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DG4
Le son du Berlin des années de Weimar est défini par Kurt Weill. Plus que tout autre compositeur, sa musique pour les spectacles de Bertolt Brecht évoque le carrousel nerveux, insouciant, plein d’espoir, résigné et inventif d’une société en perpétuelle crise. Weill, fils d’un cantor juif de la province de Dessau, a su percer les codes musicaux de la capitale et les a perpétués dans des chansons pour sa femme à la voix fêlée, Lotte Lenya. Il y eut aussi deux symphonies, mais nous n’en parlons pas, n’est-ce pas ?
La première a été rejetée en 1921 par Ferruccio Busoni, le professeur de Weill, qui la jugeait excessivement expressionniste. Elle est également redevable à Gustav Mahler, en particulier dans le finale. La deuxième symphonie de Weill a été commencée en janvier 1933 et achevée en exil à Paris. Elle commence par la figure d’ouverture de la deuxième symphonie de Mahler et s’enfonce en des allées sombres et aveugles, dans une aliénation à la Hindemith.
Aucune des deux symphonies n’a fait mouche, que ce soit en concert ou sur disque. Les enregistrements les plus éloquents dont je me souvienne ont été réalisés par le chef d’orchestre israélien Gary Bertini et le spécialiste de Busoni, Antony Beaumont. Est-il temps de repenser l’œuvre ?
Le Konzerthausorchester de Berlin et sa cheffe Joana Mallwitz donnent aux symphonies une teinte résolument locale et patriotique, avec des timbres qui oscillent entre le glamour et le graveleux, avec à peine un sourcillement d’ironie. Mallwitz fait ressortir dans la première symphonie des impressions de cabaret que je n’avais pas entendues auparavant ainsi que de multiples citations personnelles dans la deuxième. Ces interprétations sont presque totalement convaincantes. Si je les entendais dans une salle de concert, je pense que je serais totalement conquis.
Entre les deux, Mallwitz nous fait découvrir Les Sept péchés capitaux, une suite de concert que Weill a écrite à Paris sur des textes de Brecht (avec qui il s’était à nouveau brouillé) et destinée à Lenya (qui l’avait quitté). Aucune mise en garde : une pure déflagration de cinq chanteurs aux accents berlinois qui n’ont pas la langue dans leur poche. C’est du Weill de qualité premium, echt (« authentique ») à souhait. J’aime beaucoup.
Traduction par A. Venne
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