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Bru Zane4
Lalo : Le Roi d’Ys
Judith van Wanroij, soprano; Kate Aldrich, mezzo-soprano; Cyrille Dubois, ténor; Jérôme Boutillier et Christian Helmer, barytons; Nicolas Courjal, basse; Orchestre de la Philharmonie nationale hongroise et le Chœur national hongrois; György Vashegyi, chef
Bru Zane, 2025
Le Roi d’Ys, l’opéra d’Édouard Lalo, a connu un parcours quelque peu tortueux avant d’être créé à l’Opéra-Comique de Paris en 1888. Au cours des dix années qui se sont écoulées entre la composition et la première, Lalo a réduit l’opéra des cinq actes traditionnels avec ballet à une structure très serrée de trois actes d’une durée d’une heure quarante-cinq seulement. De plus, de manière inhabituelle pour une œuvre jouée à l’Opéra-Comique, la pièce ne comporte pas de dialogues parlés, mais des passages narratifs accompagnés qui se mêlent à des numéros chantés assez conventionnels.
L’intrigue est tirée de la légende bretonne. Le roi d’Ys est en guerre contre le prince Karnark. Le prix de la paix est la main de sa fille Margared et l’opéra s’ouvre sur les préparatifs du mariage. Margared a accepté l’arrangement parce qu’elle croit que l’homme qu’elle aime, Mylio, a été tué à la guerre. Lorsqu’il apparaît à l’improviste, elle annule tout, ce qui précipite la reprise des hostilités.
Malheureusement, Mylio est amoureux de Rozenn, la sœur de Margared, d’un amour réciproque. Mylio prend le commandement des forces d’Ys et se voit promettre Rozenn en cas de succès. Margared n’est pas contente. Mylio est victorieux (avec l’aide de saint Corentin), mais Karnark s’échappe. Margared lui révèle le secret de la ville : il existe des écluses qui, si elles sont fracassées, laisseront passer l’océan. C’est alors que le saint apparaît et que Margared se repent. La célébration du mariage entre Mylio et Rozenn est interrompue par la nouvelle que les écluses ont été défoncées. Mylio confirme l’information en disant qu’il a attrapé et tué Karnark au cours de l’opération. Tous se réfugient sur les hauteurs, mais l’eau continue de monter. Margared comprend que les eaux vont l’engouffrer et se jette du haut d’un rocher. Saint Corentin apparaît, l’inondation se résorbe et tous chantent un hymne de dévotion.
Musicalement, Le Roi d’Ys répond à peu près aux attentes. Il ressemble à ce que Wagner aurait pu écrire s’il avait été un Français catholique. Il y a des thèmes répétés qui ne sont pas tout à fait des leitmotive wagnériens. La partition est assez densément orchestrée, avec beaucoup de bois et de cuivres. Il y a probablement plus de quatuors que dans une œuvre de Wagner et l’écriture chorale possède une certaine légèreté très française. L’opéra change également de vitesse au début de l’acte 3. Les préparatifs du mariage sont écrits dans une veine beaucoup plus légère. Il y a une sorte de danse folklorique bretonne où Mylio et Rozenn ont droit à de simples airs et couplets en strophes rimées. Mais c’est alors que les digues sont rompues (tant sur le plan musical que sur le plan dramatique) !
Cet enregistrement présente une excellente brochette de chanteurs aux voix convenablement contrastées. Kate Aldrich, dans le rôle de Margared, possède un mezzo assez sombre qui contraste agréablement avec le soprano plus léger et plus brillant de Judith van Wanroij. Cyrille Dubois, dans le rôle de Mylio, est un véritable ténor héroïque français aux aigus retentissants, tandis que la basse Nicolas Courjal est sépulcrale comme il se doit dans le rôle du roi. Le baryton abrupt de Jérôme Boutillier convient à Karnark et le baryton un peu plus léger de Christian Helmer se fond tour à tour dans les rôles du chevalier Jahel et de saint Corentin. L’Orchestre de la Philharmonie nationale hongroise et le Chœur national hongrois sont excellents. György Vashegyi dirige et maintient le mouvement des tempos – ce qui est essentiel dans des œuvres françaises comme celle-ci pour éviter que les textures ne deviennent trop lourdes.
L’enregistrement a été réalisé à la Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem du Müpa Budapest en 2024. Le son est propre et assez détaillé, avec un équilibre réaliste entre l’orchestre et les voix. Il est accompagné du somptueux livre de Bru Zane (97 pages en anglais et en français) qui contient un très bon essai sur l’œuvre et certaines de ses particularités ainsi que des avis de première partie de la presse contemporaine et un article intéressant sur le mouvement de renouveau breton et son influence.
Cet album est offert en deux disques physiques ou en version numérique au format MP3 et en versions ALAC/FLAC/WAV 44,1 kHz/16 bits et 48 kHz/24 bits. J’ai écouté la résolution standard WAV. Une autre édition bien conçue de Bru Zane d’un opéra qui mérite plus d’attention qu’il n’en reçoit.
Traduction : Andréanne Venne
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