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Hindemith est une maison sans portes. L’immensité de sa production − onze opéras, cinq ballets, une douzaine de concertos, d’innombrables œuvres pour orchestre, beaucoup de musique de chambre − n’est pas seulement intimidante, mais superficiellement impénétrable. La cohérence est élevée et la différenciation difficile.
Un Allemand ayant combattu pendant la Première Guerre et ayant été forcé à l’exil par Hitler, Hindemith s’est attaché à écrire de la musique pour les grandes scènes comme pour les salons privés. Quand on me demande « quel Hindemith [on devrait]essayer en premier », je ne sais trop quoi répondre.
Le chef d’orchestre américain Marin Alsop embrasse Hindemith avec beaucoup d’enthousiasme avec son nouvel orchestre symphonique à la Radio de Vienne. Son premier album, enregistré l’été dernier, se compose d’une pétillante suite dansante Nusch-Nuschi et d’une suite dévotionnelle Sancta Susanna, toutes deux de 1921, alliées à une symphonie de 1933 de l’opéra Mathis der Maler qui a valu à Hindemith de graves ennuis avec les nazis.
Les sélections de Sancta Susanna étaient nouvelles pour moi, et intrigantes. Alternativement moralisateur et irrévérencieux, il y a une partie aiguë de soprano lancée par Ausrine Stundyte, dont le seul fait qu’elle puisse être atteinte par une chanteuse vous laissera bouche bée d’émerveillement. Hindemith écrit habilement pour la voix, sans jamais atteindre la facilité, disons, d’un Strauss ou d’un Weill. Son impact dramatique n’est pas tout à fait explosif.
La symphonie Mathis est bien connue grâce aux enregistrements de référence de Furtwängler, Bernstein, Abbado et du compositeur lui-même. Alsop apporte une énergie fraîche et quelques nouveaux angles, persuasifs plutôt que puissants. En entendant la symphonie, je suis toujours reconnaissant d’avoir été sauvé d’une soirée d’inertie à l’opéra.
Sharon Kam souffle le concerto pour clarinette de 1947 avec beaucoup plus d’habileté qu’il n’en faut. Benny Goodman était le soliste commanditaire et Hindemith était moins en phase avec son style que Stravinski, Bartók et Copland qui ont écrit des pièces emblématiques. Hindemith intègre toutes les limites de Goodman, mais pas son caractère, comme s’il écrivait pour une clarinette solo chez lui à Francfort-sur-le-Main (qui fournit l’orchestre sur cet enregistrement). Les vingt minutes passent sans incident majeur. Je préfère les deux morceaux de chambre aussi sur l’album. La clé de Hindemith ? C’est peut-être le mouvement de l’Ange de sa symphonie Mathis, mais je ne parierais pas la maison là-dessus.
NL
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