Une fois n’est pas coutume, nous vous proposons ici deux critiques en une concernant deux récitals de voix féminines qui ont eu lieu à la salle Bourgie, respectivement le 26 novembre et le 1er décembre. Deux voix québécoises, ambassadrices de l’art lyrique à l’international comme en témoignent leurs engagements aux États-Unis et en Europe.
26 novembre: Marie-Ève Munger, soprano
D’aucuns habitués des récitals piano-voix seraient tentés de se dire: “Encore les mêmes lieder de Schubert”. C’est sans compter sur Marie-Ève Munger qui, par sa voix et son talent d’interprète, a soufflé un vent d’air frais sur ce répertoire. Accompagnée par l’ensemble Pallade Musica, tantôt au pianoforte par Mélisande McNabney, tantôt en compagnie de la violoniste Tanya LaPerrière ou de la violoncelliste Elinor Frey, la soprano a montré de la plus belle des manières pourquoi elle connaît une si brillante carrière à l’étranger: une voix voluptueuse, des aigus raffinés, un phrasé et des nuances remarquables jusqu’au moindre pianissimo. Dans Gretchen am Spinnrade, sur un texte de Goethe, le sentiment amoureux était palpable. Marie-Ève Munger a une nouvelle fois des merveilles en faisant résonner délicatement chaque note suraiguë comme s’il s’agissait de petites touches de couleur sur un somptueux tableau. Dans Ständchen, ce sont beaucoup d’émotions torturées qu’a exprimées la soprano à son public très prompt à l’applaudir. Excès d’enthousiasme, certainement.
Tout n’avait pourtant pas idéalement commencé. Le premier lied de la soirée, “Der Hirt auf dem Felsen”, a débuté par un solo mal assuré de la violoniste, notamment à cause d’une articulation désastreuse qui a quelque peu déstabilisé la chanteuse. Tania LaPerrière a rectifié un peu le tir dans le Notturno de Schubert, seule pièce instrumentale au programme; l’occasion d’apprécier la parfaite osmose entre les trois membres de Pallade Musica et l’ambiance intimiste qu’elles ont insufflé à l’œuvre.
1er décembre: Marie-Nicole Lemieux
La prestation de Victor Fournelle-Blain en début de récital était d’autant plus remarquable que nous avions encore en mémoire les errements de celle qui l’avait précédé sur scène. Dans la mélodie “Gestillte Sehnsucht” extraite des Zwei Gesänge de Brahms, l’altiste a admirablement joué le rôle de duettiste au côté de Marie-Nicole Lemieux avec Daniel Blumenthal au piano. Il s’est particulièrement illustré par sa musicalité, sa sensibilité et son sens du lyrisme.
Côté chant, le répertoire mettait très bien en valeur la contralto et son registre grave. À l’image de sa voix, Marie-Nicole Lemieux est une artiste généreuse, très complice avec son public. Celui-ci pouvait suivre les moindres intentions expressives, les moindres inflexions de voix dans la langue de Massenet et ses 10 mélodies regroupées sous le cycle Expressions lyriques. Il était plus difficile de la suivre en allemand dans les 6 mélodies de Brahms également au programme, un compositeur dont le répertoire piano-voix avait déjà été exploré par Marie-Nicole Lemieux chez Analekta en 2004. À la mélancolie de Brahms, on a préféré les traits d’humour de Massenet. Il faut dire aussi que c’est dans le registre comique que Marie-Nicole Lemieux a resplendi le plus. C’est dans ces instants-là qu’opérait la magie, la chimie entre l’artiste et le public. La contralto n’a pas fait un, mais deux rappels en terminant par un autre lied de Brahms. Une manière de boucler la boucle.