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Il est peu probable que la directrice générale et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal recherche la définition du mot « art ». Parmi les acceptions consignées par le dictionnaire, Nathalie Bondil adopterait volontiers la suivante : « expression par l’être humain d’un idéal esthétique, d’un sens de l’harmonie ou d’un intérêt pour des recherches formelles ou conceptuelles ». Elle délaisserait sûrement celle-ci : « ensemble des moyens, des règles, des techniques concernant une activité, une profession ».
C’est la rencontre de personnes, d’idées et de disciplines différentes qui constitue l’essence même, la « valeur centrale » définie dans le Manifeste pour un musée humaniste. Elle a écrit ce document en 2016, à l’occasion de l’inauguration du Pavillon Michal et Renata Hornstein pour la paix, dédié à l’art international et à l’éducation. Sa vision intègre et dépasse la mission originale du Musée qui est de « favoriser l’appréciation des beaux-arts chez le public ».
Mme Bondil a commencé au Musée des beaux-arts en 1999 comme conservatrice avant d’être nommée à la direction du MBAM en 2007. « Cela a été un merveilleux cheminement; je ne m’attendais pas à séjourner autant d’années au Canada », a-t-elle avoué. Les murs de son bureau sont tapissés d’affiches des nombreuses expositions passées qui reflètent la programmation multidisciplinaire du MBAM. Le Musée a fait la part belle à la mode (Yves Saint Laurent, Jean Paul Gaultier), à la culture mondiale et populaire et à l’art contemporain (Pérou : royaumes du Soleil et de la Lune; Imagine : la ballade pour la paix de John et Yoko; Peter Doig : nulle terre étrangère).
Sous sa gouverne, le MBAM est devenu le musée le plus visité au Canada. C’est le huitième musée le plus visité en Amérique du Nord, accueillant 1,3 million de personnes par année. Ses expositions temporaires ont été exportées dans 35 villes. Par ses programmes communautaires de sensibilisation qui intègrent l’éducation, l’art-thérapie et, depuis peu, la santé et le mieux-être – une première pour un musée en Amérique du Nord –, le MBAM a noué un partenariat avec 450 organismes.
Forte de ses expériences muséales à Paris et à New York, Nathalie Bondil est venue à Montréal pour fins de perfectionnement professionnel avec l’intention d’y séjourner temporairement. Or, elle a décidé de s’y établir, trouvant dans cette ville le terreau propice au développement de sa vocation. « Ici, je ne travaille pas pour l’État ou un service public, mais bien pour le public. C’est vraiment différent, ce n’est pas une bureaucratie centralisée, donc je peux interagir avec la société. Le travail en équipe apporte un éclairage différent et donne un sens tout autre de la mission et de la valeur au quotidien. Nous travaillons avec des bénévoles, des entreprises et des écoles dans le but de rendre cette institution plus pertinente. »
Elle a récolté de nombreux honneurs, dont le prestigieux prix Peter Herrndorf, décerné annuellement par l’organisme Business for the Arts. Ce prix récompense le travail remarquable de Nathalie Bondil dans le développement de partenariats avec des artistes, des médias et des chefs d’entreprise pour faire rayonner le MBAM au Canada et à l’étranger. Elle a également été nommée Chevalière de l’Ordre de Montréal.
Le philanthrope Michael Audain, de la Fondation du Musée d’art Audain, lui a fait éloge en la dépeignant comme une « conservatrice dotée de compétences entrepreneuriales », une description qui, selon elle, correspond à sa personnalité. « L’esprit d’entreprise est une grande source de passion et d’anxiété, mais pour moi, c’est une question d’occasions à saisir. J’aime le fait que les gens vous soutiennent quand vous voulez créer un projet, d’avoir une équipe pour le réaliser. » Mme Bondil chérit la liberté et le soutien qu’elle a trouvés au Canada : « Je pense que ce pays m’a permis de donner le meilleur de moi-même. »
Elle mentionne qu’une administration horizontale, par opposition à verticale, donne lieu à une cocréation par l’amalgame des différentes perspectives sur l’art. Elle n’aime pas que les spécialistes travaillent en vase clos.
« Le conservateur n’entrevoit qu’une perspective; or, il y a plusieurs façons de comprendre l’art et d’en être touché. Je ne suis pas musicologue, je ne sais pas lire une partition, mais je suis touchée par la musique. Une œuvre d’art n’appartient pas à l’historien de l’art. Elle peut être saisie selon différents angles : la matière, le style, la civilisation, la biographie de l’artiste, la fonction. Pour moi, c’est comme un jeu. Nous avons toutes ces œuvres muettes qui possèdent ce langage universel propre à toucher tout le monde. Nous devons les faire parler. »
Mme Bondil affirme que les neurosciences se sont penchées sur la question de l’émotion esthétique. Ce que nous ressentons lorsque nous contemplons une chose ou une personne belle correspond à un besoin physiologique qui émerge de la partie de notre cerveau que nous partageons avec les animaux. « Nous avons besoin d’être émus par la beauté », précise-t-elle. Elle croit que les musées ont un rôle à jouer en matière d’art-thérapie et de mieux-être.
Ainsi, on évaluera en novembre un projet-pilote créé en partenariat avec Médecins francophones du Canada. Ce projet prévoit la prescription par des médecins de visites au musée. C’est une initiative que la directrice du MBAM souhaite mettre à la disposition de tous les médecins à l’avenir.
Elle considère le flot d’images fournies par Internet comme une opportunité, et non comme une menace, parce qu’il provoque une prise de conscience et suscite un intérêt pour l’art. Toutefois, elle met en garde : « Nous devons promouvoir et valoriser l’expérience immersive, celle que nous vivons lorsque nous écoutons un musicien ou regardons un tableau parce qu’elle est très différente. Nous devons la distinguer de la plateforme qui diffuse l’art. » De plus en plus, ajoute-t-elle, les musées sont perçus comme un « lieu authentique et neutre où l’on peut découvrir des choses réelles dans un monde de plus en plus virtuel ».
Avec la création de la Fondation Arte Musica en 2008 et l’ouverture de la salle Bourgie en 2011, le musée intègre la musique à sa programmation pluridisciplinaire.
Nathalie Bondil aborde son rôle de conservatrice avec modestie. « Nous ne sommes jamais les propriétaires de la beauté, nous ne faisons que l’accueillir temporairement. Chaque objet possède différentes histoires et en aura d’autres après moi. [Travailler avec l’art], c’est une chance, un privilège et il est de notre devoir de protéger les œuvres pour les générations futures. » Elle est bien consciente que les œuvres avec lesquelles elle travaille ont une existence qui s’étend sur des centaines, voire des milliers d’années : « Beaucoup plus longtemps que notre courte vie. »
Traduction par Lina Scarpellini
Pour explorer davantage le Musée des beaux-arts de Montréal, la salle Bourgie et le programme d’art-thérapie, visitez www.mbam.qc.ca
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