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Personne n’a jamais fait carrière avec Scriabine. Le compositeur russe est trop excentrique, trop marginal (de son propre aveu) pour attirer les foules. Les lions du piano se sont emparés de ses pièces mineures pour les rappels, mais ne jouaient jamais un concerto de Scriabine ou un récital complet. Vladimir Horowitz, qui a joué pour le compositeur alors qu’il n’avait que dix ans, est l’un des rares adeptes ayant fait d’une étude en ré mineur de Scriabine une carte de visite au Carnegie Hall.
Raison de plus pour applaudir le jeune virtuose russe Andrey Gugnin qui s’est lancé dans un album de mazurkas, un plat national polonais qui démontre l’attachement de Scriabine à Chopin. Une série du début de l’opus 3 n’a pas grand-chose pour captiver l’attention et beaucoup de redondance. Il en va de même pour une série du milieu de l’opus 25. Mais les deux mazurkas de l’opus 40 nous conduisent au cœur même de Scriabine et à la limite de la tonalité. Scriabine s’amuse non seulement avec les relations tonales, mais aussi avec les tempos, perturbant le flux d’une ligne mélodique et gardant le musicien sur le qui-vive pour des changements soudains et des diversions incompréhensibles.
Gugnin gère ces caprices avec une nonchalance étudiée et une oreille peu commune pour la beauté fugace. Il nous rappelle que Scriabine, bien que marginal dans les concerts modernes, est le cœur vivant du pianisme russe, un patriarche dont l’influence s’étend au professeur moscovite Heinrich Neuhaus, à ses élèves Richter et Gilels et au-delà pour définir une approche russe distinctive des touches noires et blanches, fondée sur une absence de nationalisme, une ouverture aux autres sons.
NL
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