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Accent4
Ces jours-ci, on entend tellement de bêtises à propos de la « décolonisation » de la musique occidentale que nous avons oublié qu’elle n’est pas du tout occidentale. Elle est méridionale et orientale, surgissant autour de la mer Méditerranée et se propageant vers le haut dans le continent européen par un processus de conquête et de suprémacisme culturel. L’Europe a été successivement colonisée par les Grecs, les Romains, les Mongols et les Arabes avant même d’envisager de répandre la « civilisation » dans d’autres parties du monde.
Ce nouvel enregistrement nous épargne heureusement le programme de décolonisation. Il mêle la musique des principales cultures littorales − grecque, italienne, judéo-espagnole et arabe − avec des airs d’opéras baroques enracinés dans les mêmes régions côtières.
Si vous rencontrez un compositeur du nom de Kapsberger, vous ne le prendrez peut-être pas pour un Levantin, mais son identité et sa musique illustrent brillamment l’intérêt de cet album intrigant. Les prénoms de Kapsberger étaient Giovanni Girolamo et sa vie s’est étendue de 1580 (?) à 1651. Fils d’un militaire autrichien, il allait travailler pour le pape à Rome, écrivant des airs farfelus pour des instruments à cordes pincées qui n’étaient aucunement chrétiens, ni de foi, ni de style, ni de présentation. Il était, en fait, un homme de la Méditerranée, multiculturel avant son temps. Et si vous entendez du minimalisme du 21e siècle dans ses airs, ne soyez pas surpris. L’histoire se répète.
Monteverdi a fusionné, dans la même veine, les sons qu’il entendait dans le port de Venise pour former les origines de la forme d’art que nous connaissons sous le nom d’opéra. Un air de Monteverdi dans ce programme se fond doucement dans un hymne soufi turc et une chanson de mariage séfarade nous provient de Grenade depuis Thessalonique. Mes oreilles ne font pas de discrimination pour l’origine. C’est de la musique et nous sommes tous humains. Cet album nous rappelle l’universalité de l’art et la folie d’imaginer qu’un genre de musique cherche à écraser les autres. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. La musique coule d’une mélodie à l’autre comme l’eau de la neige qui fond. Tout le reste n’est que politique et démagogie modernes.
Les merveilleux musiciens ici sont Friederike Heumann (viole de gambe et lirone), Nihan Devecioglu (chanteur) et Xavier Diaz-Latorre (théorbe et guitare baroque). Cette collection est plus que de la musique. C’est une leçon de bonne entente et une surprise constante.
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Traduction par Andréanne Venne
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