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par Karim Blondy et Adrian Rodriguez
L’utilisation de microphones dans des productions d’opéra est un sujet qui fait débat depuis longtemps, chez les amateurs d’opéra comme chez les professionnels. Si certains affirment que l’emploi de microphones porte atteinte à l’authenticité du spectacle, d’autres maintiennent qu’ils sont nécessaires pour améliorer l’expérience de l’auditoire ainsi que la capacité des chanteurs d’entendre et de suivre l’orchestre.
Traditionnellement, les opéras n’étaient pas chantés avec des microphones. De nos jours, par contre, plusieurs productions sont données dans de grandes salles construites pour un large éventail de productions musicales, le plus souvent électrifiées, et non un art acoustique comme l’opéra. « L’une des principales raisons d’utiliser des microphones dans des productions d’opéra est de s’assurer que le public puisse bien entendre les chanteurs, particulièrement dans la salle Wilfrid-Pelletier (SWP) », explique Patrick Belzile, directeur technique à l’Opéra de Montréal pour la création de La beauté du monde.
La SWP compte 2982 sièges, ce qui en fait l’une des plus grandes salles pour l’opéra. Pour mieux comprendre, voici une liste comparative avec les dimensions des plus célèbres salles d’opéra au monde (tiré de Concert Halls and Opera Houses : Music, Acoustics, and Architecture de Leo Beranek) :
Salle Wilfrid-Pelletier
de Montréal
- Volume : 26 500 m3
- Hauteur : 23,5 m
- Largeur : 32,9 m
- Longueur : 37,5 m
- Sièges : 2982
Metropolitan Opera House de New York
- Volume : 24 724 m3
- Sièges : 3816
La Scala de Milan
- Volume : 11 252 m3
- Sièges : 2289
Opéra Garnier de Paris
- Volume : 10 000 m3
- Sièges : 2131
Staatsoper de Vienne
- Volume : 10 665 m3
- Sièges : 1709
À partir de ces données et en tenant compte d’autres facteurs comme le type de surface et la forme de la salle, voici quelques-uns des problèmes acoustiques observés à la SWP.
Le plafond haut et semi-ouvert n’offre pas une bonne réflexion parce que le son doit parcourir une trop grande distance avant de frapper une surface et de ce fait ne transmet pas suffisamment d’énergie vers le parterre. Le son reste coincé sur la scène et brouille la musique.
Il n’existe pas de surfaces dures sur les côtés de l’avant-scène ni donc de réflexions latérales de l’énergie sonore vers le parterre.
Bien que la salle du Metropolitan compte le plus grand nombre de sièges, la SWP est la plus vaste et requiert plus de volume de la part de la source sonore pour être entendue de toute part.
Les microphones
Lorsqu’ils captent le son d’une voix à l’opéra, les microphones doivent être aussi neutres que possible. Durant notre visite à la SWP, des microphones canon à condensateur Neumann ont été placés au sol le long du nez de la scène, au bord de la fosse. Des microphones doivent parfois être dissimulés dans le décor pour capter les voix des chanteurs qui se trouvent vers l’arrière de la scène ou dans les coulisses. Si on place des microphones à quelques pieds des chanteurs, le son capté est plus naturel que si les microphones sont placés sur les chanteurs ou que les chanteurs portent un micro-casque. Avec ce système, il est nécessaire de suivre les mouvements des chanteurs sur la scène, d’amplifier uniquement les microphones près des chanteurs lorsqu’ils chantent et de fermer ceux qui ne servent pas. Pour ce faire, l’ingénieur du son doit mixer à la console tout au long du spectacle. Si tous les micros restent constamment ouverts, la voix devient hors-phase et dénaturée.
Les haut-parleurs
Pour un spectacle de rock, seul le système de sonorisation (SS) sert à produire le haut niveau de son attendu dans ce genre de musique et ainsi, les haut-parleurs doivent être puissants et projeter toutes les bandes de fréquences dans toutes les sections de la salle. Par conséquent, le niveau sonore du SS est beaucoup plus élevé que la source sonore provenant de la scène.
Dans le cas de l’opéra, la principale source sonore vient des musiciens sur la scène. Le SS est utilisé pour diriger le son précisément vers les parties de la salle qui le requièrent. À l’aide de haut-parleurs informatisés, il est possible de contrôler quelles bandes de fréquences seront renforcées (basses, moyennes, aiguës) et de les envoyer uniquement vers les sections de la salle qui en ont besoin. Le SS pourrait aussi aider à compenser la réverbération qui manque naturellement dans la salle. À l’opéra, le SS ne doit jamais égaler ou surpasser le niveau de son sur la scène, sinon le résultat paraîtrait exagéré et artificiel. Dans les genres hybrides, ce type d’approche est nécessaire et fait en sorte que la voix du chanteur sonne « plus grande que nature » – par exemple, Andrea Bocelli.
Renforcement du son pour les artistes
La sonorisation d’un opéra est aussi nécessaire parfois pour les chanteurs sur une scène. Les chanteurs qui se déplacent doivent en tout temps pouvoir entendre l’orchestre dans la fosse. Pour accomplir cela, le son de chaque section de l’orchestre est capté par des microphones et redirigé vers des haut-parleurs dissimulés dans le décor afin que les chanteurs puissent bien entendre l’orchestre, même s’ils sont en train de chanter dans les décors.
Des raisons économiques et pratiques ont récemment rendu courante l’utilisation de microphones dans certaines maisons d’opéra contemporaines, principalement pour compenser les faiblesses acoustiques qui existent dans certaines salles polyvalentes modernes. Il y a aussi une tendance à croire et une perception que « plus c’est fort, mieux c’est ». Les auditoires modernes se sont habitués aux divertissements à haute intensité sonore : télévision, concerts pop, écouteurs, etc. Cela pourrait inconsciemment pousser les producteurs d’opéra à recourir aux microphones et à monter le volume.
Merci à l’acousticien Romain Dumoulin de SoftdB.
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