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Dans un entretien qu’il m’a accordé en 1986, Vic Vogel disait avoir su être sur une bonne piste dès son premier big band. « Durant l’été 1968, je jouais au défunt club La Jazzthèque. Je savais que j’avais quelque chose de bon, parce que les gens oubliaient de monter à bord de l’autobus qui s’arrêtait devant le local, la musique leur arrivant par les fenêtres grandes ouvertes. »
Quoiqu’anecdotique, cette histoire nous en dit beaucoup sur un des personnages les plus colorés de la faune musicale québécoise, sa mort le mois dernier mettant un point d’orgue à une carrière de plus de 60 ans. Tromboniste à ses débuts, ce Montréalais, fils d’une famille d’immigrants austro-hongrois, a troqué la coulisse de son trombone pour les ivoires du clavier, lesquelles lui ont ouvert la voie à sa véritable passion : la composition et l’arrangement.
Comme tout jeune musicien séduit par les musiques populaires de son temps, Vogel n’avait d’autre arène que les bars et salles de danse pour apprendre son métier. Pour lui, Duke Ellington et Dizzy Gillespie étaient des modèles. Marqué par cette double influence, Vogel n’a jamais remis en question ses propres acquis, s’estimant même être un digne représentant d’une tradition musicale authentiquement américaine.
Cet orchestre de La Jazzthèque, sur lequel Vogel a bâti toute sa réputation, n’était pas sa création, mais bien celle du saxo Lee Gagnon, un oublié du jazz de chez nous qui s’est rendu à New York pour tenter sa chance, mais en vain. Vogel en revanche a maintenu la galère à flot pendant des décennies, assurant des répètes régulières le lundi soir, même en temps de vaches maigres. Après sa retraite de scène en 2015, suivant un concert hommage tenu en son absence, il les continuait de plus belle en rassemblant ses troupes à son domicile.
De tous ses complices, le trompettiste Ron Di Lauro comptait parmi les plus loyaux. À l’orée de ses 20 ans en 1979, celui-ci remplace au pied levé un collègue avant d’intégrer la formation pour de bon l’année suivante. « Tout le monde connaissait Vic pour ses humeurs parfois difficiles, mais cela était une façade, car il avait vraiment une sensibilité à fleur de peau. Si l’un de ses gars était malade, il se renseignait auprès de moi à la première occasion. Nous étions sa famille, quoi. » Le rapport entre les deux hommes était si proche que le chef considérait son trompettiste comme son bras droit, même après l’engagement d’un gérant d’affaires à la fin des années 1990. De conclure Di Lauro : « Vic jappait beaucoup, mais il n’a jamais mordu qui que ce soit. »
Stefan Viktor Vogel, né le 3 août 1935 à Montréal, est mort dans sa ville le 16 septembre 2019 à 84 ans. Outre ses fidèles musiciens et son gérant Bob Pover, il laisse dans le deuil son fils Sébastien, sa fille Vanessa, une compagne et des petits-enfants.
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