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Le 19 avril, la Journée du cinéma canadien 150 (JCC 150) promet d’être une célébration à l’échelle nationale. Les organisateurs de l’événement affirment qu’il s’agira du plus grand festival de films au monde. Outre des présentations gratuites, plus de 800 projections sont prévues dans les écoles, les cinémas, les plateformes en ligne, les places publiques et même dans les avions. Quelles sont donc les forces du cinéma canadien en ce 21e siècle ? Par l’entremise des images et des sons, notre cinéma pourrait bien refléter notre mode d’interaction avec d’autres cultures.
L’utilisation des langues est, par exemple, un des aspects distinctifs du cinéma interculturel. Comment la langue est-elle utilisée à dessein par les cinéastes dans leurs représentations cinématographiques ? Est-ce que les films reflètent la diversité linguistique des sociétés qu’ils représentent ? Dans une société multiculturelle où deux langues officielles en côtoient des centaines d’autres, le cinéma canadien n’a pas tardé à comprendre l’ascendant qu’il exerce. Il y a des films bilingues, comme Bon Cop, Bad Cop (2006), Le Confessionnal (1995) et Yes Sir! Madame (1994). Sans compter d’autres films plurilingues, comme Bonheur aigre‑doux (en cantonais, 1994) qui relate l’histoire d’une femme sino-canadienne, interprétée par Sandra Oh, qui s’entiche d’un Canadien de race blanche au grand dam de sa famille. Nous avons également des films en langue autochtone, notamment Atanarjuat, la légende de l’homme rapide (2001), lauréat de nombreux honneurs sur la scène internationale. Le film a été tourné entièrement en inuktitut avec une équipe de production et une distribution majoritairement inuites.
Le cinéma interculturel se distingue également par les interrelations culturelles teintées par les antécédents personnels des cinéastes engagés dans le processus créatif. L’héritage culturel de réalisateurs candidats aux Oscar tels que Deepa Mehta et Atom Egoyan transparaît nettement dans leurs films. Le film Water (2005) de Mehta raconte l’histoire d’une épouse-enfant en Inde qui devient veuve et se voit contrainte de vivre en marge de la société. Campé dans une petite ville canadienne, le film De beaux lendemains (1997) est inspiré d’un fait vécu au Texas où 21 élèves meurent dans un accident de leur autobus scolaire. Pour Egoyan, son film est une métaphore du génocide arménien où les coupables sont appelés à assumer la responsabilité de leurs crimes.
Les relations interculturelles peuvent aussi revêtir plusieurs formes. Incendies (2010), de Denis Villeneuve, unanimement acclamé par la critique, est une œuvre inspirée de la pièce de théâtre de Wajdi Mouawad, auteur, acteur et metteur en scène d’origine libanaise. D’autres films abordent directement la question des relations interculturelles au sein de notre société. Par exemple, Sitting in Limbo (1986), de John H. Smith, explore la difficulté de vivre de jeunes défavorisés d’une communauté noire de Montréal. Monsieur Lazhar (2011), de Philippe Falardeau, raconte les tribulations d’un immigrant algérien qui remplace une enseignante au primaire. Se heurtant à une administration scolaire inflexible, il doit combler le fossé culturel qui le sépare des élèves.
Cette interaction peut être observée non seulement entre les groupes sociaux définis par leur nationalité, mais aussi entre les sous-cultures de ces groupes. La comédie Outrageous! (1977) a été considérée comme une incursion réussie dans la culture des travestis. Zero Patience (1993) est une comédie musicale surréaliste sur le thème du VIH et du sida. Ces deux films, par leur incarnation originale de cet « autre » souvent dénigré, ont incité les cultures dominantes à se remettre en question. Des comédies dramatiques se sont penchées sur le lien étroit entre l’identité et la diversité culturelle. La grande séduction (2003) narre l’histoire d’une petite communauté de pêcheurs, au nord du Québec, qui fait tout pour charmer et convaincre un médecin de la ville, venu s’établir temporairement au village, de rester pour de bon. Mambo Italiano (2003), raconte l’histoire, dans la Petite Italie de Montréal, d’un homme qui se met en couple avec un autre homme.
Une troisième particularité du cinéma interculturel est l’engagement du public. Est-ce que les films sont visionnés par la même communauté ? Les films peuvent‑ils transcender les frontières culturelles pour toucher le cœur et ouvrir l’esprit des gens de différentes origines ? Le film Mommy (2015), portrait intime d’un duo mère-fils explosif et d’une jeunesse révoltée contre les règles institutionnelles rigides, a obtenu un succès planétaire. Il a conquis le public du monde entier et remporté de nombreux prix. Le talent des cinéastes canadiens s’exprime également dans certains genres, comme la comédie et les films d’horreur. Kids in the hall : la pilule du bonheur (1996), Arrête de ramer, t’es sur le sable (le premier rôle principal de Bill Murray en 1979) et Starbuck (2009) ont réussi à faire rire le public du monde entier. Ginger Snaps (2000), Cube (1997), ou les films de David Cronenberg sont de véritables classiques du cinéma canadien mêlant science-fiction et horreur.
Les nouvelles générations de cinéastes canadiens s’approprient de nouveaux genres, convoitent de nouveaux publics et s’immergent dans un processus créatif qui tient compte de la complexité du paysage humain sous toutes ses formes. Au-delà de la matérialité du film, qui n’est plus limité par le celluloïd, au‑delà de la dualité des médiums numériques et analogiques, nos identités sont en constante interrelation avec les images et les sons qui nous entourent. Devant cette diversité qui se déploie sur petits et grands écrans (téléphones intelligents ou salles de cinéma par exemple), nous sommes appelés à forger nos identités et à en dévoiler leur caractère changeant.
Les interactions interculturelles façonnent le monde dans lequel nous vivons ainsi que le regard que nous portons sur lui, et ce, à un rythme accéléré, inhérent à ce siècle. La riche expérience cinématographique du Canada témoigne de l’importance de transmettre les histoires vécues, celles des autres autant que les nôtres. Nul doute que le patrimoine cinématographique canadien joue un rôle de premier plan en cette époque visuelle. La plupart des films mentionnés précédemment font partie des 150 films que Reel Canada a prévus pour la programmation de la JCC. Il vous faudra assurément plus d’une journée pour vous immerger dans notre riche histoire cinématographique. Pourquoi ne pas profiter du 150e anniversaire du Canada pour célébrer tout au long de l’année notre patrimoine cinématographique ? Le 19 avril se veut le début d’une exploration, par l’entremise de différentes plateformes, d’œuvres réalisées par de talentueux artisans du cinéma canadien.
Traduction : Lina Scarpellini
Pour tout savoir sur la JCC 150 et connaître la liste des événements et des projections au Canada, visitez le site canadianfilmday.ca/fr/.
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