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Tours de basse
Michel Donato et ses amis québécois / Effendi FND 166
Pour ses 80 ans, Michel Donato s’est offert un joli cadeau (à nous aussi) sous la forme d’un album. Pilier du jazz montréalais depuis des lustres, il se retrouve avec ses « amis » de longue date Frank Lozano, saxos ténor et soprano, François Bourassa, piano, et Pierre Tanguay, batterie. Dans la foulée de deux disques dédiés à Bill Evans, ces messieurs proposent un programme de pièces originales, écrites en bonne partie par le pianiste, huit au total, les unes aussi bien ficelées que les autres. Conviviale, la musique se déploie sans heurts sur des tempos oscillant entre le moyen et le lent (quatre ballades), la résultante étant un jazz très décontracté, parfait pour une soirée de détente. Bien que le disque soit à son nom, Donato est remarquablement discret, il ne prend qu’un seul solo, le saxo et le pianiste se divisant les honneurs.
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Fire in the West — Niel Swainson / Cellar Live CM11821
Si Donato est le contrebassiste de jazz le plus connu à Montréal, Neil Swainson peut réclamer ce titre à Toronto, bien qu’il y ait aussi Dave Young. Homme de toutes les occasions jazzistiques, Swainson a produit peu de disques en son nom, son plus célèbre étant 49th Parallel. Le voici de retour, une fois de plus en quintette d’instrumentation identique à son prédécesseur, soit une trompette et un saxo ténor appuyé d’un trio piano. Toutes les dix compositions au programme sont du bassiste, chacune conforme au style hard bop. À bien des égards, cet album est une reprise de l’album antérieur qui comptait deux grosses pointures, Woody Shaw et Joe Henderson (tous deux disparus depuis, comme le batteur et le pianiste). Brad Turner et Kelly Jefferson prennent le relais ici, la rythmique assurée par Renee Rosnes et Lewis Nash. Une belle galette à déguster, pour les amateurs du genre.
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were we where we were — Michael Formanek Drome Trio / Circular Files CFCD 1202202021
Dans un créneau plus actuel, l’Américain Michael Formanek propose ici un nouveau trio. Quatre plages s’étalent sur plus d’une heure, la première et la dernière étant deux prises du même morceau (Tattarrattat), les deux autres plus brèves, la première donnant le titre à l’album, la seconde intitulée Never Odd or Even. Bassiste de premier plan de la scène new-yorkaise contemporaine, cet excellent musicien a recruté deux solides complices, le batteur Vinnie Sperazza et l’un des nôtres qui fait désormais carrière dans cette ville, le saxo Chet Doxas. Notons que ce dernier nous dévoile une autre arme dans son arsenal, le saxophone soprano, démontrant une aisance égale sinon supérieure à celle avec son premier instrument et marque de commerce, le saxo ténor, sans oublier la clarinette, entendue brièvement sur une des plages. Pour les amateurs du vinyle, ce disque est offert dans ce format, moins la plage d’ouverture de 27 minutes, accessible par téléchargement du site de l’artiste.
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Trios x 3
Seismic Shift — John Escreet / Whirlwind Recordings WW4794
Rares sont les disques qui saisissent l’auditeur dès les premières notes. En voici un. S’il fallait décrire cette nouveauté du pianiste John Escreet par un seul mot, ce serait « intensité ». Juste son titre, Seismic Shift, vend un peu la mèche sur la teneur de cet album. Même si la désignation de la pièce d’ouverture (Study No 1) pourrait donner l’impression d’une esquisse, on entend dès les premiers instants un pianiste qui se lance dans une attaque sonore en règle livrée à coup de lignes véloces et d’accords puissants, une approche salutaire nettement différente des entrées en matière plutôt douces à la sauce ECM. Escreet donne le ton à l’enregistrement d’une cinquantaine de minutes réparties en neuf plages, ses accompagnateurs Eric Revis et Damion Reid (basse et batterie) donnant du corps à cette entreprise musicale tonifiante. Un trio piano hors norme.
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Mesmerism — Tyshawn Sorey Trio / Production d’artiste
L’intensité en musique n’est pas qu’une question de décibels ou de grandes envolées virtuoses : elle peut aussi être de l’ordre du murmure (la « douce intensité » proposée jadis par Jimmy Giuffre). Telle est la teneur de cet album en trio de l’impressionnant batteur Tyshawn Sorey, accompagné du bassiste Matt Brewer et du pianiste Aaron Diehl. La formule est quelque peu surprenante pour le batteur, que les amateurs connaissent comme figure de proue des musiques dites créatives, incluant ses ambitions de compositeur de musiques savantes, car il a puisé uniquement dans un répertoire de jazz traditionnel, choisissant cinq morceaux regroupés sur un microsillon et un sixième figurant seulement sur les versions numériques (compact et téléchargement). À tour de rôle, on entend défiler des morceaux de Horace Silver, Herb Ellis, Joseph Kosma (Les feuilles mortes), Paul Motian et Duke Ellington, ainsi qu’un titre de Muhal Richard Abrams, le plus avant-gardiste du lot. Ce disque tout en subtilité nous invite à une écoute des plus attentives.
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Echos — Davheed Behroozi / Sunnyside SSC 1618
La tradition du piano en jazz repose sur un jeu de notes détachées articulées de la main droite, la gauche marquant les harmonies par des accords plaqués. Comme cela n’est qu’une tendance, les exceptions abondent. Si l’on se fie au plus récent album de Davheed Behroozi publié chez Sunnyside, son approche est davantage celle du pianiste classique, tant par sa touche, plutôt impressionniste, que par un jeu en blocs d’accords. Toutes sauf une pièce suivent ce procédé, l’avant-dernière étant la seule jouée de manière linéaire. Dans l’ensemble, une ambiance introspective plane sur ce disque, le pianiste utilisant beaucoup les pédales à cette fin. Derrière lui, le batteur Billy Mintz et le bassiste Thomas Morgan (qui a contribué une pièce au programme, les autres du pianiste) offrent des contrepoints rythmiques et harmoniques libres, un peu dans l’esprit des trios classiques de Bill Evans, quoique d’une facture un peu plus austère et solennelle, plus proche de la musique classique que le jazz. Notons enfin le titre de l’album qui suggère tout de suite sa teneur musicale.
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Quartettes x 4
Molecular Systematic Music Live — James Brandon Lewis / Intakt CD389
James Brandon Lewis est l’un des saxos ténors les plus captivants de l’heure. Les deux compacts de 45 minutes publiés dans l’album actuel reprennent le répertoire de son précédent disque réalisé en studio de 2020. Donné un an plus tard, le concert a ravi le public, comme le montrent les applaudissements nourris. La sonorité ample sourd des tripes du saxo et il transmet même une certaine spiritualité dans ses généreux solos. Le trio, chapeauté par le pianiste cubain Aruan Ortiz, contribue aux brillants résultats. Rares sont les longueurs, sauf peut-être vers la toute fin où l’on se sent un peu vidé par cette corne d’abondance musicale. Du jazz moderne à la hauteur de notre temps.
Neon — Andrew Boudreau / Fresh Sounds New Talent FST4039
De passage récemment à l’Off Festival, l’ex-Montréalais et pianiste Andrew Boudreau s’est produit avec son quartette de New York, sa résidence actuelle. Se retrouvent sur ce compact concis de 46 minutes neuf de ses pièces, songées dans l’ensemble et modelées dans l’esprit du jazz contemporain : compositions aux tournures angulaires, métriques inhabituelles, langage harmonique aux limites de la tonalité, solos quittant parfois les cadres formels, accompagnements swinguants sans pour autant être métronomiques. De toute évidence, le jazz mainstream de notre temps a évolué en puisant des éléments issus de ses courants avant-gardistes et d’autres genres aussi.
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Tardif — Brûlez les meubles / Tour de Bras TDB900058CD
Entrepreneur musical polyvalent, Éric Normand joue de la basse électrique et dirige le GGRILL, formation de musique improvisée de Rimouski. Identifié principalement aux courants expérimentaux, ce touche-à-tout s’adonne aussi au jazz. Son groupe au nom singulier réunit pour une première fois l’inénarrable Jean Derome et le batteur américain John Hollenbeck. Le guitariste Louis Beaudoin de la Sablonnière complète la formation. Tous sauf le batteur ont contribué au répertoire de neuf pièces, dont une (A Jazz Tune I Hope) provient du tromboniste Albert Mangelsdorff. Cet album de 47 minutes démontre l’une des multiples façons de faire du jazz à notre époque sans avoir à reprendre les formules convenues. On ne parlera pas d’un langage novateur, mais la signature lui est propre. Et c’est déjà ça.
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Artifact — Kate Wyatt / Production d’artiste
Pianiste à la crinière folle (qui illustre la couverture du disque), Kate Wyatt s’immisce de plus en plus dans la scène montréalaise. Inséparable de son conjoint bassiste Adrian Vedady, également entendu ici, elle propose une formation comprenant le batteur Jim Doxas et le trompettiste Lex French. Outre la ballade A Flower is a Lovesome Thing de Billy Strayhorn, elle signe les six autres titres de ce recueil d’un peu moins d’une heure. Le fait que le groupe développe son matériel comme en spectacle est un atout de ce disque enregistré en studio, où il arrive souvent que les morceaux soient interprétés d’une manière plus circonspecte, voire plus retenue. Tout se joue sur un fond traditionnel, sans grosses surprises, mais le groupe s’investit complètement dans l’entreprise. Nul n’a besoin d’innover à tout prix pour soutenir l’intérêt de l’auditeur, il importe d’être conséquent dans sa démarche et de livrer sa marchandise avec conviction.
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À lire aussi en ligne: Retour sur un festival – Off Festival de jazz, 6-15 octobre.
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