L’Orchestre philharmonique et choeur des mélomanes de Francis Choinière a le vent en poupe. La jeunesse et le dynamisme du chef d’orchestre attire non seulement l’attention du milieu musical, enthousiaste à l’idée de compter dans ses rangs une nouvelle recrue, mais aussi le grand public qui sent certainement moins le poids de l’ancienneté rattachée à l’ensemble. Le choix de présenter les hits du classique, au sens où tous en ont au moins une fois entendu parler, contribue à l’attrait incontestable de ces concerts. Ainsi, on voit débarquer à la Maison symphonique une quantité d’auditeurs curieux qui souhaitent vivre ou revivre l’émotion, l’exaltation que procurent les chefs d’œuvres.
Quand on interprète la célèbre Symphonie no 5 en do mineur de Beethoven et le non moins célèbre Requiem en ré mineur de Mozart dans ce temple de la musique classique à Montréal, il s’agit bien sûr d’offrir le meilleur. Le 15 novembre, lors de la première soirée de concert, Francis Choinière est certainement parvenu à obtenir le meilleur des musiciens de l’OPCM : un son raffiné, presque cartésien, et une générosité qui faisait plaisir à entendre, notamment du côté des cors, des trombones et des violoncelles. Toutefois, cette interprétation n’est valable que pour quelques écoles ou styles musicaux seulement, et non l’ensemble du répertoire symphonique. Elle rappelait davantage Rameau et la musique du temps de la royauté française que Beethoven. Or, la 5e est synonyme du Destin qui frappe à la porte, de sort tragique, de laideur aussi, et non pas de beauté naïve. Le public a certes été très sensible à cette lecture léchée, mais il aurait été véritablement conquis par un chef qui aille puiser dans la fureur, la rage de vivre du compositeur. Le motif à quatre notes que tout le monde connaît n’a pas produit de grands effets dramatiques. L’exécution du quatrième et dernier mouvement a mieux démontré le volume et la puissance qu’est capable de fournir l’OPCM, mais on peut regretter que cette démonstration se soit fait attendre.
La section des violons, globalement homogène dans Beethoven, a été mis davantage mis en difficulté dans les lignes mélodieuses, ornées et nuancées du Requiem de Mozart. L’introduction orchestrale du Lacrimosa, faite de croches liées et de grands intervalles, a donné une impression de vide, comme si plusieurs instrumentistes s’étaient retirés momentanément pour faire entendre les meilleurs d’entre eux. Quoi qu’il en soit, un déséquilibre entre les différentes sections de l’orchestre a pu être observé. On s’étonne, en particulier, que Francis Choinière n’ait pas tempéré l’ardeur des trombones, nettement plus sonores que le reste. Dans le dernier mouvement de l’œuvre, la section a complètement enterré les basses du chœur alors qu’elle était censé seulememt les doubler. Ce déséquilibre a eu aussi des conséquences néfastes sur la couleur de certains accords (des tierces trop audibles, notamment).
L’argent récolté grâce aux 12 donateurs du programme Mécénat Musica, d’un montant d’au moins 25 000 dollars par donateur, devrait permettre de remédier à certains écueils au niveau de l’orchestre et du chœur. Les voix de femmes ont donné satisfaction, dans l’ensemble, mais les ténors ont souvent peiné à faire ressortir leurs lignes dans les moments cruciaux.
Enfin, du côté des solistes, on aurait aimé davantage d’engagement de la soprano Myriam Leblanc, non seulement dans l’Introit, mais plus encore dans la Communion, au moment même où l’œuvre donne la chance aux interprètes de reprendre da capo les deux premiers mouvements. Timbre sombre, mais agréable de la mezzo-soprano Allyson McHardy et élégance vocale du ténor Andrew Haji. Geoffroy Salvas a aussi bien fait, mais sa voix de baryton n’était pas adaptée à la tessiture grave de la partition.
L’OPCM trouvera probablement toujours un public ravi d’entendre les hits du classique, comme celui qui va régulièrement aux concerts à la chandelle, dans des églises de quartier. Mais ce public mérite aussi le meilleur en raison de la confiance qu’il accorde à l’entreprise artistique de Sam Champagne et Francis Choinière.