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DG2
Mahler ne croyait pas voir jouer un jour sa Symphonie no 8, la plus grande jamais écrite, conçue pour le grand air et livrée en six semaines, sans révision. Commandée par un imprésario pour Munich en 1910, la symphonie « des Mille » est devenue le plus grand triomphe qu’ait connu Mahler dans sa vie. Il ne l’a jamais dirigée de nouveau et ses deux disciples proches, Bruno Walter et Otto Klemperer, s’en sont abstenus.
L’ampleur gigantesque des représentations et leur coût entraînent leur rareté, et les versions de qualité sont encore plus rares. Je peux compter sur trois doigts les grandes interprétations que j’ai entendues en quarante ans − Klaus Tennstedt à Londres, Riccardo Chailly à Leipzig, Andris Nelsons à Birmingham. L’autre demi-douzaine de concerts auxquels j’ai assisté ne m’ont pas conquis, soit en raison d’une répétition inadéquate, d’un équilibre mal calculé, de solistes de faible niveau ou, le plus souvent, d’un manque d’immersion réelle du chef dans le monde intérieur de Mahler.
L’erreur de Yannick Nézet-Séguin dans ce concert souvent impressionnant de Philadelphie, c’est de dramatiser l’œuvre comme s’il s’agissait d’une célébration des traditions allemandes et catholiques. Cela aurait pu fonctionner si le compositeur avait été Bruckner, un croyant naïf. Mais Mahler était un personnage complexe qui avait une relation trouble avec la foi et l’identité. Il a refusé les derniers sacrements sur son lit de mort et s’est souvent qualifié lui-même de Juif. Cette œuvre reflète ses incertitudes et son insécurité.
Mon attention s’est dissipée aux trois quarts de l’hymne de la Pentecôte dans la première partie, et n’a pas été ranimée souvent durant la scène du Faust de Goethe qui constitue la deuxième partie. La scène démarre avec élan et est jouée avec finesse, mais la tension mahlérienne nécessaire manque. Écoutez Tennstedt et vous comprendrez ce que je veux dire. Mieux encore : écoutez l’intermède orchestral entre les deux moitiés et essayez de comprendre pourquoi, dans cette interprétation, il n’arrive pas à faire le pont.
NL
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Traduction par Andréanne Venne
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