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Du jeudi 6 octobre au samedi 15, l’OFF Festival de Jazz de Montréal (OFJM) revient avec l’une des programmations les plus ambitieuses de son histoire. Répartis entre trois salles de concerts (Lion d’or, Sala Rossa et Théâtre du Gesù) et autant de clubs (Upstairs, Le Dièse onze et Résonance Café), les 24 concerts au menu offriront une belle vue en coupe du jazz d’aujourd’hui, de la tradition à l’avant-garde.
Présidé une fois de plus par l’harmoniciste Lévis Bourbonnais, le comité de musiciens reste fidèle à sa vocation de mettre des talents de chez nous à l’avant-plan de son programme; pourtant, il a choisi de mettre un accent particulier sur des collaborations inédites entre musiciens d’ici et d’ailleurs.
Les concerts d’ouverture et de clôture sont exemplaires à ce titre : quelque 30 musiciens seront au rendez-vous de ces spectacles, Montréalais en majorité, mais rejoints par des invités de Suède pour le premier, de Toronto pour le second, sans oublier une grosse pointure américaine.
En soirée d’ouverture au Lion d’or, la saxophoniste Christine Jensen propose l’ensemble Transatlantic Conversations, une formation de onze musiciens qu’elle codirigera avec Maggi Olin, compositrice et pianiste de Suède. Se connaissant depuis quelque temps, elles ont déjà tourné chez nous en petite formation. En 2013, elles mettent sur pied une grande formation, présentée en première à Malmö, ville de la pianiste. Capté par la radio d’État, le concert est publié l’an dernier sur étiquette Linedown. Savamment orchestrées par les codirectrices, les huit pièces (chacune en composant quatre) proposent une musique empreinte de lyrisme, le tout agrémenté de plusieurs bons solos. Pour cette première « transatlantique », l’ensemble reprendra des titres du disque, mais en proposera quelques nouveaux. S’ajouteront à la distribution la chanteuse Sophie Norling, compatriote de la pianiste, et la sœur trompettiste de Christine, Ingrid, qui à l’instar de la chanteuse ajoutera quelques effets électroniques.
Le samedi 15 au Gesù, l’OFJM propose un dernier événement de grande envergure. Pas moins de 20 musiciens-improvisateurs, issus autant de la scène montréalaise que de celle de Toronto, accueilleront un chef invité et figure de proue des musiques créatives de notre temps : le saxophoniste Roscoe Mitchell. Membre fondateur du collectif de musiciens afro-américains d’avant-garde de Chicago l’AACM, ce multi-instrumentiste était aussi un membre fondateur du maintenant légendaire Art Ensemble of Chicago.
À 76 ans, Mitchell demeure un farouche explorateur de sonorités inouïes au-delà de tous les poncifs du jazz. Coproduction entre l’OFJM et La Music Gallery à Toronto, ce projet a été piloté par trois musiciens, les Montréalais Nicolas Caloia et le tromboniste Scott Thompson ainsi que le saxophoniste torontois Kyle Brenders.
La proposition musicale, singulière en soi, mérite une explication de M. Mitchell lui-même qui nous révèle ses intentions depuis son domicile à San Francisco : « En 2013, j’ai enregistré Conversations 1 & 2, deux disques d’improvisations totales avec Craig Taborn (claviers) et Kikanju Baku (batterie). J’ai commencé à orchestrer quelques pièces à partir de transcriptions qui ont été réalisées pour moi. Depuis, j’ai produit des versions pour des orchestres de chambre à Reykjavik et à New York, entièrement écrites. Pour Montréal, je présenterai cinq pièces qui laisseront place à des improvisations. J’utilise cette approche parce que j’arrive à produire des choses auxquelles je n’aurais jamais pensé si je m’étais mis à composer à zéro. »
Pour tout savoir sur l’OFF Festival de Jazz de Montréal : www.lofffestivaldejazz.com
Yves Charuest : Improvisateur tout-terrain
Pour Yves Charuest, les étoiles semblent s’aligner favorablement. À l’automne 2015, l’OFJM lui remettait le prix François-Marcaurelle, décerné à un artiste (ou groupe) pour sa prestation. Cette récompense, dotée d’une bourse, accorde aussi au gagnant un retour à la prochaine édition. Chose dite, chose faite, le saxophoniste foulera les planches du festival – pas juste une fois, mais trois. Outre une participation au concert de clôture, il se produira à deux autres reprises, d’abord comme membre du quartette Chaosmos de son confrère saxophoniste et clarinettiste basse Phillipe Lauzier (samedi 8), puis le lendemain à la tête de sa formation gagnante de l’an dernier (Still avec Nicolas Caloia, cb., et Peter Valsamis, btr.). Un invité spécial se joindra à ce trio, le pianiste allemand Georg Graewe. Inédite, cette rencontre permet au musicien d’exaucer l’un de ses vœux.
« Il y a deux pianistes avec qui je souhaitais jouer un jour : Augusti Fernandez et Georg Graewe. En juin 2014, le premier, un Catalan, était à New York; j’ai réussi à l’inviter pour jouer avec mon trio au festival Suoni Per il Popolo. Le lendemain, nous avons enregistré en studio et un disque sortira dans les prochains mois sur Tour de Bras, l’étiquette de Rimouski. Pour Graewe (on prononce Gréva), j’ai eu un autre coup de chance, car l’une de mes connaissances l’a visité chez lui à Vienne l’automne dernier et nous a mis en contact. Nous allons aussi enregistrer en studio au lendemain du concert. »
Spécialiste de l’alto, Charuest se consacre principalement à l’improvisation libre, et ce, depuis ses débuts professionnels dans les années 1980. Intéressé par la batterie dès un jeune âge, il a pourtant fait ses premières armes à la flûte à l’école avant de se mettre au saxophone. S’ensuivent une formation au Conservatoire de Montréal et un stage à l’école de Banff, préludes à son entrée dans l’arène des musiques improvisées, d’abord à Montréal aux côtés du batteur Michel Ratté, puis en Europe entre 1986 et 1988, où il partage son temps entre la France et l’Allemagne.
Mais ces activités festivalières ne sont qu’un début pour lui. En novembre, il séjournera à Vancouver pendant trois semaines, le voyage rendu possible par un programme d’échanges d’artistes entre nos deux métropoles. À l’été 2017, il passera six mois dans l’appartement d’artiste de Londres prêté par le gouvernement du Québec.
Musicalement, Charuest se démarque de ce que l’on attend (et entend) habituellement des saxophonistes. Il n’est pas de ceux qui jouent haut et fort tout le temps. « Je m’intéresse moins à la superposition, comme dans le free jazz, et plutôt à l’imbrication. Je joue davantage en fonction de ma manière de m’insérer dans les espaces qui surviennent dans la musique plutôt que de m’imposer. »
Nouveautés discographiques au festival
The Claudia Quintet
Super Petite
Cuneiform Rune 427
Établi à Montréal, le batteur américain John Hollenbeck se distingue comme compositeur d’œuvres orchestrales assez ambitieuses. Son Claudia Quintet, en revanche, est un quintette d’une instrumentation particulière, comprenant vibraphone (Matt Moran) et accordéon (Red Wieringa). Bien arrondi par la contrebasse de Drew Gress et les anches de l’excellent Chris Speed (saxo ténor, clarinette), cette formation, qui roule depuis près de 20 ans, présentera à l’OFF festival le matériel de son septième enregistrement pour l’étiquette américaine Cuneiform. Quant au titre, le batteur précise dans ses notes qu’il voulait écrire des pièces plus concises. Dix pièces défilent en une quarantaine de minutes, morceaux laissant quand même assez de place à de bons solos de tous les collaborateurs. Mais la plus belle qualité de cet enregistrement se situe dans les savants mariages de timbres des compositions et des climats qui en résultent.
En concert : 12 octobre, 20 h, Lion d’or
En ouverture : Thom Gossage Other Voices
Jean-Pierre Zanella
Quattro Venti
Camillo records (Production d’artiste)
Vétéran de la scène montréalaise, le saxophoniste Jean-Pierre Zanella est un instrumentiste hors pair, à l’aise aux saxophones alto et soprano. Pour sa nouvelle offrande, l’une des meilleures de sa carrière, il propose un programme de compositions originales, la plupart de son cru, d’autres de ses accompagnateurs. Ses propres pièces, inspirées par un séjour de six mois à Rome en 2014, ont un certain flair latin, d’où le titre du disque, mais sont solidement ancrées dans un registre de jazz moderne contemporain. Toutes les plages sont de durées moyennes (entre cinq et huit minutes). Parmi elles, on compte une seule pièce en trio, la dernière, avec la fille du saxophoniste au chant, et un pianiste de New York, Aaron Parks. Ce dernier est également entendu sur un des autres morceaux, tous en quartette, remplacé tantôt par un autre pianiste (Pierre François) ou par un guitariste (Pat Moreno). Zanella se permet même dans trois des pièces de se surenregistrer, ajoutant à ses deux saxos des brins de flûte, de clarinette et de saxo ténor dans les parties écrites. N’oublions pas enfin les improvisations volubiles, celles du chef en particulier, qui étalent tout son savoir-faire avec passion et intelligence.
En concert : 11 octobre, Le Dièse onze, 18 h
Autres nouveautés disponibles au festival
» Georg Graewe et Isabelle Duthoit (clarinette) – Parlance (Nuscope) : 9 oct., 20 h
» Sienna Dahlen – Paradise Ice Age
Prélancement, 9 oct., 17 h :
– Duo avec François Jalbert, guitare – Sala Rossa
Lancement 24 nov. :
– Avec ensemble de 10 musiciens – Sala Rossa
» Jonathan Lindhorst Quartet : Limerance
– Jeudi 13 oct., 21 h 30
» 3Rio (Gary Schwartz, Alexandre Côté, Jim Doxas)
– 13 oct., 22 h 30
» Nomad – As we Are : 15 oct. 17 h
Ateliers de maître
– Georg Graewe, 7 oct., 15 h 30, McGill, École Schulich
– Peter Bernstein (gtr.), 9 oct., 13 h, Concordia
À lire le mois prochain : Entrevue et profil avec Roscoe Mitchell
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