Chanteurs, Méfiez-Vous : Choisir le Bon Programme d’Été

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Pendant mes études de premier cycle, j’ai eu l’honneur d’être sélectionné pour le chœur de 40 voix de Westminster, puis le chœur en résidence au festival Spoleto USA, anciennement connu sous le nom de Festival of the Two Worlds. Ces trois étés ont été inestimables. J’ai non seulement fait partie de l’une des chorales les plus réputées au monde, mais j’ai aussi eu la chance exceptionnelle de côtoyer des professionnels dont la carrière était en plein essor. Notre chef de chœur, Glenn Parker, était une personne agréable. Il était aussi un professeur exigeant qui ne s’attendait à rien de moins que le meilleur de nous-mêmes, car nous allions être dirigés sur scène par Christian Badea et feu Spiros Argiris.

Nous avons également été en contact avec Renée Fleming avant ses débuts avec le Metropolitan Opera, avec la basse Victor von Halem, et les ténors Franco Farina et Anthony Laciura. Ce dernier deviendrait l’un des ténors les plus appréciés du Met et un acteur acclamé dans la série télévisée Boardwalk Empire.

Surtout, nous avons travaillé avec le fondateur du festival, Gian Carlo Menotti, sur son opéra The Saint of Bleecker Street et dans les productions de Parsifal et de Jenůfa. Comme le devrait tout programme d’été, Spoleto a réussi à inspirer, instruire et transmettre ce qu’il faut pour former des artistes d’opéra de première classe.

Un an après ma dernière expérience à Spoleto – qui m’a d’ailleurs permis d’améliorer ma maîtrise de la langue italienne –, j’ai été accepté comme apprenti et plus tard comme membre à l’Aspen Music Festival and School. J’ai joué trois rôles principaux pendant ces étés. J’ai pu perfectionner mon art à travers du mentorat de premier ordre, des cours de maître et des prestations sous la tutelle d’Edward Berkeley, Jorge Mester, John DeMain et bien d’autres. L’éminent violoncelliste Lynn Harrell, dont le père Mack Harrell était baryton au Met, avait un meilleur legato que bien des chanteurs. Lors de ma troisième année, un jeune violoncelliste m’a approché pour me dire que M. Harrell aimerait de l’aide avec le phrasé et la respiration du concerto de Schumann. Mes expériences ne cessaient de s’améliorer !

J’ai aussi été impliqué dans ma part de systèmes pyramidaux, principalement élaborés pour remplir les poches des organisateurs qui soudoyaient les représentants gouvernementaux dans les petits villages européens. Les frais étaient souvent exorbitants et la formation, médiocre. Pourtant, c’est lors d’une de ces piètres expériences que j’ai rencontré hors du programme un professeur de chant qui changerait ma vie de chanteur. Elle m’a donné des outils qui me servent encore aujourd’hui, tant comme chanteur que comme professeur.

Il y a 30 ans, alors que je postulais pour ces programmes, le nombre de chanteurs aspirant à une carrière d’opéra était faible comparativement à aujourd’hui. Je rencontrais souvent les mêmes chanteurs aux auditions en Amérique du Nord qu’en Europe. Aujourd’hui, ce serait miraculeux si deux chanteurs se rencontraient dans des auditions différentes. Le milieu est saturé. De nombreux jeunes chanteurs ne sont pas prêts.

La saturation à cette étape crée une demande pour davantage de formations estivales. La plupart des programmes d’été pendant mes années de formation étaient authentiques. Souvent, la philanthropie permettait de réduire le fardeau financier des participants. Les systèmes pyramidaux qui sévissent aujourd’hui reflètent le désespoir des jeunes chanteurs qui doivent remplir leur curriculum vitae et justifier leur candidature pour des programmes plus réputés. Il est difficile de convaincre ces jeunes chanteurs que c’est l’épanouissement de leur talent qui leur permettra d’être remarqués. Malgré tout, un étudiant pourrait rencontrer son prochain mentor dans l’un de ces programmes perfides.

Les programmes d’été restent pertinents. Je conseille même à mes clients professionnels de trouver des environnements stimulants afin de préparer leur prochain rôle, comme visiter un village bucolique ou un professeur qui habite une ville intéressante où ils n’ont jamais mis les pieds. Un programme d’été adéquat devrait : 1) plonger le jeune artiste dans un environnement sûr, inconnu et stimulant dans lequel il peut explorer l’inattendu; 2) présenter un programme de formation qui met au défi tous les aspects du travail de l’étudiant; 3) offrir suffisamment d’occasions aux étudiants de se produire et mettre leurs nouvelles connaissances en pratique et 4) compter un corps enseignant qui consacre son temps au perfectionnement des chanteurs.

On accorde beaucoup trop d’importance aux cours de maître donnés par des chanteurs célèbres. Certains sont à la hauteur, la plupart ne le sont pas. La compétence dans l’enseignement ne s’acquiert qu’après des années de pratique. Chanter et enseigner le chant sont deux disciplines différentes qui demandent des compétences différentes. Peu de gens détiennent les deux à un niveau très élevé. Un chanteur peut avoir une technique remarquable, mais ignorer totalement comment enseigner à en faire autant. Un chanteur peut être un excellent interprète et ne pas savoir comment transmettre son expertise. Bien qu’il soit plaisant de passer du temps avec des gens célèbres, vaut-il la peine de débourser des milliers de dollars pour savoir s’ils peuvent enseigner ?

Je ne suis pas contre les chanteurs célèbres. Si je dénichais un grand nom avec d’excellentes compétences pédagogiques comme Joyce DiDonato, je ferais des pieds et des mains pour que cette personne soit dans mon programme d’été. Il est d’ailleurs très inspirant de voir des artistes de haut niveau donner des concerts et parler de leurs expériences. Durant ma vingtaine, j’ai mangé et pris un café avec des chanteurs, des chefs d’orchestre et des directeurs de renom. Leurs conseils demeurent avec moi encore aujourd’hui.

Nous participons à des programmes d’été pour apprendre ce que nous devons améliorer, forger notre identité et nous pousser à sortir de notre zone de confort. Aux jeunes chanteurs en herbe, je dis ceci : méfiez-vous des programmes qui promettent la réponse à tous vos problèmes et la voie du succès. Ce n’est que pure fantaisie. Si vous souhaitez réellement profiter des possibilités d’un programme d’été, faites vos recherches, entrez en contact avec les programmes et discutez-en avec des amis qui y ont participé. Veillez à en tirer ce à quoi vous vous attendiez. Les programmes d’été devraient vous amener plus près de votre rêve et non créer un mirage de votre scène d’opéra préférée.

Traduit par Rachel Jeanotte-Maranda

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