L’hebdo Lebrecht : Tigran Mansurian – Con anima (ECM New Series)

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ECM
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Rien qu’en critiquant cet enregistrement je serai accusé de prendre parti dans la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au sujet du territoire du Haut-Karabakh, tant la férocité et la mesquinerie de ce conflit largement méconnu sont grandes. Mansurian est, comme son nom l’indique, arménien. Né à Beyrouth en 1939 de réfugiés du génocide turc en Arménie, il est retourné à Erevan dans les années 1950 et y a vécu en trouvant du succès sous le régime soviétique et après.

Le morceau titre de cet album est une méditation pour sextuor sur le 13ème quatuor à cordes de Dmitri Chistakovitch, composé d’un mélange de fragments kurdes et de longs textes chrétiens. La concentration est si intense qu’on a l’impression que chaque note a été polie et enveloppée dans de la cellophane avant d’être mise sur la page et diffusée dans l’air. En ces temps de tension et de banalité, vous trouverez peut-être que Con anima est l’une des meilleures façons de passer les 15 prochaines minutes de votre vie.

Non moins spirituel est un Agnus Dei pour violon, clarinette, violoncelle et piano composé à la mémoire du violoniste Oleg Kagan, mêlant l’ambiance klezmer des mélodies arméniennes et un peu de folklore américain dans le style d’Aaron Copland.

La voix de Mansurian est sans équivoque. Même si son language reste toujours arménien, sa musique est empreinte de références contemporaines au minimalisme, à l’atonalité et aux micro-tons. Le troisième quatuor à cordes, datant de 1993, frémit d’une anxiété palpable qui pourrait refléter des fissures post-soviétiques dans son univers créatif.

L’altiste américain Kim Kashkashian joue un rôle de premier plan parmi les autres membres importants de la diaspora arménienne sur cet album, mais la véritable star est le compositeur – et, pour ne pas l’oublier, le label ECM qui a tant fait au fil des ans pour attirer notre attention sur Mansurian et sa voix typiquement arménienne. Espérons qu’il pourra continuer à composer en paix.