On aurait pu croire que le concert du 27 juillet, à l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay, était frappé d’un mauvais sort. Ou pire, qu’il n’allait jamais se produire!
Et pourtant, malgré l’annulation de dernière minute de la pianiste Yuja Wang, un remplaçant a été trouvé au pied levé en la personne de Marc-André Hamelin. Malgré un tonnerre vrombissant et une pluie torrentielle, les musiciens de l’Orchestre Métropolitain ont tenu bon, s’y reprenant tout de même à deux fois pour compléter leur interprétation de la Symphonie no 2 de Sibelius. Comme l’a si bien dit le directeur artistique du Festival international de Lanaudière, Renaud Loranger, secondé par Yannick Nézet-Séguin, « c’est le miracle lanaudois ! »
Le vrai miracle serait que la non-venue de Yuja Wang ne soit qu’un accident de parcours, qu’elle renouvelle son engagement de venir jouer au Québec pour la première fois.
Entre temps, Marc-André Hamelin a joué les sauveurs et accepté de se conformer courageusement au programme qui lui avait été soumis. Vu l’accueil chaleureux qui lui a été réservé, on peut penser que la plupart des gens assis au parterre et sur la pelouse n’y ont vu aucune perte. Au contraire, c’était un retournement de situation inespéré, le triomphe d’un Québécois parmi les siens ; bref, un récit comme on en raffole.
Il n’empêche, recevoir Yuja Wang à Lanaudière, c’est un peu comme recevoir Lionel Messi au Stade Saputo. Ça n’arrive qu’une fois, quand on a de la chance. On peut seulement imaginer l’impact qu’aurait produit la diffusion des images de la caméra placée à l’extrémité du clavier, s’il s’agissait de la star planétaire.
Dans le Concerto pour la main gauche de Ravel, première œuvre avec soliste de la soirée, on a davantage senti la patte du compositeur que celle de l’interprète. M. Hamelin a certes bien navigué entre les différents styles musicaux développés par Ravel – militaire, orientaliste, impressionniste –, mais il ne s’est pas pour autant approprié la partition pour en faire une lecture personnelle.
Au retour de la pause, ce fut une tout autre musique ! Le Concerto pour piano en sol majeur, toujours de Ravel, faisait entendre cette fois des sonorités jazz, à la manière de Gershwin (rappelons que la Rhapsody in Blue a été composée en 1924, soit 5 ans auparavant). La trompette solo et la harpe de l’orchestre ont brillé par la fluidité de leurs interventions, tout comme le pianiste, mais c’est surtout dans le deuxième mouvement, que l’artiste invité s’est révélé pleinement.
Le début de cet adagio assai partage une certaine familiarité avec l’arioso de Bach en termes de caractère et de contours mélodiques, signe de tout l’éventail stylistique du compositeur. C’est durant ce moment suspendu, d’une rare intimité, que le tonnerre s’est mis à gronder, rendant la scène plus surréelle encore. Plus tard, un solo de cor anglais délicatement mené est venu couronner le tout.
Le troisième et dernier mouvement faisait apprécier une énième facette de la musique de Ravel, moderne à la manière d’un Stravinsky. M. Hamelin a démontré tous ses talents de virtuose par son approche vigoureuse au clavier. En rappel, il a offert la pièce Jeux d’eau, complétant ainsi le portrait du compositeur. De son côté, Mère Nature avait décidé de faire tomber la pluie comme pour mieux nous immerger dans les sonorités aquatiques.
La pluie s’est transformée en un orage violent. Des bourrasques de vent ont contraint Yannick Nézet-Séguin et l’OM à interrompre exceptionnellement l’interprétation du premier mouvement de la Symphonie no 2 de Sibelius. La reprise du début était tout à fait justifiée, compte tenu du bruit ambiant qui couvrait jusque-là l’essentiel de la musique. Le deuxième mouvement a fait la part belle aux cuivres. Leurs solos ont toutefois pris un peu trop l’ascendant sur les cordes qui, dans les circonstances, avaient encore de la difficulté à percer.
La prestation aérienne du hautbois solo, dans le troisième mouvement, et les attaques bien proportionnées des percussions, dans un finale très romantique, ont offert une belle conclusion à un concert qui restera dans les annales du festival. Les musiciens de l’OM reviendront à l’amphithéâtre dès dimanche prochain pour interpréter Tristan et Isolde. Espérons, pour eux, que la tempête restera contenue dans la musique de Wagner !
Le Festival international de Lanaudière se poursuit jusqu’au 3 août. Pour toute la programmation, visitez le www.lanaudiere.org