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LAWO Classics5
À une autre époque, j’ai discuté toute une nuit avec Valery Gergiev au sujet des compositeurs russes du XXe siècle. C’était avant que Gergiev ne devienne un outil de propagande du régime Putin et son esprit était encore ouvert à la contradiction. J’ai adopté ce qui était alors la position dominante, à savoir que Stravinsky était un génie inattaquable, une position que j’ai abandonnée 30 ans plus tard. Gergiev a plaidé avec véhémence en faveur de Prokofiev, d’abord pour les opéras qu’il faisait alors revivre au Mariinsky, mais avec encore plus de force pour les sept symphonies, dont seules la première et la cinquième avaient eu du succès. Les autres, de ce jour à aujourd’hui, sont à peine jouées et je ne me sentais pas qualifié pour juger de leurs mérites. Les enregistrements qui existaient, par Rostropovitch, Rozhdestvensky et (je crois) Neme Järvi, laissaient entrevoir des possibilités que je ne pouvais pas encore saisir.
Le cycle actuellement amorcé par Vasily Petrenko et l’Orchestre philharmonique d’Oslo change pour moi la donne. La sixième symphonie, écrite entre 1945 et 1947, évite les allégories chostakovitchiennes du stalinisme d’après-guerre et s’en tient à une musique pure, sans autre logique que la sienne. Il y a de la beauté, de l’obscurité et de la peur, c’est certain, mais je n’entends rien d’autre qu’une recherche d’expression musicale, une recherche qui est justifiée à maintes reprises par l’impact brut de la puissance orchestrale. C’est avec force une grande symphonie, glorieusement façonnée par Petrenko et magnifiquement jouée par les Norvégiens.
La symphonie complémentaire de Nikolai Myaskovsky est sa dernière, datée de novembre 1949. La lassitude du compositeur face à la terreur stalinienne est difficile à ignorer et il faut un certain temps pour que la symphonie trouve de nouvelles énergies. Mais elle les trouve et le résultat est satisfaisant sur le plan auditif, à mi-chemin entre le sommet de Vaughan Williams et Albert Roussel, une évasion, un plat non russe avec des touches de Rachmaninov pour l’assaisonner.
La dernière fois que j’ai examiné une version de cette série, je me suis longuement demandé si je devais lui attribuer une cinquième étoile. Cette fois, la décision est facile. C’est forcément l’un des disques de l’année.
NL
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