L’Hebdo Lebrecht | Shostakovich : Works unveiled (BIS)

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Cet album résout un mystère qui remonte à huit décennies. Toute personne plongée dans la musique de Gustav Mahler aura remarqué que le début de la sixième symphonie de Chostakovitch est identique à la dixième symphonie inachevée de Mahler. Comment est-ce possible ? La dixième de Mahler n’était pas entendue en dehors de Vienne, où un fac-similé partiel avait été publié à quelques centaines d’exemplaires en 1924. Chostakovitch n’a jamais quitté l’Union soviétique. Comment aurait-il pu voir une copie du manuscrit de Mahler ?

Tout ou partie du mystère peut maintenant être révélé. Le pianiste français Nicolas Stavy a enregistré un arrangement pour piano à quatre mains réalisé par Chostakovitch à partir du tiers de l’adagio de la 10e symphonie de Mahler. Les experts russes le datent de la fin des années 1920, mais ils ne peuvent dire où Chostakovitch a vu le fac-similé original, car aucune copie n’existe dans les archives russes. On suppose qu’il était détenu et partagé par l’ami polymathe de Chostakovitch, Ivan Sollertinski, mais nous ne pouvons en être sûrs.

Ce que nous pouvons affirmer aujourd’hui, c’est que Chostakovitch a effectué une transcription du thème de Mahler, qui a probablement émergé de son inconscient lorsqu’il a composé la sixième symphonie sous la terreur de Staline dix ans plus tard, en 1938. Cette récupération est doublement fascinante, tant pour les preuves de son existence que pour les atonalités aléatoires que le compositeur russe interpole dans la partition de Mahler.

Il y a d’autres révélations ici. L’une d’elles est une sonate pour violon et piano inachevée de 1945 qui ne reflète pas le triomphalisme stalinien à la fin de la guerre. Chostakovitch a dû la ranger dans un tiroir pour un usage ultérieur car, comme le souligne Elizabeth Wilson dans une note de pochette magistrale, elle apparaît dans une première ébauche de la dixième symphonie de 1953.

Non moins étonnantes sont quatre pièces pour piano datant d’environ 1917 à 1919, dont l’une est intitulée Marche funèbre à la mémoire des victimes de la Révolution et une autre, simplement Toska (nostalgie). Ces sentiments étaient interdits sous la violence des premiers bolchevistes et le compositeur a bien fait de les supprimer. Ce qu’ils démontrent, c’est qu’à aucun moment Chostakovitch n’a perdu de vue le coût humain des événements historiques qui se déroulaient autour de lui. Il a pleuré le sang versé sous le régime de Lénine et la musique qu’il a écrite ne laisse aucune ambiguïté sur son point de vue.

La plus grande œuvre ici est une mise en musique non enregistrée de la 14e symphonie pour deux solistes, piano et percussion − une exhumation intéressante, mais pas dans la même stratosphère que les trois énigmes dévoilées.

NL

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A propos de l'auteur

Norman Lebrecht is a prolific writer on music and cultural affairs. His blog, Slipped Disc, is one of the most popular sites for cultural news. He presents The Lebrecht Interview on BBC Radio 3 and is a contributor to several publications, including the Wall Street Journal and The Standpoint. Visit every Friday for his weekly CD review // Norman Lebrecht est un rédacteur prolifique couvrant les événements musicaux et Slipped Disc, est un des plus populaires sites de nouvelles culturelles. Il anime The Lebrecht Interview sur la BBC Radio 3 et collabore à plusieurs publications, dont The Wall Street Journal et The Standpoint. Vous pouvez lire ses critiques de disques chaque vendredi.

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