Les 4 et 5 avril prochains, la Maison de la musique de Sorel-Tracy organise son troisième grand marathon musical. Après Beethoven et Chopin, c’est au tour du Russe Sergueï Rachmaninov d’être célébré avec la présentation de l’intégrale des œuvres pour piano.
Renouveler l’ivresse
L’an dernier, en mars 2019, le « marathon Chopin » de Sorel-Tracy a laissé un vif souvenir dans les mémoires des privilégiés qui ont pu entendre toute l’œuvre pour piano seul du célèbre compositeur polonais, en l’espace de seulement deux jours. Cet événement a permis à dix-neuf pianistes, de la relève aux figures internationales, de faire découvrir au public la chronologie musicale d’une œuvre dense et foisonnante. Événement hautement formateur pour le public ainsi que pour les artistes, ces concerts émaillés de présentations, conférences et repas chaleureux sont une rareté dans le paysage musical classique dont la région de Sorel peut s’enorgueillir. La douce folie de l’événement Chopin laisse place cette année aux délices ardentes du piano de Rachmaninov, une fin de semaine consacrée à l’œuvre pour piano du romantique russe.
Affronter Rachmaninov
« Certains pianistes pressentis ont refusé d’affronter le répertoire de Rachmaninov. » Rachel Doyon, directrice artistique et générale de la Maison de la musique de Sorel-Tracy, planche depuis un an sur ce projet dont la démesure égale la motivation de ses organisateurs. Le maître de cérémonie, André Champagne, sera fortement sollicité lors des sept blocs musicaux, tandis que l’animateur Georges Nicholson et le pianiste Richard Raymond n’ont pas ménagé leurs efforts pour parvenir à regrouper toutes les œuvres de Rachmaninov, en cumulant les recherches historiques et la logistique avec les pianistes invités. Car affronter Rachmaninov n’est pas une mince affaire pour les artistes non plus. Le compositeur, pianiste et chef d’orchestre russe nous a laissé une œuvre passionnée, tourmentée et virtuose, aux difficultés techniques parfois insurmontables, notamment pour des raisons purement physiques. Rachmaninov avait des mains immenses, un atout dont il a tiré profit dans de nombreuses œuvres pour piano, requérant de véritables prouesses physiques de la part des interprètes qui s’y frottent. Cette année, vingt pianistes sous la direction artistique du professeur Richard Raymond se prépareront pour cet « Ironman » musical collectif qui honorera un grand nom de la musique du XXe siècle. Étudiant aux conservatoires de Saint-Pétersbourg puis de Moscou, Rachmaninov va composer, entre les États-Unis et la Russie, une œuvre personnelle à contre-courant, véritable îlot de romantisme au cœur d’un XXe siècle qui s’émancipe considérablement de l’univers tonal.
Convier l’orchestre aux festivités
La grande nouveauté de cette année est la présence de l’Orchestre symphonique de Longueuil, qui sera dirigé par les chefs Alexandre Da Costa et Diego Naser. Tandis que le samedi sera consacré aux œuvres pour piano à deux, quatre et six mains dans le cadre à l’italienne de la salle Georges-Codling, le dimanche aura une saveur symphonique à l’église Enfant-Jésus avec les quatre concertos pour piano ainsi que la Rhapsodie sur un thème de Paganini. En plus d’ajouter une grande plus-value à cette orgie pianistique, il apportera une variété et une complétude à l’œuvre pour piano du maître russe, dont on pourrait difficilement occulter les concertos 2 et 3 qui en constituent l’apothéose. Du côté des pianistes, on retrouvera trois Russes, des Américains et Canadiens ainsi qu’une majorité de Québécois. Étant à différents stades de leur carrière, ils pourront bénéficier de la présence de confrères et consœurs plus expérimentés, rendant ainsi l’aventure hautement enrichissante. Le public, quant à lui, verra défiler une valse d’interprètes, de jeux, de techniques et de visions différents, exercice très formateur qui permet à l’intérêt de rester bien présent malgré les heures de musique qui s’enchaînent. Les spectateurs des années précédentes étant unanimes à ce sujet, on devrait voir cette année affluer encore davantage de monde. Avec des prix très abordables, un concept unique et une atmosphère très conviviale, Le piano de Rachmaninov : l’Intégrale promet d’être un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte.
Pérenniser la musique classique en région
Au-delà de cet événement annuel colossal, la Maison de la musique de Sorel est un lieu important de promotion, de diffusion et d’éducation à la musique classique. Installée dans un ancien édifice des sœurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe, la Maison qui célébrera ses huit ans en avril a été transformée en salon de musique pour proposer à la communauté, tout au long de l’année, une programmation variée mêlant musique classique, jazz et chanson française. Ce lieu de diffusion est également un lieu d’éducation et de formation, offrant des cours et stages tout au long de l’année à des musiciens de la région et de partout au Québec. Parmi les projets en cours, l’idée d’un réseau des salons de musique du Québec (RSMQ) qui renforcerait à long terme la présence de la musique classique et du jazz dans les régions fait l’objet d’une attention particulière de la part de Rachel Doyon ainsi que de Sylvie Raymond, consultante et de Michelle Roux-Bordage à la recherche. Une vaste discussion a été lancée avec de nombreux diffuseurs à travers la province afin d’élaborer un regroupement facilitant la venue d’artistes sur tout le territoire, tout en échangeant des idées afin d’apprendre au contact de la réalité de chaque salon. « Les salons sont appréciés de tous les artistes. Ceux de la relève y voient l’occasion de tourner à travers la province et de se faire un nom, tandis que les artistes célèbres apprécient particulièrement la convivialité, la chaleur et l’ambiance semblables à une résidence d’artiste. » En attendant de voir les beaux fruits qu’une telle initiative peut apporter au milieu classique en dehors de la métropole, il nous fera plaisir de gravir en avril prochain la montagne russe du géant Rachmaninov.
La Maison de la musique de Sorel-Tracy tiendra Rachmaninov l’intégrale les 4 et 5 avril 2020 au Marché des arts Desjardins et à l’église Enfant-Jésus.