Hommage | Bernard Lagacé: un nom qui traverse les générations

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Le 11 février dernier, le claveciniste et organiste Bernard Lagacé s’est éteint à l’âge vénérable de 94 ans. Il laisse derrière lui une famille de musiciens et le milieu musical québécois en deuil.

Né à Saint-Hyacinthe le 21 novembre 1930, M. Lagacé a œuvré activement au mouvement de renaissance de l’orgue classique en Amérique du Nord. Il s’est affirmé comme un spécialiste de la musique baroque, en particulier de Jean-Sébastien Bach, en interprétant à deux reprises l’intégrale des œuvres pour orgue du maître à l’Église de l’Immaculée-Conception à Montréal, de 1975 à 1977 et de 1987 à 1989. Avec sa femme Mireille, dont il a été un temps professeur, il a fait redécouvrir l’œuvre complète de Dietrich Buxtehude, autre grand nom du répertoire, lors d’une série de six récitals entre 1978 et 1979. Les deux musiciens ont également fait partie des membres fondateurs de la société Ars Organi aux côtés de Gaston Arel, Lucienne L’Heureux, Raymond Daveluy et de Kenneth Gilbert, une société qui a non seulement multiplié l’offre de concerts d’orgue au Québec, invité des organistes de l’étranger à se produire ici, mais aussi commandé de nouvelles œuvres à des compositeurs canadiens.

Le jeune Bernard Lagacé a su faire ses preuves au Québec et à l’étranger. Une bourse du gouvernement du Québec, obtenue en 1954, lui a permis de poursuivre ses études d’orgue à Paris auprès d’André Marchal, à Vienne, auprès d’Anton Heiller, et de se perfectionner au clavecin grâce à Isolde Ahlgrimm, Eta Harich-Schneider et Ruggiero Gerlin.

Un fervent pédagogue

Une grande partie de la carrière de Bernard Lagacé a été dédiée à l’enseignement. En 1957, il a été nommé professeur au Conservatoire de musique de Montréal puis à l’Université Concordia à compter de 1978. ll s’est joint aux camps d’été du centre musical CAMMAC et du Centre d’art d’Orford, par l’entremise des Jeunesses musicales Canada, et a aussi participé à des tournées des JMC.

Parmi ses nombreux élèves, mentionnons Luc Beauséjour, Christopher Jackson, Hélène Dugal, André Laberge, Lucien et Réjean Poirier ainsi que Wilhelmina Tiemersma. Détenteurs d’un grand orgue de chambre au domicile familial, Bernard et Mireille Lagacé ont donné à leurs quatre enfants leur première formation musicale: plus tard, Geneviève et Isolde sont devenues toutes deux clavecinistes et organistes, Olivier a choisi la guitare tandis qu’Éric s’est fait connaître comme arrangeur, compositeur et contrebassiste. À la génération d’après, plusieurs membres de la famille ont, eux aussi, embrassé une carrière musicale. Mélisande McNabney, petite-fille de Bernard Lagacé, est aujourd’hui claveciniste pour de nombreux ensembles de musique ancienne.

On doit également à M. Lagacé une série d’articles scientifiques publiés par la revue Liberté entre 1950 et 1960. Dans un de ces textes, à propos des 10 ans d’existence des JMC, il déclarait:

Le terme « culture » revêt pour moi un sens plein qui lui fait signifier bien plus qu’un ensemble de connaissances acquises : ce qui rend plus et mieux h[umain]… Qui doutera que la compréhension d’une fugue de Bach, d’une sonate de Mozart, d’une mélodie de Schumann ou d’un quatuor de Bartok, n’ajoute à quelqu’un une nouvelle dimension, ou plutôt n’augmente son être même, l’introduisant royalement dans les régions souveraines qui fondent l’h[umain]en dignité, qui constituent l’honneur même d’être h[umain]?

– Bernard Lagacé

 

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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