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OBT4
Rien ne permet de naviguer sur le fil de la tension de façon plus imagée qu’un quatuor à cordes. Deux œuvres de compositeurs perdus dans les brumes politiques de l’Europe de l’Est trouvent une résonance profonde au milieu des horreurs du dernier outrage de la Russie en Ukraine.
Erwin Schulhoff était un communiste convaincu qui n’a pas réussi à se faire entendre dans l’Allemagne des années 1920 et qui est retourné dans sa ville natale, Prague, où il a travaillé comme pianiste à la radio d’État et écrit des pièces où l’on retrouve des échos de jazz, de danse de salon et de mélancolie. Lorsque les nazis arrivent, il est envoyé dans un camp de concentration, où il meurt en 1942, à l’âge de 48 ans.
Ses cinq pièces pour quatuor à cordes, datées de 1923, transmettent la lassitude de La Valse de Ravel, ainsi qu’une pointe persistante de tentation érotique et de provocation conversationnelle. On les aurait qualifiées de charmantes à l’époque, si elles n’avaient pas été marquées par un soupçon de menace.
La première symphonie de Gavriil Popov a été interdite par Staline après sa première représentation en 1935, condamnée comme art anti-populaire pour son pessimisme irrémédiable. Popov se tourna vers l’alcool pour se réconforter, mais continua à écrire des symphonies, espérant s’attirer les faveurs de Staline avec des titres tels qu’Honneur à la patrie et Honneur à notre parti. Il reçoit le prix Staline en 1946, mais est à nouveau interdit.
Désespérant d’être entendu, il transforme sa cinquième symphonie en un quatuor à cordes de 1951, économisant sur l’échelle, mais pas sur la mélancolie spartiate. Pensez à une rencontre entre Kurt Weill et Anton von Webern et vous aurez une idée de ses textures. Ici et là, avec une ironie déconcertante, il cite l’Ode à la joie de Beethoven.
Ces deux raretés en marge des principes du quatuor à cordes sont dépoussiérées et jouées de manière exquise par le Quatuor Berlin-Tokyo, un ensemble composé de deux Japonais, d’un Tchèque et d’un Russe. Il s’agit d’une visite guidée des misères de l’Europe, pleine d’idées et d’une ou deux lueurs d’espoir.
C’est différent et, en même temps, exactement ce à quoi on s’attend.
NL
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