Au fil des ans, le Festival d’opéra de Québec s’est imposé comme un événement incontournable de l’été pour tout amateur d’art lyrique au Québec. Depuis sa première édition en 2011, ce même festival a accueilli plusieurs productions à grand déploiement, dont celle du Tempest de Thomas Adès, mise en scène par Robert Lepage et reprise notamment au Metropolitan Opera de New York. Cette année, l’équipe dirigée par Grégoire Legendre réussit l’exploit de présenter, en première mondiale, la production du Vaisseau fantôme de Wagner, mise en scène par François Girard ; celle-là même qui partira en tournée à New York, Amsterdam et Abou Dabi.
Comme nous le mentionnions dans notre article-entretien avec le cinéaste québécois, auteur du Violon rouge (voir ici), François Girard en est déjà à sa troisième production d’un opéra de Wagner et à sa seconde pour le Metropolitan Opera, après sa version très acclamée de Parsifal.
Dans ce nouveau Vaisseau fantôme, on retrouve tous les ingrédients qui ont fait le succès de la précédente production et que l’on peut maintenant identifier comme le style « Girard » : scène disposée en relief sur plusieurs niveaux, ciel digne de l’Apocalypse, gigantesques tableaux vivants et images saisissantes qui frisent avec le genre de l’épouvante. L’atmosphère est pesante, sans être lourde, mais ô-combien puissante !
Dès l’ouverture, les projections vidéo, signées Peter Flaherty, nous plongent dans les profondeurs aquatiques, là où Senta a déjà rejoint le Hollandais volant pour l’éternité. L’animation visuelle ressemble à une constellation d’étoiles filantes qui forment tantôt des courants, tantôt des creux de vagues, tantôt le mat et les voiles du redoutable vaisseau. Première ingéniosité.
Deuxième ingéniosité : François Girard et son équipe, avec notamment John Macfarlane aux décors, ont imaginé un ensemble de cordage immense qui tombe sur la scène comme un rideau. Cet ensemble rappelle, bien sûr, le cordage d’un navire, mais aussi le métier à tisser sur lequel travaillent les jeunes filles du village. Inévitablement, l’entrelacement des cordes évoque des images symboliques, entre étouffement et désir d’étreindre.
De cette production, on garde aussi en mémoire les apparitions terrifiantes du Hollandais. Là encore, les animations de Flaherty et les éclairages de David Finn servent le propos magistralement. Projeté sur la toile de fond, l’ombre du capitaine – et, plus tard, de son équipage – traduisait parfaitement sa présence fantômatique. On peut toutefois regretter que les mouvements de Gregory Dahl, dans le rôle principal, n’aient pas correspondu exactement au reflet de son personnage, ce qui a été par moments une source de distraction.
Il n’empêche. Le baryton canadien s’est démarqué par sa forte présence physique, bien plus que par sa voix. Techniquement, Gregory Dahl a livré une bonne performance, mais il lui manquait le souffle et la puissance de Daland, incarné brillamment par Andreas Bauer Kanabas. De son côté, Johanni von Oostrum (Senta) a montré une image exactement inversée à celle de Dahl : très grande personnalité vocale, mais une présence physique plutôt réservée. En témoigne son jeu scénique pendant l’ouverture, redondant et sans véritable aura.
À souligner, la très grande prestation du Chœur de l’Opéra de Québec, tant chez les hommes que chez les femmes, notamment lors de la scène de fête (début de l’acte III). C’est aussi dans ce type de passage énergisant que l’Orchestre symphonique de Québec, sous la direction de Jacques Lacombe, s’est le mieux illustré, avec une grande homogénéité entre les cordes et les cuivres.
À noter, enfin, que trois autres représentations sont prévues le 30 juillet ainsi que les 1er et 3 août, au Grand Théâtre de Québec.
Le Vaisseau fantôme de Wagner
Gregory Dahl (le Hollandais), Andreas Bauer Kanabas (Daland), Johanni van Oostrum (Senta), Éric Laporte (Erik), Allyson McHardy (Mary), Éric Thériault (Steuermann), Choeur de l’Opéra de Québec, Orchestre symphonique de Québec, Jacques Lacombe (chef). Mise en scène : François Girard. Décors : John Macfarlane. Costumes : Moritz Junge. Éclairages : David Finn. Projections : Peter Flaherty. Chorégraphe : Carolyn Choa. Dramaturge : Serge Lamothe. Grand Théâtre de Québec, dimanche 28 juillet.