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Par Justin Bernard, Natasha Gauthier, Arthur Kaptainis, Denise Lai, Dino Spaziani
La Nef / Myriam Leblanc / Sylvain Bergeron
Le 2 octobre
Ce que vous avez manqué
Par la douceur de sa voix, Myriam Leblanc nous a plongés d’emblée dans une atmosphère intimiste. Dans J’avais cru qu’en vous aimant la douleur serait extrême, d’un compositeur anonyme, on a pu admirer son talent artistique, sa musicalité et sa technique adaptée parfaitement à la musique ancienne, avec notamment le traitement vocal des appoggiatures. Dans Vos mépris, chaque jour, d’un certain Michel Lambert, elle a fait parler son excellente diction. À l’écouter, cette pièce ressemble beaucoup stylistiquement au célèbre duo Pur ti miro du Couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi.
Ont suivi des pièces solos de la même période, interprétées par Sylvain Bergeron à la guitare baroque. Son jeu, tout en nuance et en subtilité, a laissé les cordes de l’instrument vibrer pleinement.
Là où ça coince
Au fil de la soirée, Myriam Leblanc a eu beau nous présenter, certes brillamment, chacune des pièces, l’absence de feuillets imprimés rendait le tout difficile à retenir, à absorber, et donnait surtout l’impression d’un pot-pourri.
Sa voix se prêtait plus ou moins bien aux chansons françaises de Brel et de Barbara. En effet, la rondeur très policée du chant classique fait difficilement bon ménage avec le côté souvent « écorché vif » du chansonnier belge. Cela passe mieux avec le tempérament plaintif de la dame en noir, mais on reste loin de l’intensité et de la profondeur de Barbara. JB
RCM / Follies in Concert
16 octobre, Koerner Hall
Ce que vous avez manqué
Follies in Concert mettait en vedette une distribution entièrement canadienne composée de vedettes du monde de la comédie musicale : Cynthia Dale a interprété avec justesse le rôle principal de Phyllis, amère de sa vie malheureuse auprès d’un mari qu’elle n’aime pas. Elle éblouissait par sa voix séduisante et ses mouvements de danse, notamment dans les numéros phares Could I Leave You? et The Story of Lucy and Jessie.
Ma-Anne Dionisio jouait l’autre rôle principal féminin, celui de Sally qui se languit de Ben, son ancien amour. Sa voix douce rappelait celle de la jeune Kim dans son rôle le plus emblématique, laissant le public en redemander toujours plus. Eric McCormack jouait le rôle de Buddy, le mari de Sally. Ses interprétations comiques ont été particulièrement efficaces dans son interprétation de The Right Girl.
L’un des moments forts de la première partie a été Charlotte Moore, dans le rôle de Carlotta, qui a chanté I’m Still Here avec sa voix puissante et son sens théâtral. Autre moment marquant, un joli duo en deuxième partie avec Mary Lou Fallis dans le rôle de Heidi face à Katelyn Bird, une soprano prometteuse dans la version plus jeune du même personnage.
Les autres membres de la troupe réunis sur scène donnaient l’impression d’être de vieux amis passant un bon moment ensemble. Mention honorable à Gabriel Antonacci, Tess Benger, Andrew Broderick et Kimberly-Ann Truong, qui jouaient les versions plus jeunes des personnages principaux. Les femmes semblaient surpasser leurs homologues masculins sur le plan vocal.
Là où ça coince
On aurait aimé voir plus d’émotion chez Marcus Nance, qui jouait Ben, le mari de Phyllis. Bien qu’il ait une voix de baryton-basse mielleuse, son jeu était plutôt rigide. L’artiste le plus célèbre, le ténor Ben Heppner, s’est avéré être la plus grande déception, car le rôle de Dmitri n’est pas une partie chantée. Apparemment, Heppner ne sortira pas de sa retraite après tout ! DL
Chant Libres / L’Orangeraie
19 octobre, Monument-National
Ce que vous avez manqué
Côté musique, l’orchestration est bien songée. Des motifs entonnés par les cuivres ressortent puissamment de l’orchestre et génèrent toute la tension du drame qui est en train d’avoir lieu. Quelques influences orientales se font aussi entendre lorsqu’Amed est rendu en Amérique (évocation de son lointain passé, certainement).
Le meilleur de la distribution – et de loin – était le baryton Dion Mazerolle. Avec Nicholas Burns notamment, il était l’un des rares chanteurs à projeter sa voix au-delà de la première rangée et a remarquablement incarné le personnage autoritaire de Soulayed, chef terroriste d’un village voisin.
Là où ça coince
On sentait bien que les moyens étaient limités. Quelques amas de pierres servaient de décors, le reste était projeté sur grand écran : une montagne au loin, sur la droite, qui ressemblait un peu trop à un fond d’écran d’ordinateur, mais pas d’oranges ni d’orangers et encore moins d’orangeraie.
Côté musique, ce qui reste en mémoire, ce sont les dialogues mis en musique, ce sont ces récitatifs qui se ressemblent énormément et que l’on a fini par bien intégrer à la fin du spectacle. En cela, les récitatifs de Mozart, de Rossini ou l’écriture de Debussy pourraient être accusés des mêmes travers. Sauf qu’ici, le style récitant de Moultaka se résume à la plus simple expression musicale qui soit : la répétition d’une même note, sur un rythme qui épouse le texte, et une note différente en guise de cadence, souvent d’un intervalle de quarte augmentée lorsque celle-ci est ascendante. Malgré cette simplicité apparente et quelque peu lassante, on ne peut dire que le compositeur a été tendre avec ses interprètes. JB
OCNA / John Storgårds / Leila Josefowicz
21 octobre
Ce que vous avez manqué
Lorsque le salut des cornes du diable semble être une réponse plus appropriée que de simples applaudissements, on comprend que l’interprète d’un concerto a totalement assuré. C’est le genre d’énergie glam-rock que Leila Josefowicz a apporté au Concerto pour violon de John Adams. L’interprétation incandescente et pleine d’énergie de Leila Josefowicz sur scène faisait l’effet d’une décharge d’adrénaline pure.
Il s’agissait de la première apparition du chef principal invité John Storgårds à l’OCNA depuis plus de deux ans. L’affection et le respect mutuels entre l’orchestre et son chef ont suscité des moments de pur bonheur tout au long de la soirée. M. Storgårds est tout en passion et en cœur; son enthousiasme inébranlable et son honnêteté musicale ont permis de hisser les Three Shanties du compositeur britannique Malcolm Arnold d’un potentiel ringard à un niveau plus substantiel, où l’humour joyeux contrastait avec des textures orchestrales sophistiquées.
L’approche romantique de Storgårds dans la Symphonie n° 100 « Militaire » de Haydn suscitait l’admiration. L’introduction majestueuse bénéficiait d’un grand espace dynamique pour se déployer, tandis que les tempi de la marche militaire étaient convenablement énergiques, mais jamais effrénés. Storgårds a le don d’éclairer toutes les petites conversations de Haydn entre les bois et les cordes. Les cordes étaient moelleuses et chaleureuses, comme du pain frais, malgré quelques imperfections. Le solo de trompette de Michael Fedyshyn dans le deuxième mouvement brillait comme le cordon tressé de l’uniforme d’un dragonnier.
L’orchestre était solide et alerte; tous les musiciens sur scène se donnaient visiblement à fond. La première flûte Joanna G’froerer, le premier cor Lawrence Vine et surtout la section de percussion dirigée par Feza Zweifel ont tous été remarquables. NG
Le chemin des miracles / Voces Boreales / Andrew Gray
23 octobre
Ce que vous avez manqué
Le spectacle est basé sur l’œuvre grandiose de Joby Talbot. Ce sont 18 voix professionnelles d’une grande qualité, des lignes vocales soutenues… On se demande quand les choristes arrivent à respirer. C’est une des plus grandes œuvres chorales actuelles. Ce fut une expérience unique mettant en valeur la magie des voix multiples. Parfois, les œuvres chorales produisent des effets miraculeux sur un chemin imaginaire qui porte la légèreté d’envolées d’anges, comme si des voix additionnelles venaient s’ajouter aux 18 voix physiques. Cette œuvre en fait partie.
À l’extérieur de l’église, en préambule, des stations animées par des acteurs-conteurs qui nous préparent à ce pèlerinage nous projettent dans l’histoire de Compostelle, depuis Jacques le Majeur (saint Jacques), en passant par l’empereur Charlemagne, jusqu’au villageois du Moyen Âge qui se prépare à faire le chemin.
Là où ça coince
J’ai eu beau chercher, hormis l’attente causée par les vérifications du code QR, je n’ai rien trouvé. La température était heureusement supportable. DS
Salle Bourgie / Jean-Guihen Queyras
26 octobre
Ce que vous avez manqué
La Partita pour violoncelle seul du compositeur turc Ahmet Adnan Saygun (1907-1991) a été une découverte pour à peu près tout le monde et Jean-Guihen Queyras, très éloquent dans ses courtes interventions orales, n’a pas manqué de le souligner. Elle demeure accessible, malgré son langage résolument moderne, et suscite un certain attrait par son métissage.
La Suite no 1 de Bach n’avait, elle, aucun besoin de présentation. Jean-Guihen Queyras nous a livré une interprétation très personnelle de l’œuvre. Tel un peintre, le violoncelliste a pesé et sous-pesé chaque couleur de son jeu. Avec son archet, il a exécuté une multitude de gestes capables de faire résonner toute l’amplitude d’un timbre sonore.
Là où ça coince
La seconde partie du programme a permis de mieux apprécier la qualité du violoncelle de Queyras, en comparaison avec celui de Stéphane Tétreault. Un instrument fabriqué par Gioffredo Cappa en 1696, aux sonorités chaleureuses et veloutées, alors que le Stradivarius de Tétreault a un timbre plus perçant. Prenant la voix du haut dans les deux dernières pièces du programme, le jeune violoncelliste est apparu moins relâché que Queyras. La tige soutenant le violoncelle de Tétreault était très avancée, ce qui surélevait l’instrument et obligeait l’interprète à lever le coude droit plus haut que son partenaire de scène.
Dans le Duo pour deux violoncelles d’Offenbach, les répétitions insistantes des thèmes musicaux ont fini par nous lasser, mais il y avait néanmoins beaucoup d’entrain et de gaieté. Nous ne nous attendions pas à moins du compositeur d’opérettes. JB
Orchestre Métropolitain / Yannick Nézet-Séguin
29 octobre
Ce que vous avez manqué
L’ouverture de Manfred de Robert Schumann a donné le coup d’envoi de ce programme intitulé Trésors romantiques. Les cordes étaient chaleureuses et le legato était abondant. Distancié sur une scène élargie, l’OM sonnait comme un grand orchestre.
Le clou du spectacle était la Symphonie n° 3 de Louise Farrenc, une œuvre orthodoxe en quatre mouvements de 1849 qui ne dévie jamais, ne serait-ce qu’un instant, de sa trajectoire. Compte tenu des applaudissements, la foule n’a éprouvé aucune réserve.
Farrenc a tiré des leçons de Beethoven. La séquence orageuse en mode mineur du mouvement lent, par ailleurs tempéré, en est une; l’utilisation des cors et des bois dans le trio du scherzo, une autre. Pourtant, malgré les ludwigismes présents ici et là, la musique reste autonome dans sa conception et son expression.
Cette partition n’a rien de familier, mais les musiciens de l’OM l’ont interprétée avec l’autorité, l’équilibre et l’articulation précise (violons agiles dans le finale) dont ils auraient pu faire preuve à l’égard de l’un de leurs morceaux favoris. Nézet-Séguin utilisait une partition, mais il était évident qu’il avait absorbé la musique et appris à l’aimer.
Il y a, bien entendu, présentement un élan politique à jouer Farrenc. Couronnée de succès en son temps, cette Parisienne du milieu du 19e siècle est récemment venue à la rescousse d’ensembles (dont l’OSM et le Philadelphia Orchestra dirigé par Yannick) désespérément à la recherche de répertoire féminin classique. C’est un plaisir de voir YNS rejoindre le club.
Là où ça coince
Les passages plus lents du Schumann auraient peut-être pu être moins imposants. Les œuvres de Max Bruch gagneraient également à être revues, mais son Concerto pour clarinette et alto de 1911 est susceptible de rester en marge du répertoire. Les solistes échangent des plaisanteries nostalgiques dans les deux premiers mouvements, mais l’orchestre ne joue aucun rôle cohérent avant l’Allegro molto final. Pourtant, il y avait des beautés à savourer dans les interprétations confiantes des deux solistes de l’OM, Simon Aldrich (clarinette) et Elvira Misbakhova (alto). AK
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