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En ce début de saison 2020-21, les musiciens et les spectateurs font face à des défis inimaginables avant la pandémie de COVID-19. Les salles de concert et les églises qui seraient normalement pleines d’auditeurs fonctionneront à une fraction seulement de leur capacité.
Il en sera de même à la Maison symphonique de Montréal. Inaugurée en 2011, la maison de l’Orchestre symphonique de Montréal et de l’Orchestre Métropolitain d’une capacité de 2100 sièges a souvent affiché complet. Pour l’instant, elle fonctionnera à capacité réduite, car la Place des Arts ne peut légalement accueillir plus de 250 spectateurs à la fois.
La question se pose : la Maison symphonique est-elle en bonne posture pour reprendre ses activités ?
La Maison symphonique est notamment bien équipée en ce qui concerne son système de ventilation. De nombreuses salles de concert sont équipées de systèmes obsolètes, qui fonctionnent en dirigeant un volume important d’air froid par le haut à travers l’air chaud, de manière à ce que l’air atteigne le niveau du sol à une température confortable.
Ce système est souvent bruyant, car il nécessite des ventilateurs, et peut produire des températures froides. Son efficacité énergétique est également faible. La Maison symphonique, en revanche, utilise un système de dernière génération qui aspire lentement l’air sous chaque siège, le refroidit lentement jusqu’à une température confortable, puis le laisse s’échapper doucement par des diffuseurs.
« Des témoignages et des anecdotes suggèrent que le flux d’air a un effet sur la transmission [du coronavirus] », déclare Matthew Lella, directeur de Diamond Schmitt Architects et architecte responsable de la salle de concert et des espaces publics. Peut-être que la pandémie donnera lieu à d’autres études portant sur le rôle du mouvement de l’air dans la propagation des maladies aéroportées. Cependant, en ce qui concerne les systèmes actuellement sur le marché, la Maison symphonique est en bonne position.
Au-delà de la ventilation, la salle devra relever les défis rencontrés par toute salle, notamment comment maintenir la confiance du public dans la sécurité de l’espace. C’est une question qui s’étend à « toutes les échelles et tous les types de spectacles ainsi qu’à tous les espaces de représentation », déclare Lella. Dans un effort pour rassurer les spectateurs, la Place des Arts, à l’instar des institutions de production du monde entier, a réduit la capacité d’accueil du public et a mis en place un certain nombre de mesures de santé et de sécurité.
Des organisations telles que l’OSM et l’OM ont agi en conséquence. Ces orchestres, qui ont publié leur programme à la fin du mois d’août, ont publié des protocoles détaillant les mesures à prendre pour assurer la sécurité des auditeurs lors de leurs déplacements ainsi que la disposition des sièges en fonction de la distanciation physique. Les musiciens seront également plus dispersés, comme l’OSM lors de la représentation de L’envolée classique en août dans un stationnement de l’aéroport Trudeau et l’OM lors de son projet d’enregistrement estival de Beethoven à la salle Bourgie.
La nouvelle disposition des sièges modifiera certainement l’expérience des spectateurs. « Les orchestres et les publics distanciés sont fondamentalement contraires à l’esprit du spectacle vivant », déclare Lella. L’intensité du public et l’intimité qui accompagne la proximité seront perdues.
L’OM a par ailleurs annoncé que ses concerts seront retransmis en direct sur le web à compter d’octobre, afin de rejoindre un public plus large malgré la capacité réduite de la salle.
Ce moment de l’histoire culturelle entraînera probablement des changements importants au chapitre tant du design que des prestations. « L’architecture a trait à la façon dont les gens se rassemblent et nous constatons un changement notable quant à leur confort dans un espace, explique Lella. Se sentira-t-on à l’aise de se réunir comme auparavant ? »
Lella affirme que la pandémie transformera la conception et la construction des salles de spectacle. Il est probable, dit-il, que les halls d’entrée et les coulisses soient conçus différemment. La loge d’opéra traditionnelle, conçue à l’origine comme un moyen d’intégrer la stratification sociale dans l’architecture d’une salle, pourrait être utilisée différemment afin de maintenir la séparation des « bulles » sociales.
En attendant de voir comment l’architecture et le design évolueront face à la situation actuelle, il a été largement laissé aux organisations artistiques qui utilisent ces espaces de trouver des moyens de rendre l’art vivant possible. « Il y a toutes sortes de problèmes, souligne Lella. Les musiciens ont tous besoin de voir le chef d’orchestre et de s’entendre les uns les autres. »
On voit parfois des instrumentistes se déplacer, cependant les salles sont généralement conçues pour que le son émane de la scène. Surmonter les rappels constants de nos circonstances inhabituelles est un défi de taille lorsque l’objectif est au contraire de divertir le public.
« La salle de concert est un lieu qui se prête bien à l’expérimentation », rappelle Lella. Les orchestres programment des événements de moindre envergure et interprètent des œuvres dans des orchestrations réduites. Qu’il s’agisse de plantes à Madrid ou de peluches à Paris, les méthodes d’absorption sonore sont créatives et variées.
Lella espère que les expérimentations se poursuivront. Bien que ces pratiques représentent des changements radicaux, il ne faut pas les considérer comme des compromis. « On essaie de surmonter ces obstacles physiques et émotionnels et c’est merveilleux de voir l’art vivre à travers cela. »
C’est ainsi que commence une saison d’inconnus, d’essais et d’erreurs, de petits groupes dans de grandes salles et de grands sons avec un public réduit. Heureusement, Montréal est une ville de créativité et d’innovation qui a soif de créer et de partager des expériences artistiques – et une salle qui semble prête à relever le défi.
Traduction par Mélissa Brien
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