Critique CD | Brahms in Solitude (Autoproduit, 2023)

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Brahms in Solitude
Jarred Dunn, piano
Autoproduit, 2023

Les 11 morceaux de l’album créent une trajectoire bien planifiée à travers la musique poétique de Brahms et Jarred Dunn fait preuve d’un talent naturel dans son interprétation.

L’album s’ouvre sur trois pièces extraites des Klavierstücke, op. 118, peut-être l’opus le plus connu de la musique pour piano tardive de Brahms. Dunn nous offre un aperçu des différents styles méditatifs de Brahms : tout d’abord, l’Intermezzo en la mineur, dramatique et émotif, puis l’Intermezzo en la majeur (l’intermezzo par excellence de Brahms), lyrique, magnifiquement joués avec des lignes intérieures de contrepoint; et enfin l’Intermezzo en mi bémol mineur, inquiétant, intense et coloré sur le plan chromatique.

Deux œuvres moins connues des Klavierstücke, op. 76 ont été écrites alors que Brahms étudiait la musique de Chopin et elles ont un air de nostalgie solennelle. Dunn en manie les formes répétitives avec expertise, mettant en valeur leurs voix intérieures et leurs mélodies cachées.

Avec de fréquents changements de rythme, d’harmonie et de mélodie, les deux intermezzos en mi majeur des Fantaisies, op. 116 sont souvent surprenants. Ici, Dunn crée l’image d’un projecteur affaibli qui s’allume et s’éteint, passant d’un point d’intérêt à l’autre. Sa voix habile et sa clarté témoignent de sa compréhension des œuvres de J.S. Bach, l’idole de Brahms.

Brahms décrivait les trois intermezzos de l’opus 117 comme les berceuses de ses chagrins. Bien qu’il s’agisse de lamentations discrètes, chacune contient des moments d’agitation. Les interprétations de Dunn sont intemporelles et immuables, mais n’interrompent jamais l’élan naturel de la musique. Sa sonorité douce est à la fois corsée, résonnante… et incroyablement silencieuse.

Le dernier morceau de l’album, le premier Intermezzo des Klavierstücke, op. 119, a sans doute été soigneusement choisi pour laisser les auditeurs en réflexion. L’interprétation sensible de l’Adagio par Dunn rappelle la description que Clara Schumann en avait faite, la qualifiant de « perle grise » de Brahms. La précision de Dunn, son sens de la direction musicale et sa connaissance de toutes les couleurs du piano sont ici mis en évidence.

Traduction par Andréanne Venne

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