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Dans le cadre d’une série de concerts et d’événements rendant hommage à l’héritage musical de José Evangelista, la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) présente au mois de juin deux œuvres phares du compositeur : La Porte et Manuscrit trouvé à Saragosse. Depuis le coup d’envoi en septembre dernier, cette série hommage permet au public de redécouvrir, au fil d’une quarantaine de concerts, la musique d’un des compositeurs canadiens les plus accomplis de sa génération. Aboutissement d’une année retraçant les principaux jalons d’une carrière de plus de quatre décennies, les représentations du monodrame La Porte et de l’opéra Manuscrit trouvé à Saragosse offriront aux mélomanes une occasion unique de se plonger dans un univers musical singulier qui redéfinit les frontières entre le drame lyrique et le conte traditionnel.
En quête d’un langage musical
Né en 1943 à Valence, le compositeur cultive rapidement un intérêt pour la musique et débute à l’âge de seize ans des études d’harmonie et de composition auprès de Vicente Asencio. Fort d’un premier prix de composition au Conservatoire de Valence, Evangelista entreprend parallèlement à la musique des études en sciences physiques qui le mènent à quitter son Espagne natale pour émigrer au Canada afin d’y travailler en tant qu’informaticien. Désireux de retourner à ses premières amours, il s’installe à Montréal au début des années soixante-dix et reprend ses études en composition à l’Université de Montréal, ce qui sera l’occasion pour lui de se tailler une place au sein d’un milieu musical en pleine effervescence.
En plus de révérer les classiques, Evangelista développe très jeune une fascination pour les musiques du monde qu’il découvre d’abord à travers des recueils de musique traditionnelle espagnole. Par la suite, et toujours dans le but d’enrichir sa démarche créative, Evangelista élargit ses axes d’intérêts aux traditions musicales indonésiennes, arabes, indiennes, juives et japonaises. Cet attrait pour l’ailleurs demeure une source d’inspiration constante à travers la carrière du compositeur qui, à défaut de simplement imiter le style, se réapproprie des éléments techniques empruntés à ces cultures au sein de sa propre démarche compositionnelle. C’est ainsi qu’Evangelista – conformément au principe de l’hétérophonie – délaisse l’harmonie et le contrepoint pour faire de la mélodie le paramètre principal de ses œuvres.
La Porte
Composée en 1987 pour le compte de la compagnie d’opéra Chants Libres, La Porte sera présentée au Conservatoire de musique de Montréal. Interprétée par la mezzo-soprano Ghislaine Deschambault et la percussionniste Huizi Wang sur la mise en scène originale de Joseph Saint-Gelais, ce drame lyrique inspiré de la nouvelle de Kafka intitulée Devant la Loi présente une structure narrative complexe qui adopte la forme du monodrame : une œuvre dramatique dont les protagonistes évoluent à travers le regard d’un personnage central. Puisant son inspiration dans les musiques du monde, mais aussi dans l’univers des contes traditionnels perses, arabes et indiens, Evangelista propose avec La Porte ni plus ni moins qu’une réinterprétation du rôle de conteur. Alors que la narration donne généralement l’impression d’être en retrait, hors de l’intrigue, Evangelista adopte une approche par laquelle la situation du conteur est elle-même mise en musique. Ce procédé insuffle une profondeur de jeu au conteur qui fait dès lors partie intégrante du récit, effet renforcé par des passages exclusivement chantés. Il est à noter qu’une seconde version du monodrame sera présentée le 20 avril à la Chapelle historique du Bon-Pasteur. Mettant en scène la soprano Virginie Mongeau et le percussionniste João Catalão, ils offriront une réinterprétation de La Porte orientée vers la manipulation d’objets et une recherche d’authenticité.
Manuscrit trouvé à Saragosse
Poursuivant la démarche entamée avec La Porte, le compositeur continue son exploration des techniques de mise en musique de texte, mais cette fois dans le cadre d’une œuvre à grande échelle. Animé de la même intention d’explorer les possibilités offertes par la situation du conteur, Evangelista signe en 2001 l’opéra Manuscrit trouvé à Saragosse, produit par Chants Libres, sur un livret d’Alexis Nouss, lui-même grand spécialiste de l’univers des contes traditionnels. Interprété par l’ensemble de la SMCQ sous la direction de Walter Boudreau et mis en scène par Lorraine Pintal, Manuscrit trouvé à Saragosse est inspiré du roman du même nom de l’auteur polonais du 18e siècle Jan Potocki. Situé dans le contexte des guerres napoléoniennes, ce récit fantastique relate le périple initiatique d’un capitaine des Gardes wallonnes dont le dessein véritable ne se révèle qu’au fil d’étranges rencontres. Structuré d’une manière similaire à La Porte, cet opéra présente un grand nombre de personnages dont les péripéties se déroulent selon un procédé de mise en abyme. La complexité du récit – habilement constitué d’intrigues enchevêtrées – représente un défi de taille pour les neuf chanteurs qui devront tour à tour incarner trente-deux personnages. Pour pallier ces difficultés, Evangelista fait un emploi judicieux de leitmotiv. Véritable tour de force, Evangelista parvient avec l’opéra Manuscrit trouvé à Saragosse à concilier un genre ancré dans la tradition et son propre univers musical. Une soirée à ne pas manquer.
La Porte fera l’objet de cinq représentations à la salle de concert du Conservatoire de musique de Montréal les 1er, 2, 8 et 9 juin à 20 h et le 10 juin à 16 h.
Manuscrit trouvé à Saragosse sera présenté le 7 juin à 19 h 30 au Studio-théâtre Alfred-Laliberté.
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