance, une opportunité comme celle-là se présente rarement deux fois. J’ai décidé de passer l’audition pour le directeur musical, Fabio Luisi, surtout pour me donner un projet personnel à un moment où tout était arrêté. On m’a offert le poste et j’ai dû prendre une décision très rapidement. J’ai décidé de faire le saut vers l’Europe. »

Marie-Ève Scarfone fait son entrée en tant que cheffe de chant à l’Opéra de Zurich, l’une des institutions musicales européennes les plus prestigieuses, en septembre 2020. Alors que la grande majorité des compagnies d’opéra fermaient leurs portes par précaution, l’Opéra de Zurich a fait preuve d’audace et d’ingéniosité pour permettre à ses artisans de continuer à travailler en se munissant d’un système de télécommunication ultra sophistiqué par fibre optique. Celui-ci permettait aux chœurs et à l’orchestre de jouer en direct depuis une salle de répétitions à un kilomètre de l’opéra alors que les chanteurs se retrouvaient sur scène, devant public.

Dès son arrivée, elle participe à la préparation d’un gala Verdi avec le directeur général musical sortant Fabio Luisi, remplacé à la fin de son mandat par Gianandrea Noseda. Malgré les inévitables annulations, la majorité des projets qui lui avaient été attribués, Orphée et Eurydice, Les Contes d’Hoffmann et Lucia di Lammermoor, par exemple, ont été maintenus, car il s’agissait de nouvelles productions qui devaient être montées en priorité. Ses premiers mois au sein de cette nouvelle compagnie lui ont permis de tisser des liens avec des chanteurs et chanteuses de réputation mondiale, entre autres le ténor Benjamin Bernheim avec qui elle a collaboré à l’occasion d’un récital de mélodies et de lieder à Lucerne. Spécialiste du répertoire français dans la compagnie, elle travaille présentement à la préparation d’une production des Dialogues des Carmélites à l’affiche dès le 13 février.

« Être dans un carrefour d’excellence comme l’Opéra de Zurich et sentir que je suis continuellement entourée de gens qui se dépassent, c’est merveilleux. Tout le monde a des forces différentes et tout le monde a la possibilité d’apporter ce qu’il ou elle a de mieux à un projet en particulier selon son champ de compétences. C’est une énorme occasion pour moi d’en apprendre plus sur mon métier. »

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