ICAV: Mia Rolland, soprano

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Nom: Mia Rolland

Type de voix: soprano

Pays: Royaume-Uni

Professeur: Dominique Labelle

Éducation: Yale University

L’opéra, c’est tout à la fois. Ce sont les décors, l’éclairage, les interprètes, les costumes, le jeu dramatique, la musique et le public. C’est l’opulence et le minimalisme, l’art et la réalité tout en un. Qualifier l’opéra de « gros » semble suggérer qu’il est superflu par définition ou excessif. Cette « sur-dimension » alimente les préjugés. Mais l’opéra, c’est la réalité habillée de musique. C’est le sexe, le chagrin et la haine, l’inégalité, le nationalisme et la religion. C’est l’émotion humaine en plein cœur. Rien de cela n’est superflu.

C’est ainsi que la soprano Mia Rolland définit sa passion pour cette forme d’art. Les choses n’ont pas toujours été aussi simples, pourtant. Il lui aura fallu quatre essais pour trouver le bon instrument avant de jeter enfin son dévolu sur la clarinette, à l’âge de 10 ans (elle avait alors judicieusement écarté le violon, le violoncelle et le piano). Ses deux frères et sœurs travaillent également dans le monde de la musique, l’un en tant que directeur administratif d’un festival de musique et l’autre, en tant que hautboïste.

Mia est issue d’une famille très musicale, passionnée d’opéra entre autres genres (ses icônes musicales vont de Barbra Streisand et Julie Andrews à Cecilia Bartoli, de Kate Lindsey à David Bowie et Cat Stevens). Tout a commencé avec sa mère, violoncelliste. « Elle m’a encouragé à être curieuse de toutes les musiques, pas seulement de la musique classique et m’a poussé à travailler pour ce que je voulais faire. C’est aussi l’une des musiciennes les plus instinctives que je connaisse. J’ai dû lui interdire de porter de longues boucles d’oreilles aux concerts car, alors qu’elle se balançait instinctivement au rythme de la musique, ses bijoux produisaient un son percussif qui n’était pas au programme. »

Quels sont vos 10 meilleurs opéras et pourquoi ?

À la place de no 1, sans conteste Pélleas et Mélisande. Je me souviens de la première fois que j’ai entendu cet opéra. Mon frère – celui qui m’a fait découvrir l’opéra quand j’étais enfant – m’avait dit que c’était son opéra préféré. Je suis entrée dans la salle en sachant absolument rien de ce qui m’attendait. J’avais 15 ans, amoureuse de la musique romantique allemande et déjà familière avec les traditions allemandes et italiennes qui dominaient la scène lyrique. Tout cela a changé quand j’ai entendu cette musique au Staatsoper de Vienne. Il n’y avait pas de grands gestes musicaux ni d’aigus brillants. C’était comme un thriller psychologique ou un anti-opéra par excellence.

Où avez-vous étudié et avec qui ?

L’hiver dernier, j’ai pris 5 cours avec Dominique Labelle sur Zoom. Ma principale source d’étude, cependant, a été d’écouter autant que possible des enregistrements, des opéras et d’autres jeunes chanteurs à l’université.

Comment avez-vous gardé votre voix en forme pendant la pandémie

La pandémie m’a, en fait, permis d’accorder plus de temps et d’espace au chant, plutôt qu’à la clarinette. Certes, je n’ai jamais autant pratiquer la clarinette que pendant les premiers mois de confinement, mais je n’ai aussi jamais autant écouter d’opéras que pendant cette période. La pandémie a, à bien des égards, servi de propulseur à ma carrière musicale. C’était la période de transition idéale car, en ayant moins d’occasions de jouer de la clarinette, je pouvais désormais me permettre de me consacrer au chant.

Quels sont vos espoirs pour l’avenir?

Mon rêve à long terme est d’utiliser la musique comme une forme de plaidoyer à but non lucratif. J’ai toujours pensé que la musique est faite pour être partagée et que tant que vous pouvez partager de la musique, vous avez une voix pour communiquer ce que les mots n’ont souvent pas la capacité d’exprimer. J’aimerais travailler avec des organismes à but non lucratif existants ou créer mon propre organisme un jour, avec la musique en son cœur.

Quel genre de répertoire étudiez-vous ?

J’ai récemment fait beaucoup de musique ancienne. Il me semblait approprié qu’en tant que chanteuse en herbe je comprenne les fondements de cet art. Les premiers opéras ont semé les graines d’un nouveau genre de représentation de la réalité humaine. Ils se sont attaqués à des enjeux souvent issus des tréfonds de la société et nous les ont livrés dans toute leur douloureuse majesté. En mélangeant les formes d’art, ces œuvres ont forgé l’opéra comme la forme d’art qui se rapproche le plus de l’émotion pure, simplement en utilisant l’un des outils les plus vulnérables et les plus efficaces à notre disposition : la voix humaine, agissant ainsi comme un baromètre de la société.

Quelles sont vos préoccupations concernant la carrière d’opéra ?

Je suis préoccupée par la façon dont l’opéra évoluera avec le temps et le XXIe siècle. Chaque fois que je vais voir un opéra, j’ai beaucoup de mal à supporter la misogynie sous-jacente et la représentation terriblement réductrice des femmes. En tant que femme du XXIe siècle, je ne peux pas raisonnablement justifier toutes les décisions des personnages que j’incarne. J’ai décidé, cependant, que l’opéra n’est pas censé être une expérience logique et ce n’est pas mon rôle de briser cette suspension de l’incrédulité du spectateur qui caractérise l’art dramatique : dans la vraie vie, les gens ne se mettent pas à chanter. Après y avoir beaucoup réfléchi, j’ai décidé que ma principale responsabilité en tant qu’interprète est de créer des personnages dont les décisions sont justifiées et nuancées. Plutôt que de prendre des décisions en fonction d’une histoire écrite par un homme, à propos d’un homme, je veux que les décisions des personnages que j’incarne soient les leurs en fonction des cartes qui leur ont été distribuées. Je voudrais amener les productions et les metteurs en scène à faire entrer l’opéra et ses histoires dans le XXIe siècle. C’est pourquoi je suis tellement excitée de mettre en scène mon tout premier opéra à l’automne !!

Qu’est-ce qui fait un grand chanteur ?

Si la musique est faite pour être partagée, alors un grand chanteur ou musicien est quelqu’un qui se soucie de ce qu’il communique et pourquoi il le communique. Un merveilleux professeur de théâtre à Yale m’avait demandé de créer des objectifs novateurs pour chacun des personnages que je jouais. Au départ, j’étais toujours soucieuse de bien comprendre la musique avant d’en comprendre le sens, à la fois comme clarinettiste et chanteur. J’ai pris l’habitude de le faire maintenant avec chacune des pièces que j’interprète, qu’il s’agisse d’une chanson ou d’un air.

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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