Jeudi 11 novembre 2021. Chapelle Notre-Dame-de Bon – Secours à Montréal.
Ce que vous avez manqué
D’une traversée à l’autre, La Nef est appareillée pour faire face à tous les vents et à toutes les marées. Sa direction est en pleine maitrise des mémoires, des tempéraments, des humeurs, autant de marins que de terriens, en provenance depuis le 11e jusqu’au 20e siècle. Et attention ! Prenez gare aux sirènes.
Sous la volonté du grand maitre à bord après Dieu, et sans nul doute inspiré de l’esprit de Madame Suzanne De Serres récemment disparue, tous lui souhaitant de voguer sur des eaux à la hauteur de son imagination, à qui ce concert rendait hommage, Jean-François Daignault, alto-baryton – clarinette, capitaine de l’équipage composé de Dorothéa Ventura, soprano et harpe de cristal, Ghislaine Deschambault, mezzo-soprano et métallophone, Michèle Motard, alto et scie musicale ; « c’est elle la sirène, la scie, pas Michèle », Pierre-Alexandre Saint-Yves, ténor, clarinette basse, chalumeau, percussion, et Pierre Rancourt, baryton, clarinette et verres musicaux, se sont adaptés à tout un répertoire très exigeant sur tous les plans. Chaque vague était minutieusement fendue de plein fouet. Ils étaient tous solidement prêts à affronter les changements climatiques… de ces époques. Le public n’a eu d’autres choix que de se laisser border et déborder puis, sur la fin, tous debout pour le final de l’abordage sans en demander davantage dès la dernière note de Gabriel Fauré, Après un rêve. L’aventure avait débuté avec un Gloria en faux-bourdon et à voix mixtes, extrait du manuscrit de Trente – H. Battre.
Tout au long, les six voix ont porté les gris blancs du Gulf Stream et de l’Atlantique de l’ère pré industrielle jusqu’à nos jours. Ce serait manqué de respect à tous leurs efforts de faire une telle critique sans tenter la poésie. Tout ce concert en est empreint. Et toutes les philosophies y passent. Du religieux – Gloria, extrait du manuscrit Old Hall Aleyn ou encore Gregorio Allegri, Misere mei, Deus – entre autres, du profane et séculier – Souvent souspire, trouvère anonyme du 12e – en passant du troubadour – Rimbaut de Vaqueiras avec Kalenda Maya, estampie chantée – fredonnant ou criant aux païens et des chorales impromptues qui se produisaient en haute mer durant les longues traversées, des créations de Daignault – Trois chansons madrigalesques -, La Nef est une érudite du sujet qui l’anime et qui la meut sous toutes ses voiles et de tous ses mats depuis trente ans déjà.
Ce concert portait tout un bagage de notre histoire. Il révèle une belle part des composantes génétiques de qui nous sommes, ici au Québec. Comme la mer, sommes-nous faits d’eaux prévisibles et imprévisibles, d’humeurs variables, de peines et de joies, de vies et de morts, de toutes les vérités et de tous les mensonges.
« Quand je t’ai dit que je t’aimais, je t’ai menti. Et quand je t’ai dit que je t’ai menti, je te mentais… Et quand je dis t’avoir menti, tout était vrai » J.F Daignault.
Ce qui coince
Une certaine attente à l’extérieur, passeports vaccinaux obligent. C’était frais, à peine tolérable pour les faibles vessies. Les bancs inconfortables des vieilles églises, mais quelle durabilité. Puis je me suis souvenu d’un professeur dont j’ai oublié le nom et qui disait « Très rare sont ceux qui tirent de grandes leçons de leurs apprentissages dans le confort. Si c’était le cas, les université assoiraient leurs étudiants dans des La-Z-boys ». Entre La-Z-boys et bancs d’églises, en termes de durabilité, rien de comparable. La beauté de cette chapelle, avec sa sonorisation distincte, compense amplement pour le confort. C’est un endroit qui porte les gènes de quelques siècles. Il y a dans ces lieux, dans ce musée, beaucoup à apprendre, tout comme avec La Nef.
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