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Pentatone4
Pour le bicentenaire de la mort de Jean-Sébastien Bach, les Soviétiques ont envoyé leur meilleur compositeur à Leipzig pour juger un concours en l’honneur de Bach. Après avoir subi les attaques staliniennes pendant deux ans, Dimitri Chostakovitch se trouvait pris entre le marteau et l’enclume. Un système qui avait dénoncé son « formalisme » et menacé sa liberté l’envoyait maintenant en tant qu’ambassadeur culturel dans un pays sous occupation où il allait être reçu avec une hostilité masquée de flagornerie.
Ne sachant que dire ni vers qui se tourner, il se concentra sur Tatiana Nikolaeva, une pianiste russe prenant part au concours et déclarée gagnante par un jury monté de toutes pièces par les Soviétiques. Quelque chose dans la façon dont Nikolaeva jouait Bach l’a séduit et lui donna une idée : composer 24 préludes et fugues – suivant l’exemple de Bach – et les lui offrir pour qu’elle les interprète à Leningrad en décembre 1952. La critique soviétique a reproché à l’ensemble son manque de « contenu socialiste », tandis que la critique occidentale l’a ignoré.
Près de quarante ans plus tard, Nikolaeva l’a joué à Londres et l’a enregistré pour la nouvelle étiquette Hyperion dans une chapelle de Hampstead. De forte taille et le visage dur, Nikolaeva jouait avec une concentration féroce qui laissait ses auditeurs à bout de souffle. Toutes les interprétations ultérieures ont été évaluées à l’aune de la sienne et jugées insuffisantes.
C’est donc avec soulagement que nous constatons être entrés dans une ère post-Nikolaeva où une pianiste peut enfin oser présenter quelque chose d’un peu différent. Yulianna Adveeva, lauréate du Concours Chopin 2010, apporte une touche légère à cette œuvre monumentale. Son approche est conversationnelle plutôt que cultuelle ou pédagogique. Elle relève des énigmes dans la musique, laissant à l’auditeur le soin de les résoudre.
À peine un épisode terminé – le plus court dure une minute et le plus long sept minutes – qu’elle rafraîchit son jeu et nous soumet à une nouvelle énigme. Le troisième prélude révèle un soupçon de requiem, la huitième fugue, une sorte de joyeux anniversaire en fa dièse mineur avec une humeur sombre. Allez savoir.
J’apprécie l’approche d’Avdeeva et son refus d’être définitive. Je respecterai toujours Nikolaeva, mais si je veux égayer ma mine, j’opterai pour ce coffret.
Et vous devriez en faire autant.
Traduction : A. Venne
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