Lia Rodrigues \ Encantado : Cérémonie flamboyante

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Lia Rodrigues revient au Festival TransAmériques avec Encantado, une exubérante explosion de danse, franchement jouissive. 6-8 juin, Usine C https://fta.ca

Le Festival TransAmériques (FTA) accueille pour la troisième fois la célèbre chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues (après Incarnat, en 2007 et Pororoca, en 2011). Active sur la scène internationale depuis 40 ans, la créatrice place la collectivité et l’engagement social au cœur de ses préoccupations. Elle est aussi à l’origine de l’Escola Livre de Danças da Maré (l’École libre de Maré) qui accueille des élèves depuis 2011, afin de lutter contre la pauvreté et l’exclusion.

C’est en réaction à la grave crise sanitaire et politique qui a sévi au Brésil en 2021 que Lia Rodrigues crée Encantado. Ce joyeux pied de nez au deuil et à la mort est porté par onze interprètes flambloyant.e.s, principalement d’origine brésilienne, dont plusieurs sont issu·e·s de l’école qu’elle a fondée au nord de Rio de Janeiro.

Serpent sacré

Le spectacle ouvre sur un immense rouleau de couvertures bariolées, que les interprètes déroulent ensemble, à partir du fond de la salle. Le gros cylindre évoque un immense serpent, symbole de la cosmogonie indigène amazonienne qui ouvre les chemins de la connaissance, de la création, la guérison et de la renaissance. Les interprètes se faufileront d’ailleurs en rampant sous les étoffes colorées, à la manière des reptiles, une fois l’immense assemblage déroulé.

Les étoffes sont rouges, violines ou affichent des imprimés léopards, tigrés ou à fleurs. Une joyeuse débauche de couleurs jonche la scène. Retourné.e.s au fond de la salle, les interprètes rassemblent l’ensemble des tissus en un long tas de matière qui est lancé, trituré, échangé. Le mouvement des danseur.e.s est continu, il rappelle celui d’une vague incessante et inarrêtable, métaphore de l’énergie du peuple et du travail nécessaire à l’entretient des liens d’une collectivité soudée.

Soudain jaillit un cri, semblable à celui d’un enfant naissant. Les danseur.euse.s se transforment alors en esprits enchanteurs et se livrent à une sarabande des plus endiablée. Le public est ébahi par la quantité d’étoffes amoncelées, l’énergie avec laquelle les interprètes les déplacent, les roulent et les nouent en costumes et turbans improbables. Et ce, tout au long du spectacle. L’effet visuel de tous ces tissus en mouvement est simplement magique.

Dans Encantado, les interprètes semblent parfois en transe. Crédit photo : Sammi-Landweer

Dans Encantado, les interprètes semblent parfois en transe. Crédit photo : Sammi-Landweer

Fables libératrices

Ici, une danseuse filiforme se métamorphose en déesse de la fécondité, avec de généreuses rondeurs en tissus, riches de promesses. Un trio avance et soudain, les interprètes deviennent gigantesques, juché.e.s sur les épaules de leurs acolytes. À l’avant de la scène, un jeune homme dévoile franchement son anatomie, une serviette rouge vaguement nouée au cou. Les interprètes offrent tantôt des visages épanouis, tantôt grimaçants. Leurs bouches ouvertes, langues sorties, rappellent alors des masques de carnaval effrayants.

Le spectacle s’accompagne de la musique d’un peuple autochtone originaire d’une grande région tropicale partagée entre l’Argentine, le Brésil et le Paraguay, les Guaraní Mbyá. La musique et les chants des habitants du village de Kalipety, en territoire autochtone de Tenondé Porã, ont été enregistrés pendant une manifestation pour la reconnaissance de leurs terres ancestrales qui sont menacées, puis mixées par la compagnie de Lia Rodrigues.

Le rythme des maracas, des instruments traditionnels des rituels indigènes au Brésil, mêlé d’instruments à cordes issus de la colonisation portugaise, est irrésistible. Par leur gestuelle, les interprètes invitent le public à se laisser aller à l’envoûtement de la musique mais aussi, par ricochet, à participer à la diffusion des savoirs traditionnels d’un peuple originaire d’Amérique précolombienne, trop souvent ignorés. Une réussite. Encantado, 6-8 juin, Usine C https://fta.ca

Attention: Le spectacle contient de la quasi- nudité.

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