Entre réalité et thriller littéraire, Le garçon de la dernière rangée

0
Advertisement / Publicité

Après un succès public et critique lors de sa création québécoise (2023) dans la Ville de Québec, le Théâtre Niveau Parking reprend l’étrange texte de Juan Mayorga, Le garçon de  la  dernière rangée et s’installe au Théâtre La Licorne jusqu’au 14 septembre. Accueil – Théâtre La Licorne (theatrelalicorne.com)

Pendant ses cours de littérature, installé au fond de la classe, Claude Garcia est silencieux. L’élève se démarque de camarades plutôt médiocres et surprend un professeur blasé en rendant un premier travail qui semble inspiré de la vie intime de l’un de ses amis, chez qui il s’est fait inviter – sous le prétexte de l’aider en mathématiques. Le texte se termine par un « à suivre » et la vie de famille du cancre en maths est bien vite disséquée à coups d’épisodes, au grand plaisir un peu pervers de l’enseignant cynique. Claude baptise la famille les “Raph” car le père de son ami a donné à son fils son prénom.

Un jeu de perspectives

Juan Mayorga construit ainsi un jeu de miroirs : le récit des séquences qui se déroulent dans la maison des Raph est soumis à la critique du professeur, qui fait lire le texte à son épouse – laquelle le critique à son tour. Sans évoquer sa femme, le professeur retourne à son élève et l’encourage en fonction des commentaires reçus. Le professeur hésite brièvement, au nom de la morale, mais il ne peut résister au plaisir d’encourager un tel talent littéraire et les épisodes s’enchainent, devenant de plus de plus en plus inquisiteurs.

Prétendant être orphelin de mère, vivant avec une famille modeste qu’on n’entrevoit que brièvement, Claude se prend de fascination pour cette maison « normale ». Dès son premier texte, il évoque « le parfum de femme de la classe moyenne » qu’exhale Esther, la mère de Raph. Puis il s’arrange pour se retrouver seul avec cette dernière. Claude influence-t ’il le cours des événements? Le garçon de la dernière rangée développe une intrigue psychologique inquiétante, il y a un aspect « thriller » auquel le spectateur se laisse prendre.

La pièce, créée en 2000 et qui a aussi inspiré le film Dans la maison (2012) de F. Ozon, n’a rien perdu de son efficacité. Elle demande si, au nom de l’art, l’écrivain peut franchir les limites de l’acceptable. Les fils tendus du décor, qui évoquent la galerie d’art de l’épouse du professeur (les spectateurs pourront visiter l’exposition du spectacle à la fin de la représentation), font aussi penser aux lignes d’un texte et à ce qu’on peut deviner entre elles. Des bancs de bois naturel, sur roulettes, se transforment et claquent à volonté, pour ajouter au drame de la représentation.

Vincent Paquette incarne Claude avec conviction. Photo: Émilie Dumais

Vincent Paquette incarne Claude avec conviction. Photo: Émilie Dumais

Il faut souligner le talent du comédien Vincent Paquette, qui incarne Claude avec brio. Son personnage est vraiment solide et crédible. Gageons qu’on reverra très certainement le jeune acteur à la Licorne. Le garçon de la dernière rangée, proposé dans une mise en scène de Marie-Josée Bastien et Christian Garon et dans une bonne adaptation de Maryse Warda, marque un bon début de saison à La Licorne.

Tous les détails au Accueil – Théâtre La Licorne (theatrelalicorne.com)

Crédits: Le garçon de la dernière rangée, de Juan Mayorga, traduit par Jorge Lavelli et Dominique Poulange, mise en scène de Marie-Josée Bastien et Christian Garon, avec Charles-Étienne Beaulne, Samuel Bouchard, Lorraine Côté, Hugues Frenette, Marie-Hélène Gendreau et Vincent Paquette

Partager:

A propos de l'auteur

Les commentaires sont fermés.