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Capriccio5
Dans les dernières années de l’Union soviétique, un compositeur pouvait être chassé par le système et continuer d’être soutenu par ce dernier. Lorsque ses symphonies ont été bannies des concerts, Alfred Schnittke a reçu des commandes pour l’industrie cinématographique du chef de l’Union des compositeurs, Tikhon Krennikov, le même apparatchik qui avait ordonné l’interdiction de ses symphonies.
Nikolaï Kapoustine, qui a écrit des partitions de jazz rejetées, a été pendant une grande partie de sa carrière le pianiste résident du principal orchestre symphonique de la radio de Moscou, un ensemble qui a parfois accepté d’interpréter ses œuvres non socialistes, pour les refuser au dernier moment. Cet État, Janus à deux visages, a engendré une résilience et une polyvalence extraordinaires chez ses citoyens compositeurs.
Kaspoutine, qui est décédé le mois dernier à l’âge de 82 ans, a écrit du jazz dans un style boogie des années 1950, rythmiquement contagieux et détaché également de sa propre réalité. Son premier concerto pour violoncelle, qu’il a écrit à 60 ans, est une vision de ce que Moscou aurait pu être s’il avait changé de place avec Manhattan. Il se dégage du mouvement largo central un air positif de blues d’été et l’enregistrement de 24 minutes en tout passe si vite que vous aurez envie de le réécouter dès qu’il sera terminé.
Le premier concerto de Schnittke, écrit en 1986 et joué en première à Munich par Natalia Gutman, a été composé alors qu’il se remettait d’une hémorragie cérébrale. « J’ai eu droit à une vision de l’au-delà trois fois. » Songeur par endroits, fortement influencé par Alban Berg, le concerto est tout sauf sombre et la ligne de violoncelle représente clairement la voix du compositeur, l’orchestre faisant figure de toile de fond de la société de masse. Ou peut-être pas : Schnittke aimait détourner les normes officielles et se jouer des auditeurs. Au 21e siècle, sa musique n’est globalement plus au programme. Mais elle refera surface.
Dans cette reprise, le violoncelliste allemand Eckart Runge – jadis du Quatuor Artemis − donne un compte rendu éblouissant des deux concertos, plein de passion et de lyrisme. Le plaidoyer musical à son meilleur. Frank Strobel dirige l’excellent Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin. J’imagine Kapoustine en arrière-plan, souriant à son piano.
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Traduction par Andréanne Venne
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