Critique | We are shining forever: Mathieu Arsenault et la Morte

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Avec We are shining forever à la recherche de l’entrée du royaume des morts, Christian Lapointe et Mathieu Arsenault orchestrent la plus effrénée et magistrale des célébrations artistiques à la mémoire de l’auteure Vickie Gendreau. Avec Ève Landry et Mélodie Bujold-Henri, Sur une musique de Navet Confit. Jusqu’au 15 octobre lachapelle.org, dans le cadre du Festival Phénomena et du 16 au 26 novembre theatreperiscope.qc.ca

C’est la troisième fois que Christian Lapointe adapte à la scène les écrits de Mathieu Arsenault. En 2008, le metteur en scène de Québec adaptait le roman Vu d’ici et le spectacle éponyme, créé au théâtre La Chapelle par la compagnie du Théâtre Péril, remportait un vif succès. Le solo faisait ensuite l’objet d’une tournée régionale avant d’être repris en 2013. En 2017, les deux artistes poussaient plus loin leur fructueuse collaboration autour de La vie littéraire.

Christian Lapointe aborde cette fois, dans We are shining forever à la recherche de l’entrée du royaume des morts, le roman La morte, que Mathieu Arsenault a publié aux éditions Le Quartanier en 2020.Il faut savoir que l’écrivain québécois était le grand ami et mentor littéraire de l’auteure Vickie Gendreau décédée d’un cancer du cerveau, à l’âge de 24 ans, il y a de cela quelques années. Mathieu Arsenault est d’ailleurs le légataire littéraire de l’ensemble des textes de feue la jeune autrice.

Une fête frénétique

We are shining forever (…) évoque donc la perte de Vickie Gendreau, la houle des répercussions de sa mort sur l’existence de Mathieu Arsenault et la décision de celui-ci d’envoyer au diable le concept du deuil. Car le fantôme de Vicky hante obsessivement les rêves et l’appartement de son ami et amant. La morte veut s’évader des archives qu’elle lui a léguées, s’imposer même à ceux qui ne l’ont pas connue. Mais comment mieux la servir, l’entendre encore? L’écriture est la voie que prône l’auteur.

Dans cet hybride de théâtre, de spoken word et de concert, Mathieu Arsenault expose de façon effrénée, impudique et hautement poétique sa vie tourmentée. Trois monologues se succèdent, incarnés d’abord par l’auteur lui-même, puis par Ève Landry et enfin par Mélodie Bujold-Henri qui interprète aux claviers, en direct, la musique électro-punk composée par Navet Confit.

Successivement, les trois interprètes reprennent les éléments d’une même gestuelle, simple mais frénétique. Derrière un micro, ils s’adressent au public d’une voix forte et haute, comme dans un état de transe. Mathieu Arsenault est absolument incandescent, vêtu d’un t-shirt marqué au nom de Vickie Gendreau. Ses mains s’agitent et, dans un balais nerveux, volent de ses paupières à son sexe. Il livre son monologue, coincé à l’avant-scène, contre l’étoffe noire du rideau du théâtre, totalement tiré, dans l’espace douloureux et étriqué du souvenir.

Ève Landry dans We are shining forever à la recherche de l’entrée du royaume des morts. Photo Valérie Remise

Une femme multiple

Solidement campée sur ses jambes, Ève Landry est frondeuse et fantasque; elle est coiffée d’une perruque rose et sa seule apparition colore de fuchsia la scène qui s’est dévoilée. L’actrice incarne l’essence littéraire de Vickie Gendreau, son appétit pour la vie et la liberté. On pense à l’intransigeance du théâtre “in your face”, dont Christian Lapointe s’est déjà fait l’apôtre; le jeu des comédiens est sous une incroyable tension.

Avec ses bouquets de leurs fleurs fanées et sa pile de cercueils de carton, l’installation scénique réussie de Claudie Gagnon utilise les codes que l’on prête aux salons funéraires, bien ancrée dans le prisme des arts visuels et performatifs chers à Carte Blanche, une compagnie que Christian Lapointe dirige depuis bientôt dix ans. We are shining forever (…) est une réussite, un spectacle fort qui va droit au cœur.

We are shining forever (...) rend hommage à une femme multiple. Trop souvent, quand une œuvre évoque le métier de strip-teaseuse, celui-ci deviennent le point focal de l’histoire, laissant la part belle aux lieux communs. Pas ici et c’est beau. Quelques allusions à l’emploi de danseuse de Vickie Gendreau émaillent le texte et les taches fluo de ses costumes de danseuse, la magie de sa différence illuminent le spectacle. La jeune femme ne semait-elle pas paillettes et littérature sur son chemin?

We are shining forever à la recherche de l’entrée du royaume des morts. Jusqu’au 15 octobre lachapelle.org, dans le cadre du Festival Phénomena et du 16 au 26 novembre theatreperiscope.qc.ca

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