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The Nimmons Tribute — Vol. 1 To the Nth / Vol. 2 Generational — Productions d’artiste
Annoncée en juin dans un profil consacré au compositeur et clarinettiste Phil Nimmons, la prestation donnée à l’occasion de son centenaire s’est déroulée à la clôture du festival de Toronto le 2 juillet, sous un ciel hélas couvert et pluvieux. La musique présentée au spectacle extérieur est accessible sur deux disques, le premier lancé en 2020, le second en marge du concert. Compte tenu de l’œuvre abondante du dédicataire, le défi était de taille, soit de monter un répertoire pour un ensemble de circonstance. Son petit-fils, Sean Nimmons-Paterson, pianiste et arrangeur, a assumé la direction d’un groupe comprenant trois bois et deux cuivres, la rythmique traditionnelle et une invitée, la chanteuse Heather Bambrick, entendue sur la finale du second volume (Night Night Smiley). Huit plages totalisant une heure de musique arborent chacune des deux surfaces, la première toute en douceur et se terminant sur un arrangement quelque peu mielleux pour un ensemble à cordes en sus, la seconde plus engageante en matière de dynamiques et de tempos, ainsi que deux pièces originales du pianiste et directeur artistique du projet. M. Nimmons devrait se réjouir des résultats, d’autant plus qu’il a contribué à la formation de tous les participants, les plus éminents étant le ténor Mike Murley et le trompettiste Kevin Turcotte qui brille particulièrement dans ses solos. Quel plaisir pour lui que d’entendre de nouveaux arrangements de ses œuvres par un ensemble qui lui rend un honneur si éloquent !
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Swirl — François Bourassa Quartet — Effendi FN 169
Au premier coup d’œil, le titre de cet album semblerait « wirl », mais si l’on arrive à déchiffrer les blocs à la gauche, il s’agit d’un « s » si stylisé qu’on peine à le reconnaître. Hormis ce petit aléa de graphisme, il n’y a que du bien à dire de cette nouvelle réalisation du pianiste François Bourassa et ses fidèles complices, Guy Boisvert, bassiste, André Leroux, anches, et le cadet du groupe, le batteur Guillaume Pilote. Les trois musiciens sont à la hauteur des exigences de leur chef, créant entre eux une musique qui surpasse souvent la simple addition de ses parties. En une heure, le quartette s’attaque avec aplomb, même avec abandon, aux six pièces du pianiste, élaborant des trames complexes durant lesquelles la part de l’écrit et celle de l’improvisation se fondent entre elles, tenant l’auditeur en haleine. Réalisé dans les conditions idéales du studio, d’où la qualité exceptionnelle de la prise sonore, l’enregistrement est toutefois « bonifié » par la présence d’un petit public qui applaudit après chaque morceau, les applaudissements brisant quelque peu l’intensité de la musique, mais que l’on aurait pu juste laisser pour la toute fin, – comme c’est le cas ici – question de souligner cette présence publique. Privés que les musiciens et musiciennes étaient de leur public ces dernières années, le quartette profite pleinement de ce rapport en direct en nous livrant l’un des albums les plus aboutis de sa discographie bien étoffée. Parmi les faits saillants, signalons la fin de la seconde plage, Prologue, qui se termine sur un remarquable chassé-croisé entre Bourassa et Leroux (à la flûte ici) dans le suraigu de leurs instruments.
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Of What Remains — Melissa Pipe Sextet — OddSound ODS 028
Musicienne discrète sur nos scènes, Melissa Pipe se démarque de deux façons de ses confrères et consœurs en ville. D’une part, elle est l’une des rares spécialistes du saxo baryton; d’autre part, et plus singulier encore, elle ne joue ni de la clarinette basse ni d’un autre saxo ou d’une flûte comme second instrument, mais du basson, véritable ovni dans l’univers du jazz. Après une vingtaine d’années de métier, elle signe son premier album pour le compte de l’étiquette OddSound. Bien qu’il ne faille pas toujours s’en remettre aux titres d’albums ou les illustrations de couverture pour en déduire les contenus, le titre de ce recueil de neuf plages et son aspect visuel vendent un peu la mèche, la pièce d’entrée (La complainte du vent) – un solo langoureux de basson d’à peine une minute – établissant l’ambiance générale de cette offrande musicale de 46 minutes. À l’écoute, on se rend compte que tout a été bien mûri, patiemment travaillé d’avance en vue d’une finalité, soit le disque comme aboutissement de la démarche. Tout aussi complices dans l’aventure sont les deux autres vents du groupe (Lex French, trpt., Philippe Côté, saxo ténor et cl. basse) ainsi que la rythmique de Geoff Lapp (pno), Solon McDade (cb.) et Mili Hong (btr), Michael Sendell apparaissant furtivement sur trois plages au ténébreux contrebasson. Pour sa douce intensité, l’une des vertus les plus difficiles à atteindre en musique, cet album nous transporte dans un état de grâce.
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Sun Ra’s Journey — Tyler Mitchell Octet — Cellar Live CMSLF 001
Tous les genres musicaux ont leur part d’excentriques. En jazz, l’inénarrable Sun Ra est le plus « extraterrestre » d’entre eux. Premier indice : son identité autoproclamée de voyageur interstellaire issu d’une autre planète; second indice : son grand ensemble, l’Arkestra, réputé pour son « joyeux bruit » recoupant tous les styles, du rétrojazz kitsch au free jazz le plus échevelé. Trente ans après sa disparition, l’ensemble persiste, entretenu par son bras droit, le charismatique saxo alto Marshall Allen, toujours dans le coup à 99 ans ! Il se retrouve justement sur l’enregistrement actuel réalisé par un octette sous la férule du bassiste Tyler Mitchell, membre de la mouture 2023 de l’Arkestra. Étalées sur 55 minutes, les douze plages du disque offrent une excellente porte d’entrée au monde fantas(ti)que de « Mister Re » – sobriquet maintes fois utilisé par le personnage. Six des titres sont de sa plume (Discipline 27 et Love in Outer Space parmi les plus connus), deux par Allen, un de Monk (Skippy), le reste provenant des accompagnateurs. Fidèle à lui-même, Allen éclabousse les morceaux de ses interventions dramatiques, d’autant plus saisissantes qu’elles sont brèves et imprévues. Si la musique se déchaîne par moments, la folie est toutefois mesurée, mais le swing, lui, tisse son fil rouge tout au long de cette escapade des plus jouissives.
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