Scène internationale : le Canada à l’honneur

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Les «  vitrines  », comme on les appelle dans le monde francophone, sont aux arts à ce que les foires sont au monde des affaires. Si ces dernières sont conçues pour promouvoir la vente de biens et de services dans de nouveaux marchés, les premières donnent l’occasion à des créateurs de rencontrer un public de décideurs culturels susceptibles de diffuser leurs œuvres. Les arts de la scène se prêtent particulièrement bien à une telle activité, destinée à des gens de métier aussi divers que les agents de tournée, diffuseurs et producteurs de spectacles, sans oublier les multiples intervenants de la sphère médiatique.

Dans le monde du jazz, par exemple, la ville allemande de Brême est le théâtre d’une telle vitrine. Son nom : jazzahead! Premier carrefour international de la note bleue, cet événement prestigieux a dû reporter sa quinzième édition de 2020 à cette année, victime à son tour des mesures sanitaires. À moins d’une nouvelle vague, ou encore de l’actuel conflit européen qui jette son spectre sur le monde, tout est en place pour sa reprise, prévue pour la fin d’avril.

François Bourassa

Brême sera donc le point de convergence pour des musiciens et musiciennes de tous les coins du globe, ou presque, dont un important contingent canadien. Notons que la politique du pays invité est une constante dans la programmation de jazzahead! depuis ses débuts. Le Canada, pour sa part, en est à sa seconde «  tentative  », la plus récente étant celle de 2020, la première ayant été compromise par l’éruption inattendue de ce volcan islandais quasi-inprononçable qui avait empêché nos artistes de s’y rendre après la fermeture du corridor aérien transatlantique. Cette présence canadienne était d’ailleurs le résultat d’une importante initiative de promotion culturelle du gouvernement fédéral en Allemagne, initiative qui comprenait une entente similaire avec la foire du livre de Francfort, participation remise à octobre dernier.

28  avril

Malgré les incertitudes, l’espoir demeure que le Canada sera enfin au rendez-vous de jazzahead! avec une substantielle programmation de quelque 15 spectacles. Dès la soirée d’ouverture, la Canadian Jazz Night, les feux de la scène seront braqués sur huit formations, la moitié du Québec, deux de l’Ouest canadien et deux de concitoyens résidant aux États-Unis. De ce nombre, le pianiste François Bourassa et son quartette sont des habitués de l’événement, suivi de près par Marianne Trudel qui se produira en tandem avec le batteur John Hollenbeck, détenteur d’une chaire d’enseignement à l’Université McGill. Pour leur part, le duo Silvervest du bassiste Nic Caloia et de la chanteuse Kim Zombik seront à leur première participation, tout comme le saxo alto François Carrier et son complice, le batteur Michel Lambert, rejoints par le bassiste britannique John Edwards. D’Edmonton, la tromboniste Audrey Ochoa se produira en trio alors que le guitariste et pianiste vancouvérois Itmar Erez comptera sur trois acolytes, dont le formidable clarinettiste François Houle. Les expatriés, pour leur part, seront le batteur Larnell Lewis de New York et Steph Richards de San Diego (sur la photo), le premier dans un créneau électrique, la seconde encline à un jazz plus expérimental.

29 et 30  avril

Le second soir sera consacré à un concert gala partagé entre deux chanteuses, Malika Tirolien (connue dans le marché québécois) et Leila Biali (ailleurs au pays). Le lendemain, la foire déborde son cadre professionnel pour se diffuser à travers la ville et ainsi rejoindre un public de mélomanes. Plus de 20 salles sont de la partie pour accueillir des groupes tous azimuts, autant stylistiques que géographiques, incluant une autre composante canadienne. Guitariste de Vancouver établi à Berlin, Gordon Grdina offrira sa fusion de musique iranienne et de jazz impro avec son septette Haram, alors que le chanteur haïtien Vox Sambou servira son gumbo créole. Ailleurs au programme, la trompettiste Lina Alemano (elle aussi transfuge à Berlin) présentera son quartette torontois, alors que le DJ Kokoom laissera ses plaques tourner, la chanteuse Barbara Lica et l’ensemble The Brooks donnant respectivement leurs tours de chants et de musiques instrumentales.

JazzAhead vu par…

Aussi intéressant soit-il de regarder l’événement de l’extérieur, comment se voit-il de l’intérieur, soit du point de vue des artistes  ? Voici deux perspectives, la première offerte par un connaisseur de la chose, la seconde par une nouvelle venue.

François Bourassa

C’est ma troisième présence, donc je suis en pays de connaissance. Il faut dire que le temps est très serré, alors il faut bien choisir les pièces pour laisser la meilleure impression. Comme il y a tellement de choses qui se passent et que tant de gens se rencontrent, il est difficile d’écouter la musique des autres, comme dans un festival. Pour moi, ce sera encore plus difficile, car je serai au milieu d’une tournée, entre des spectacles à Budapest et à Paris, donc un passage éclair d’une journée à la tête de mon quartette. Nous aurons un tout nouveau répertoire bien rodé, encore inédit, mais destiné à notre prochain disque Du reste, j’ai la chance d’avoir une agente en mesure de monter mes tournées et s’occuper de tous les rendez-vous d’affaires avec les diffuseurs de spectacles et autres.

Steph Richards

Loin de tout comme je suis, soit à San Diego, j’ai vraiment hâte de me retrouver de nouveau en présence directe avec une communauté après tout ce temps passé chez moi.. Je suis aussi très fière de représenter mon pays et d’avoir une formation de première classe à mes côtés. N’ayant jamais assisté à un tel événement de ma vie, mon attente est seulement de jouer mes affaires et d’entendre d’autres groupes ainsi que d’établir de nouveaux contacts dans cette grande communauté internationale qui rend cette musique possible. Je compte aussi m’informer sur les rouages de l’industrie, les diffuseurs et gestionnaires de séries de concerts. Ma passion, faut-il le dire, se situe du côté des musiques créatives et expérimentales, celles qui vont toujours de l’avant. Si l’on croit à sa cause tout en laissant son art évoluer avec probité, il sera toujours pertinent et accessible à tous les publics, peu importe le degré d’audace ou de réceptivité à son égard.

http://www.jazzahead.de.

Voir ici Ces mots dits du jazz (critiques de livres)

 

 

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A propos de l'auteur

Marc Chénard is a Montreal-based multilingual music journalist specialized in jazz and improvised music. In a career now spanning some 30 years, he has published a wide array of articles and essays, mainly in Canada, some in the United States and several in Europe (France, Belgium, Germany and Austria). He has travelled extensively to cover major festivals in cities as varied as Vancouver and Chicago, Paris and Berlin, Vienna and Copenhagen. He has been the jazz editor and a special features writer for La Scena Musicale since 2002; currently, he also contributes to Point of Departure, an American online journal devoted to creative musics. / / Marc Chénard est un journaliste multilingue de métier de Montréal spécialisé en jazz et en musiques improvisées. En plus de 30 ans de carrière, ses reportages, critiques et essais ont été publiés principalement au Canada, parfois aux États-Unis mais également dans plusieurs pays européens (France, Belgique, Allemagne, Autriche). De plus, il a été invité à couvrir plusieurs festivals étrangers de renom, tant en Amérique (Vancouver, Chicago) que Outre-Atlantique (Paris, Berlin, Vienne et Copenhangue). Depuis 2012, il agit comme rédacteur atitré de la section jazz de La Scena Musicale; en 2013, il entame une collabortion auprès de la publication américaine Point of Departure, celle-ci dédiée aux musiques créatives de notre temps.