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Après un premier concert en webdiffusion au mois d’octobre, le trio Fibonacci récidive avec Rêves de Tchaïkovski, une incursion dans l’univers coloré de la musique russe étalé sur plusieurs générations. On retrouvera des trios de Tchaïkovski, Chostakovitch et Schnittke, dans cette rencontre virtuelle qui permet aux trois musiciens de poursuivre leur exploration du répertoire de trio tout en réchauffant le cœur du public à l’approche des Fêtes. Nous avons rencontré la violoniste Julie-Anne Derome afin d’en apprendre davantage sur le concert ainsi que sur la vie en temps de pandémie.
Vous avez présenté en avril 2018 avec le trio le concert Bohemia, avec des compositeurs tchèques. Est-ce qu’on peut voir votre prochain concert comme une poursuite de cette exploration de l’âme slave ?
On retrouve en effet des points communs entre les deux programmes. Les sentiments sont extériorisés de façon entière, sans filtre. On retrouve également des éléments de la musique folklorique. Dans la partition, la virtuosité fait ressortir la couleur unique de chaque note. C’est un monde sonore très vibrant! De plus, dans Bohemia et Rêves de Tchaïkovski, on retrouve des œuvres qui font partie de la même tradition des trios élégiaques, comme ceux de Smetana et de Tchaïkovski. Ces œuvres sont nées suite à la perte d’un être cher, la jeune fille dans le cas de Smetana et Nikolai Rubinstein dans celui de Tchaïkovski. Ce qui me frappe dans ces œuvres, c’est leur aspect narratif et biographique. On partage la douleur du compositeur, mais aussi ses moments de joie; on pénètre dans le spectre de ses souvenirs.
Vous présentez trois visages très différents de la musique russe à travers ce programme. Pouvez-vous rapidement caractériser chacune des œuvres au programme ?
Chostakovitch a écrit son Premier trio en do mineur en 1923, alors qu’il n’avait que 16 ans! L’œuvre dépeint une histoire d’amour impossible. On perçoit déjà des bribes du caractère amer de la musique de Chostakovitch, mais elle reste principalement romantique et impressionniste; c’est une merveilleuse découverte pour nous. Tango d’Alfred Schnittke est tiré de son Concerto grosso no 1 pour 2 violons et orchestre à cordes, écrit en 1976-77. Nous en avons fait une adaptation pour trio. Schnittke a écrit beaucoup de musique de films d’animation pour enfants et on le connaît pour son pluristylisme. Avec Tango, il a voulu présenter le tango favori de sa grand-mère, joué au clavecin par son arrière-grand-mère. Le trio de Tchaïkovski est une œuvre symphonique, comme le dit lui-même le compositeur. Cette œuvre monumentale et tragique, écrite en un mois, de décembre 1881 à janvier 1882, fait partie des trios élégiaques. Elle est dédiée à son ami proche et mentor, Nikolai Rubenstein.
Parmi ces œuvres, y en a-t-il une qui vous touche particulièrement, et pourquoi ?
Toutes les œuvres me touchent, mais je ne pourrais pas vous cacher que le trio de Tchaïkovski me hante. Tchaïkovski avait toujours refusé d’écrire pour la formation de trio, même à la demande de sa bienfaitrice Nadezhda von Meck, une femme d’affaires qui l’a soutenu pendant 16 ans. Il aura fallu un drame personnel pour l’inciter à composer pour la formation, sans que personne ne lui demande. L’aspect orchestral et virtuose de l’œuvre me stimule en tant qu’interprète. J’adore le côté poignant et tragique de son lyrisme. L’œuvre, avec ses nombreuses variations, ses moments de musique de ballet, sa fugue dans le style de Bach, nous fait traverser toute une épopée! Et personne, dans la littérature pour trio, n’a écrit une grande finale aussi cosmique!
Jouer sans public doit être déstabilisant. Comment vous préparez-vous pour réussir à donner le meilleur de vous-mêmes ?
Tout repose, à mon avis, sur la puissance de la visualisation. Notre public aurait aimé être en salle avec nous, et nous aurions aimé l’avoir à nos côtés. Nous l’imaginons près de nous, en pensée, en énergie, qui partage les émotions de cette musique grandiose. Nous aimons très fort notre public et nous voulons créer un contexte chaleureux de partage, malgré la distance, un peu comme si on se retrouvait tous, entre ami·e·s, dans les salons de concerts d’autrefois.
Vous avez acquis récemment un nouveau violon ainsi qu’un nouvel archet… Pouvez-vous nous présenter ces deux compagnons?
Ce violon est arrivé dans ma vie sans que je m’y attende. Sa sonorité veloutée m’a tout de suite conquise. Il a été fabriqué par le luthier d’origine australienne Guy Harrison, maintenant résidant à Ottawa. Le violon est un modèle Stradivarius, un modèle qui n’aime pas une trop forte pression d’archet et qui présente une palette de couleurs variées. J’apprends à découvrir la profondeur et la grande flexibilité de son timbre. Mon nouvel archet est la cerise sur le gâteau qui fait toute la différence. Une véritable baguette magique! L’archet a la particularité de faire ressortir les harmoniques les plus complexes de mon violon, ce que ne fait pas un autre archet. Fait à l’atelier Hills en Angleterre dans les années 1920, son fabricant faisait partie de l’Escouade d’Or de l’atelier Hills.
Un dernier mot ou message à partager à l’approche de ces Fêtes bien particulières ?
Je crois que cette période nous permet de nous en tenir à l’essentiel. Il faut s’accorder du temps pour faire des choses qu’on aime, s’entourer de nos proches et prendre du temps avec eux, même si c’est de façon virtuelle. Malgré la distance, la chaleur et la solidarité restent. Nous vous réservons une petite surprise de Noël. Restez à l’affût! Bonne santé à toutes et tous. Revenons en force, ensemble, en 2021!
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Rêves de Tchaïkovski sera diffusé dès le 12 décembre 2020 (19h30) et disponible pour une durée de 14 jours. Billets sur https://lepointdevente.com/billets/reves-de-tchaikovski
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