Francis Choinière : Voir les choses en grand

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Francis Choinière a un appétit pour les grands projets musicaux. Au moment de notre entretien avec lui, au début du mois d’octobre, le jeune chef d’orchestre se trouvait à Toronto pour plusieurs semaines en tant qu’assistant de maestro Jacques Lacombe. Il était alors chargé de ­préparer les répétitions pour Carmen de Bizet, deuxième production de la saison à la Canadian Opera Company (COC). « Je connaissais déjà Carmen. J’avais chanté des extraits de l’œuvre quand j’étais enfant à l’école. Plus tard, en direction, j’ai eu l’occasion de préparer les chœurs et j’ai pu me ­familiariser davantage avec la partition. Par contre, c’est la première fois que je travaille sur une production complète et aussi grande que celle-ci. »

Âgé seulement de 25 ans, Francis Choinière aura la chance de renouer avec l’expérience d’une direction d’opéra en janvier avec La Bohème de Puccini, en version concert à la Maison symphonique de Montréal. Pour ­l’occasion, il sera au podium d’une des ­nombreuses formations qu’il dirige, en ­l’occurrence l’Orchestre philharmonique et Chœur des mélomanes (OPCM). Entre-temps, d’autres engagements l’attendent dans le répertoire vocal.

OPÉRAS PROFANES ET SACRÉS

Par ses proportions plus grandes que nature, l’opéra en tant qu’art total avait tout pour lui plaire. En plus d’être chef d’orchestre, Francis Choinière est baryton amateur. Le chant a longtemps fait partie de sa vie musicale et occupe toujours une grande place dans ses projets. En novembre, il s’attaquera à un autre monument du répertoire que beaucoup considèrent comme un énième opéra de Verdi, son fameux Requiem. « Je ne l’ai jamais chanté, mais c’est une œuvre que je voulais toujours faire. On connaît tous l’air du Dies irae. Ce que j’essaye de faire ressortir, à part le drame et l’excitation  qui émanent  de l’orchestre, c’est le dialogue entre les quatre solistes et le chœur. Les solistes prennent ici un rôle plus important que dans beaucoup d’autres œuvres sacrées et de requiems comme ceux de Fauré, Duruflé et même Brahms. »

LA PASSION DU CHŒUR

PHOTO : TAM PHOTOGRAPHY

Comme la plupart de ses collègues, Francis Choinière a connu ses premières expériences de direction en tant que chef de chœur. « Ma connaissance du répertoire est venue de l’époque où moi-même je chantais dans une chorale à partir de la première année du ­primaire (6-7 ans). J’ai toujours aimé les grandes œuvres chorales et très tôt, je voulais les diriger avec orchestre. En direction, elles ont été mes premières inspirations. » Plus tard, vers l’âge de 9 ans, Francis Choinière a fait ses premiers pas dans l’art de la composition tout en continuant à jouer du piano, son premier instrument. Même s’il ne peut pas y consacrer aujourd’hui autant de temps qu’il le voudrait, Francis Choinière n’a pas cessé de cultiver cet intérêt, qui lui sert encore dans sa vie de tous les jours. « Quand j’interprète une œuvre, je la regarde aussi d’un point de vue de compositeur. Cela m’apporte un autre niveau d’analyse. Je me demande, par exemple, quelles couleurs, quelles harmonies je peux faire ressortir pour que la musique sonne comme elle doit sonner. Tout ce qui est écrit dans la partition avec précision, c’est pour moi une illustration de l’intention du compositeur. Je consacre donc du temps à chaque fois pour bien étudier la partition. »

Si l’on ajoute à cela le travail administratif et la planification des concerts, il reste malheureusement peu de place dans une journée pour la composition. « Si j’avais du temps pour écrire, j’aimerais créer mes propres œuvres. Je travaille beaucoup sur des arrangements en ce moment avec le compositeur Joey Reda en vue de notre concert de Noël. Ensemble, nous avons créé des arrangements originaux de pièces traditionnelles du temps des fêtes pour le Trio Lyrico avec orchestre et chœur. Chacune d’elles a reçu un nouveau thème complémentaire à la mélodie que nous connaissons tous. On donne ainsi une nouvelle perspective sur des classiques de Noël comme Sainte Nuit et Quel est l’enfant. »

Francis Choinière avoue trouver son inspiration tard dans la nuit. La musique des grands maîtres dans laquelle il baigne constamment nourrit également sa créativité. En termes d’orchestration, son cœur penche autant pour Ravel et Debussy que pour John Williams. Pas étonnant pour quelqu’un comme lui qui a été autant exposé à de la musique de film depuis son enfance.

SOUVENIRS MARQUANTS

« Je viens d’une famille musicale. Il y avait toujours beaucoup de musique chez nous, de tous les styles. Mon père jouait de la guitare; ma mère, de la harpe. Lui écoutait beaucoup de trames sonores; elle, beaucoup d’opéras. J’ai un frère jumeau et une sœur deux ans plus âgée. Nous avons fait tous les trois de la musique, tous les trois du piano et du chant choral. » Parmi ses souvenirs marquants : avoir regardé sur cassette les débuts de Yannick Nézet-Séguin au Metropolitan Opera de New York dans une production de Carmen. C’était lors de la saison 2009-2010, Francis était alors âgé de 13 ans. Plus tard, dans ses premières années d’adulte, il allait retrouver Yannick, cette fois comme choriste à l’Orchestre Métropolitain pour une version concert de Parsifal au Festival de Lanaudière (2017). Un souvenir vivace qui témoigne bien de son intérêt pour les partitions épiques, digne des plus grandes musiques de film. « Je l’ai déjà entendue, je l’ai déjà chanté. C’est maintenant une œuvre que j’aimerais diriger au moins une fois dans ma vie. »

LES MUSIQUES GRANDIOSES AU CINÉMA

Admiratif des partitions de John Williams et d’Ennio Morricone, Francis Choinière considère que ces compositeurs ont amené la musique classique vers de nouveaux sommets d’orchestration. « Ça reste toujours une musique d’aujourd’hui, qui connecte toutes les générations. C’est quelque chose que j’ai moi-même observé et vécu personnellement avec mon père. »

On peut aussi ajouter le nom d’Howard Shore aux compositeurs qui ont marqué sa vie, notamment avec la musique du Seigneur des Anneaux. Après tout, Francis Choinière est de la génération de cette trilogie portée à l’écran au début des années 2000 et basée sur les romans de J.R.R. Tolkien.

C’est pour donner libre cours à sa passion que Francis Choinière a créé l’Orchestre FILMharmonique, un ensemble dédié en grande partie à l’interprétation de musique de film. En février, il repartira en tournée à Montréal, Québec, Toronto et Sherbrooke pour le 3e volet de sa série de concerts intitulée L’univers symphonique au cinéma avec une nouvelle sélection de chefs-d’œuvre.


Déjà en 2015, la musique du film Gladiator avait été présentée à Montréal par l’ensemble qui allait devenir officiellement le FILMharmonique. S’en sont suivis d’autres concerts basés sur les trames sonores d’Amadeus et Harry Potter, tous produits à l’époque par la société torontoise Attila Glatz. En 2019, après le succès de ces premiers ciné-concerts, l’idée est venue de produire soi-même des événements du même genre, dont le Seigneur des anneaux. Le succès ne s’est pas démenti. Les Productions GFN, que les deux frères Francis et Nicholas Choinière dirigent, ont alors continué sur leur lancée et acheté des produits sous licence qui leur ont ensuite permis de présenter notamment la musique de Stars Wars, Titanic et Fantasia. « Le public était sensible à la nouveauté de ces productions. Encore aujourd’hui, Le Seigneur des anneaux demeure certainement l’une de nos plus populaires. Cela attire une communauté très friande des films, des jeux vidéo dans d’autres cas, et par extension de la musique », estime Nicholas Choinière, directeur du marketing.

ENSEMBLE CLASSICO-MODERME

Sur les fondations de l’Orchestre FILMharmonique, une formation plus réduite a vu le jour. Créé il y a 2 ans seulement, l’Ensemble Classico-Moderne a entamé, l’an dernier, une première tournée qui s’est avérée un grand ­succès, nous confie Francis Choinière. Au ­programme, les Quatre saisons de Vivaldi et de Piazzolla. Fort de l’expérience de ces concerts, à guichets fermés à Montréal et à Québec, le jeune chef a décidé de reprendre la formule en ­compagnie de la jeune violoniste prodige Isabella d’Éloize Perron. « Je connais assez bien les deux œuvres maintenant pour peut-être les diriger par cœur à la fin de cette tournée. » Confiant en l’avenir, Francis Choinière ouvre ainsi une nouvelle porte sur un répertoire plus intime. Il ne s’agit pas là d’un nouveau chapitre, précise-t-il. « L’ensemble n’a pas vocation de mener des projets à long terme. Il restera rattaché à la programmation générale de l’Orchestre FILMharmonique. L’idée est de pouvoir jouer des œuvres qui ne sont pas nécessairement de la musique de chambre, mais en formation réduite qui nous permet de mélanger les répertoires classique et moderne comme avec Vivaldi, d’une part, et Piazzolla, d’autre part. »


À côté de l’ensemble Classico-Moderne, Francis Choinière se prépare à jouer plus de musique baroque qu’il n’en avait l’habitude jusque-là. Il signera au mois de novembre sa première participation au Festival Bach avec la célèbre Suite pour orchestre no 3 en ré majeur, Palladio du compositeur contemporain Karl Jenkins et l’Adagio d’Albinoni. « C’est certain que l’approche de direction est différente d’un répertoire à l’autre, du point de vue de l’interprétation. La base reste évidemment la même, mais la manière de monter les œuvres change. »

Vidéo promotionnelle du concert de Noël des GFN Productions.

Francis Choinière sera en tournée avec l’Ensemble Classico-Moderne les 2, 4, 5, 12, 26 et 27 novembre pour interpréter notamment les Quatre saisons de ­Vivaldi en présence de la violoniste Isabella d’Éloize Perron et avec l’OPCM, le 13 novembre, pour ­présenter le Requiem de Verdi.

  • Le 19 novembre, il participera pour la première fois au Festival Bach dans un concert intitulé Bach incognito, dédié au jeune public.
  • Les 4 et 11 décembre, il accompagnera le Trio Lyrico dans un répertoire de chants de Noël, entre autres.
  • Enfin, mentionnons la version concert de l’opéra La bohème de Puccini, présenté lors d’un concert unique à la Maison symphonique, le 20 janvier.
  • www.filmharmonique.ca
  • www.opcmelomanes.ca

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A propos de l'auteur

Justin Bernard est détenteur d’un doctorat en musique de l’Université de Montréal. Ses recherches portent sur la vulgarisation musicale, notamment par le biais des nouveaux outils numériques, ainsi que sur la relation entre opéra et cinéma. En tant que membre de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), il a réalisé une série de capsules vidéo éducatives pour l’Orchestre symphonique de Montréal. Justin Bernard est également l’auteur de notes de programme pour le compte de la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal et du Festival de Lanaudière. Récemment, il a écrit les notices discographiques pour l'album "Paris Memories" du pianiste Alain Lefèvre (Warner Classics, 2023) et collaboré à la révision d'une édition critique sur l’œuvre du compositeur Camille Saint-Saëns (Bärenreiter, 2022). Ses autres contrats de recherche et de rédaction ont été signés avec des institutions de premier plan telles que l'Université de Montréal, l'Opéra de Montréal, le Domaine Forget et Orford Musique. Par ailleurs, il anime une émission d’opéra et une chronique musicale à Radio VM (91,3 FM).

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