par Jean-Pierre Sévigny
La soprano lyrique et professeure Pierrette Alarie s’est éteinte dans la nuit du 10 juillet 2011, à Victoria (Colombie Britannique) à 89 ans. Alarie était née dans une joyeuse famille de musiciens et de chanteurs. Son père Sylva Alarie était chef d’orchestre ; sa mère Amanda (née Plante) était chanteuse et comédienne. Elle jouait Maman Plouffe dans le téléroman Les Plouffe de l’auteur Roger Lemelin.
Alarie débuta sa carrière à la radio comme comédienne et diseuse. À 17 ans, elle fit ses débuts à l’opérette au Monument-National avec la troupe des Variétés lyriques. En 1940, elle s’inscrivit au cours de chant du studio de Salvator Issaurel où elle fit la rencontre du ténor Leopold Simoneau, qu’elle épousera en 1946.
Elle s’imposa sur la scène montréalaise au cours des années 1940 dans les premiers rôles des opéras La Fille du régiment, Mireille, Le barbier de Séville et La Traviata. En 1943, elle a vécu un des grands moments de sa jeune carrière en interprétant le rôle de Barbarina dans Les Noces de Figaro sous la direction du légendaire Thomas Beecham au théâtre His Majesty’s. Déterminée plus que jamais à raffiner son art, elle sollicita et obtint une bourse d’études à l’institut Curtis de Philadelphie où elle étudia le chant avec Elisabeth Schumann (1943-46). Schumann demeurera tout au long de sa carrière son inspiration et son modèle.
Lauréate des « Metropolitan Opera Auditions of the Air », elle débuta au Met de New York en décembre 1945 dans l’opéra Un Ballo in Maschera. Un grand succès et elle n’a pas encore vingt-cinq ans. Elle fit trois saisons au Met puis fut sollicitée avec son mari par l’Opéra-Comique de Paris où elle incarna les rôles-titres dans Lakmé et Lucia di Lammermoor. Seule ou en duo avec son mari, elle s’illustra sur les grandes scènes d’Europe et dans le cadre de plusieurs festivals prestigieux dont Aix-en-Provence, Glyndebourne et Vienne. Le couple Simoneau-Alarie fit sa marque notamment dans le répertoire mozartien. D’ailleurs, l’Académie Charles-Cros lui décerna en 1961 le Grand Prix du disque pour l’enregistrement des airs de concert et duos de Mozart.
De retour au Canada, Alarie poursuivit sa carrière à l’opéra, et comme soliste avec orchestre ou en récital, seule ou avec son mari, sur les plus grandes scènes nord-américaines jusqu’à la fin des années 1960. Elle fit ses adieux à la scène le 24 novembre 1970, dans une production du Messie: Alarie et Simoneau étaient solistes invités de l’OSM. Devenue pédagogue, Alarie enseigna à Vincent-d’Indy, au Centre des arts de Banff et à San Francisco jusqu’au début des années 1980. La chanteuse a reçu de nombreuses récompenses dont un Prix Opus (2007) du Conseil québécois de la musique pour l’ensemble de sa carrière. Elle était Officier de l’Ordre du Canada, Chevalière de l’Ordre national du Québec ainsi que Chevalière de l’Ordre des arts et des Lettres de France.
Adulée du public et comblée d’éloges par la critique internationale pour sa voix pure et cristalline, sa carrière fut sans doute l’une des plus illustres de l’histoire de l’art vocal canadien. Elle rejoint ainsi dans la légende les Albani, Donalda et sa contemporaine Maureen Forrester, décédée en 2010. Pierrette Alarie laisse dans le deuil ses deux filles Isabelle et Chantal et, selon ses dernières volontés, il n’y aura pas de service funéraire.
Aussi
> Pierrette Alarie – Madame Mozart, La Scena Musicale, Juillet-août 2010
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