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Si le chiffre 4 ne figure pas dans la suite mathématique de Fibonacci, le trio l’a pourtant bien apprivoisé en proposant chaque année à la salle Bourgie une saison riche et variée composée de quatre concerts, deux à l’automne et deux au printemps. La nouvelle saison du trio poursuit dans la voie de l’éclectisme et de la découverte, entre musique française, russe et minimaliste, en concluant sur une note multidisciplinaire. Le violoncelliste Gabriel Prynn nous guide à la découverte de cette nouvelle saison et revient sur son expérience du confinement.
Un répertoire vaste et des programmes audacieux
Le Trio Fibonacci est né en 1998 avec la violoniste Julie-Anne Derome, le violoncelliste Gabriel Prynn et le pianiste André Ristic. À l’époque, il se concentre essentiellement sur le répertoire contemporain, endisquant des œuvres de Jonathan Harvey, Guilherme Bauer ou encore Harry Crowl. Le travail ardu que requiert le répertoire contemporain va constituer un magnifique laboratoire d’apprentissage pour les trois musiciens, qui acquièrent ainsi une rigueur d’analyse et d’exécution très poussée. Après le départ d’André Ristic en 2006-2007, le trio élargit ses perspectives musicales, retournant aux sources du classique avec les pianistes Wonny Song, Anna D’Errico puis maintenant Steven Massicote. En plus des grands noms du répertoire, Haydn, Brahms, Tchaïkovski, des compositeurs moins connus du grand public habillent de couleurs certains programmes du trio, comme Joaquín Turina et Gaspar Cassadó, Louise Farrenc ou Guillaume Lekeu. La discipline de travail déjà bien établie avec le répertoire contemporain permet aux trois musiciens de cartographier et radiographier le répertoire pour l’interpréter avec une grande clarté tout en conservant une grande charge émotive. Ce sont d’ailleurs des coups de cœur qu’ils programment désormais d’une année à l’autre, selon leurs inclinations ou celles du public fidèle qui continue de les suivre. Le trio ne cesse jamais de surprendre, si bien qu’il poursuivra pour une troisième année consécutive un programme de musique minimaliste, un genre qui est pourtant éloigné de leurs inclinations premières.
Lumière, passion, médidation… une saison pleine de vitalité
Cette année, le Trio Fibonacci proposera pour chaque programme deux concerts d’une heure sans entracte la même journée, pour pallier la réduction de capacité des salles de concert et offrir ainsi au public une expérience plus intime. Le premier concert de la saison, en octobre, mettra à l’honneur la musique française de la Belle Époque, une période privilégiée entre paix et croissance économique qui s’étend de la fin du XIXe siècle jusqu’à la Première Guerre mondiale, avec la musique de Fauré, Saint-Saëns et Ravel. C’est l’occasion de rappeler que la vie continue, que des temps meilleurs et plus rassembleurs sont à venir. En décembre, c’est au tour de la musique russe : « Nous avons joué un programme de musique slave il y a deux ans, et nous avons eu envie cette saison de ressusciter cette âme slave, une musique empreinte de passion et de nostalgie », précise Gabriel Prynn. Le programme fait état de la grande filiation musicale existant entre les artistes, du Trio de Tchaïkovski à la mémoire de Nikolaï Rubinstein jusqu’à Chostakovitch et Schnittke.
Le moment tant attendu du public se déroulera en mars 2021, avec la troisième édition des Géants du minimalisme, la deuxième ayant eu lieu juste avant l’annonce du confinement au début du mois de mars dernier. Ce programme, dont les billets devraient s’envoler rapidement, ramènera sur scène de nouvelles œuvres de Philip Glass, Brian Eno, Ludovico Einaudi, Max Richter ainsi qu’une création montréalaise. La saison se terminera avec un concert surprenant où la musique côtoiera la peinture. « La salle Bourgie a un grand écran qui prend une dimension très intéressante dans l’espace. Nous avons voulu saisir l’opportunité de l’utiliser dans un programme alliant le musical et le pictural », explique Gabriel Prynn. Si le concept est encore en cours d’élaboration, ce concert promet un beau dialogue pluriartistique au cœur de la famille Bach, au temps de Schumann, mais aussi avec Mendelssohn, excellent dessinateur à ses heures.
Lorsque tout s’arrête…
Quelques jours après le concert Les géants du minimalisme II, véritable succès qui a donné un vif élan au trio, tout s’arrête : « Il est devenu clair rapidement que la saison n’irait pas plus loin. Nous avons décidé d’offrir un programme de 45 minutes en ligne, D’une saison à l’autre, pour faire le pont entre les deux saisons. » Mêlant musiques minimaliste, romantique et moderne, ce concert peut être visionné sur la chaîne YouTube du trio.
On dit parfois que lorsque tout s’arrête, nous retrouvons l’essentiel. Beaucoup ont sans doute vécu cela durant le confinement. Gabriel Prynn aussi, à sa manière, en replongeant dans la musique de Bach : « J’ai enregistré l’un après l’autre les différents mouvements des suites de Bach pour violoncelle seul, que je continue de publier régulièrement en ligne. À chaque moment de notre vie où l’on replonge dans Bach, on a une vision différente de cette musique. Je m’en rendais compte chaque semaine, car je continuais d’enseigner à distance avec mes étudiants et ma nouvelle compréhension de Bach se reflétait dans mon enseignement. »
Le trio a également profité de l’arrêt des concerts pour faire paraître un album regroupant plusieurs œuvres interprétées lors de la saison 2019-20, en vente sur son site web. Ces souvenirs de concert d’une année bien particulière, avec les bruits de fond et les respirations des musiciens, ont une énergie chaleureuse et vivante. Étrangement, cette année bouleversante correspond à la 21e année du trio, un nombre qu’on retrouve dans la suite de Fibonacci… Si la tendance se maintient, attendons-nous à de grands bouleversements sur la scène musicale dans 13 ans ! D’ici là, le trio pourra nous enchanter en présentant des concerts aux programmes habilement bâtis, juxtaposant grands classiques et chefs-d’œuvre oubliés, multipliant les esthétiques, pour le plus grand bonheur des mélomanes.
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