Je suis parvenu, non sans mal, à terminer l’ouvrage de Peter Goddard Gould le magnifique dont la récente traduction par Anne-Marie Regimbald est parue chez Varia. Je me demande encore pour qui a été écrit ce livre. Certes, il est difficile de sortir un énième livre sur le pianiste, il faut du moins avoir les reins solides. Mais cette lecture ne profitera ni au passionné, ni au mélomane ni même au curieux qui souhaite connaître la vedette Gould.
Globalement, cet ouvrage est un fouillis décousu et superficiel. Ce que le quatrième de couverture nous vend comme un « riche réseau de références gravées dans l’imaginaire profond du pianiste » est en réalité un amoncellement de références récoltées ici et là sans fil conducteur ni propos constructif. L’auteur passe sans cesse du coq à l’âne, nous contant sa propre enfance, énumérant les artistes signés chez Columbia ou décrivant photos et vidéos Youtube. Les références arrivent comme un cheveu sur la soupe et repartent aussi vite, sans avoir coloré ni enrichi le propos. Une longue partie de l’ouvrage est consacré aux émission de radio animées par Gould, mais là encore le discours reste superficiel, l’auteur ne développant pas ses idées, qui coulent les unes après les autres au fil d’un style maladroit.
On peut sauver de cette noyade les pages 152 à 163, à propos du Concerto no.1 de Brahms et du changement des pianos Steinway pour Yamaha, quelques passages intéressants sur le rapport de Gould aux paysages de son enfance, ainsi que les pages 217 à 222 racontant les circonstances de l’enregistrement des Variations Goldberg de 1981.
Il y a dans cet ouvrage trop d’idées inabouties; les sujets, pourtant originaux dans leur annonce, sont si peu développés qu’ils rendent la lecture (émaillée de nombreuses digressions et parenthèses souvent inutiles) éprouvante. Certaines assertions sont tout simplement fausses, ce qui est inadmissible dans un ouvrage musical se voulant un tant soit peu sérieux. Dire de Rudolph Serkin qu’il a une « présence physique macho » est faux mais également révélateur d’une grande méconnaissance de cet artiste. Pire concernant l’oreille absolue, dont l’auteur parvient à nous donner une définition triplement fausse : « la capacité d’entendre une note même si elle n’est pas jouée » Non, il s’agit de la capacité d’associer une fréquence précise à une syllabe ou, dans le cas des anglophones, à une lettre. « ce qui est bien entendu un don… » Encore non. Cela fait un moment que le secret de l’oreille absolue a été percé, et il s’agit non pas d’un don mais d’un apprentissage qui se fait en bas âge et peut être favorisé par certains facteurs, comme l’hérédité ou encore la langue maternelle. « mais pas particulièrement utile dans le cas d’un pianiste » Je me passerai de commentaire quant à cette dernière affirmation. Si c’était là un exemple isolé, j’aurais eu la décence de le passer sous silence, mais il en dit long sur le reste de l’ouvrage. Bref, ne perdez pas votre temps, je l’ai fait pour vous.
_____
Gould le magnifique, Peter Goddard, Varia, 2018, 256 pages. http://www.groupenotabene.com/editions-varia
Un commentaire
Bravo Benjamin Goron pour ce commentaire qui décrit TOTALEMENT mon cauchemar littéraire de l’année: « Gould le magnifique » de Peter Goddard. Moi, qui ne suis pas musicologue mais suis une inconditionnelle de Gould depuis toujours et friande de littérature, j’ai beaucoup souffert en m’obligeant à lire jusqu’au bout cet ouvrage désorganisé et oh combien décevant.