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Il y a de ces trajectoires de vie qui frappent l’imaginaire et semblent indiquer que par-delà les vicissitudes du sort, rien n’est laissé au hasard. La vie du jeune compositeur canadien Adam Vincent Clarke est une de celles-là, de son enfance modeste en Nouvelle-Écosse aux grandes salles de concert européennes où sont aujourd’hui présentées ses œuvres. Hasard ou providence, c’est le fruit d’une succession de choix, d’épreuves et de rencontres fortuites qui le verront revenir au Canada cet automne, près de sept ans après son départ pour le vieux continent, dans le cadre de la tournée canadienne de son fascinant projet Est-Ouest. Retour sur le parcours inusité d’un jeune compositeur parmi les plus brillants de sa génération.
De la cornemuse aux études classiques
Ayant grandi à Greenwood en Nouvelle-Écosse, une petite bourgade située à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Halifax, le jeune Clarke n’est pas venu à la musique par les chemins traditionnellement associés aux grandes carrières musicales. Loin des grandes écoles et des conservatoires, le coup de foudre pour la musique vient plutôt de sa découverte à l’âge de neuf ans de la trame originale du drame historique Braveheart qui suscite chez lui une vive passion pour la cornemuse. Subjugué par la puissance de l’instrument, Clarke entreprend son apprentissage tout en développant peu à peu une fascination pour le folklore musical de la côte est du Canada, fascination qui le suit encore aujourd’hui.
Cultivant un goût prononcé pour les sonorités puissantes et énergiques, Clarke se tourne ensuite – comme bon nombre de jeunes de sa génération – vers la guitare électrique, décelant dans l’impétuosité du heavy metal une « beauté et une honnêteté toute particulière » qui deviendront avec le temps des composantes centrales de son univers musical et de sa démarche artistique. Le jeune musicien prend alors la route de l’Université Acadia pour entreprendre des études en guitare classique, puis en composition sous l’égide de Dinuk Wijeratne et Derek Charke. Aux côtés de ses mentors, Clarke canalise ses influences folkloriques, populaires et classiques pour donner vie à un univers musical singulier exploitant de riches nuances de langage, d’instrumentation et de style interprétation.
L’aventure allemande
De retour en Nouvelle-Écosse en 2015 au terme d’un séjour en contrée germanique où le jeune musicien poursuivait jusqu’alors des études en composition et en langue, la tragédie survient avec le décès de sa mère, emportée au terme d’une longue maladie. Profondément ébranlé par cette perte qui, dit-il, remet sérieusement en question ses attaches, Clarke juge le moment tout indiqué pour plier bagage et tenter sa chance sur le vieux continent. Attiré par le vaste héritage culturel et artistique du pays de Bach et de Beethoven, il se procure un aller simple pour Fribourg-en-Brisgau, une ville universitaire du sud-ouest de l’Allemagne. Reclus et inspiré par la beauté majestueuse de la Forêt-Noire, Clarke entame une période de création intensive d’une année. Les étoiles ne tardent pas à s’aligner pour le compositeur en herbe, alors qu’il fait la rencontre des membres du quatuor de guitare belge Four Aces Guitar Quartet qui lui passent aussitôt une commande et l’invitent à Anvers pour l’enregistrement de leur album Three Memories en 2016.
Séduit par la ville belge, Clarke déménage de nouveau pour entreprendre une maîtrise au Conservatoire royal d’Anvers où survient, après la découverte des musiques folkloriques, la deuxième grande révélation de sa jeune carrière. Jumelé à des danseurs et des chorégraphes dans la cadre de son programme d’études, Clarke s’initie à la composition pour spectacle de danse et retrouve dans cette musique la même dimension narrative que celle qui le fascinait tant dans les musiques folkloriques. Le coup de foudre est instantané et l’impact sur sa création, majeur. En ses propres mots, « tout a juste cliqué ». Pour preuve, le compositeur collabore actuellement avec le danseur et chorégraphe anglais John William Watson pour la création de Hang in there, une performance qui aura lieu le 26 octobre prochain au célèbre Sadler’s Wells Theater de Londres.
D’est en ouest
Inspiré de la rencontre des traditions folkloriques du Canada et de la Bulgarie, le projet Est-Ouest voit le jour en 2018 dans le contexte d’un voyage de Clarke à Sofia. Invité dans la capitale bulgare par l’ensemble Silakbo à l’occasion de la première de sa pièce Still Life, le compositeur découvre sur place la riche tradition musicale bulgare et constate, à son grand étonnement, de nombreuses similitudes avec le folklore canadien de son enfance. L’idée lui vient aussitôt de mettre en relation les deux univers musicaux, d’explorer leurs divergences et leurs concordances, que ce soit sur les plans mélodique et rythmique, dans les paroles et les instruments ou encore dans les pas de danse, tout en respectant l’héritage et les tenants des traditions concernées.
Pour ce faire, Clarke fait appel à deux compositeurs provenant de différentes cultures et horizons musicaux, tirant ainsi parti de visions esthétiques contrastantes. Ami de longue date de Clarke, le compositeur canadien Liam Elliot se joint à l’aventure, ainsi que le bulgare Svetlin Hristov, chacun basant son écriture sur les traditions musicales du pays d’en face tout en conjuguant le langage contemporain à leurs différentes perspectives des folklores canadiens et bulgares. Grâce au soutien du Conseil des arts du Canada, le trio réalise trois créations pour l’Ensemble Silakbo, un quatuor belgo-bulgare de type « Messiaen » formé d’Angelina Gotcheva (clarinette), Edgar Gomes (violon), Bogdan Ivanov (piano) et Mikko Pablo (violoncelle), auxquels se sont ajoutés la soprano Yoanna Bozhkova et Clarke lui-même à la gaida. Réunis sous la bannière Est-Ouest, les musiciens présentent le fruit de leur collaboration en 2019 dans le cadre d’une tournée européenne culminant au studio de la Radio nationale bulgare de Sofia.
Grains, Images et La danse balkanique
S’inspirant de trois classiques du répertoire folklorique bulgare, Liam Elliot compose Grains au terme d’un processus d’exploration qui vise à révéler les sons cachés qu’ils recèlent. Son expérience au sein d’un groupe de danse folklorique des Balkans fut une véritable révélation pour le jeune compositeur, découvrant les musiques et les danses bulgares qui façonnent en profondeur sa conception du rythme. Il en résulte une pièce aux mille couleurs où des passages sombres, lents et insaisissables succèdent aux danses enjouées portées par la soprano Yoanna Bozhkova. Avec Images, le compositeur Svetlin Hristov prend une tout autre direction en juxtaposant des sections contrastées, alternant entre une écriture résolument contemporaine et des élans folkloriques dont l’influence des reels acadiens se fait sentir.
Si La danse balkanique de Clarke se nourrit également des rythmes bulgares, elle en fait un usage davantage littéral et systématisé, évoquant même par moments les motifs saccadés du Sacre du printemps. Le compositeur semble être parfaitement dans son élément, jouant habilement avec les codes du folklore bulgare sans pour autant les pasticher. La musique est à la fois limpide et intense, avec une attention particulière portée aux lignes vocales qui subjuguent l’auditeur par leur finesse et leur expressivité.
Est-Ouest en tournée
Présentée avec le soutien du Conseil des arts du Canada et coproduite avec Bogdan Ivanov et Angelina Gotcheva, la tournée canadienne Est-Ouest sera lancée le 1er novembre prochain à Montréal dans la salle Joseph-Rouleau de Jeunesses musicales Canada. Les musiciens prendront par la suite le chemin d’Ottawa le 3 novembre et celui de Toronto les 5 et 7 novembre, pour ensuite achever leur tournée en Nouvelle-Écosse le 10 novembre à Wolfville et le 13 novembre à Halifax. Ces deux derniers concerts revêtent une symbolique bien particulière pour Clarke qui, de retour dans sa province natale, boucle à certains égards un long périple initiatique au terme duquel le compositeur semble avoir véritablement trouvé sa voie.
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