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Le Conseil des arts du Canada publiait son plan quinquennal en avril dernier. Il y était question de l’importance de la diversité et de l’ouverture du secteur culturel à de nouveaux publics plus marginaux afin que la société canadienne se reconnaisse dans la composition des espaces de cette industrie qui s’est transformée durant la pandémie, avec la croissance du virtuel notamment. La reconstruction de ce secteur, note le Conseil, « nécessitera des investissements publics et privés considérables, un retour en force des publics déjà existants avant la pandémie, l’engagement de nouveaux publics et un plaidoyer sans précédent en faveur d’un accès accru aux arts et à la culture ».
Au chapitre de l’atteinte de nouveaux publics, le plus important rendez-vous francophone des arts de la scène en Amérique, RIDEAU − l’Association professionnelle des diffuseurs de spectacles – joue un rôle déterminant. La plateforme RIDEAU, qui a lieu chaque année à Québec en février (exceptionnellement en avril et en formule virtuelle cette année), vise à promouvoir auprès des diffuseurs les artistes d’ici dont le spectacle est prêt à circuler de région en région et à travers toute la francophonie. Cette édition était donc décisive pour la relance des arts de la scène dans l’année à venir.
La programmation de l’événement, qui se déroulait du 20 au 23 avril, comptait six vitrines musicales avec un total de dix-huit propositions, dont une seule en musique classique. On comptait sept propositions en danse contemporaine et classique, dont deux adaptations d’œuvres classiques : José Navas avec son interprétation du Winterreise de Schubert et le chorégraphe français Yvann Alexandre présentant une relecture du Lac des Signes. À travers l’ensemble des propositions retenues, on remarquait une diversité évidente dans les thématiques abordées. En fait foi l’histoire de Mononk Jules, héros wendat, présentée par son petit-neveu, l’auteur, interprète et marionnettiste Jocelyn Sioui, qui souligne le « devoir de mémoire » et la nécessité de « rétablir certains pans de l’histoire des Premières Nations et de corriger les erreurs ».
À la croisée de la réalité virtuelle et du théâtre, Violette, une œuvre immersive, hybride et intimiste, traite d’un sujet tout aussi brûlant d’actualité, la violence sexuelle, mais dans ce cas-ci, celle qui frappe les femmes ayant une déficience intellectuelle : entre 40 % et 70 % des filles handicapées intellectuellement se feront agresser au cours de leur jeunesse. En plus de mettre en lumière une réalité particulière d’un groupe marginalisé, l’œuvre est interprétée par des personnes directement concernées. Deux des trois actrices dans Violette sont formées aux Muses − Centre des arts de la scène, une école spécialisée en formation professionnelle pour personnes en situation de handicap.
Mais, nous dit Julie-Anne Richard, directrice générale de RIDEAU, ce n’est pas tant la diversité des artistes que la qualité artistique des propositions qui est priorisée. Une dizaine de jurés par discipline analysent les propositions afin de déterminer celles qui auront une vitrine officielle ou internationale : « On se demande si l’œuvre est susceptible d’intéresser le grand public, si l’artiste et la proposition sont mûrs pour partir en tournée, si la démarche est aboutie… Les propositions sont déjà et de plus en plus diversifiées. Il est clair que les artistes évoluent au même titre que leur société et que cela se reflète dans l’offre artistique. »
Plus que l’appartenance des artistes à tel ou tel groupe social, c’est le caractère multidisciplinaire de la plateforme qui est agent de diversité. Du cirque intégrant de la musique, du chant, de la danse et du théâtre (Cirque Alphonse); de la danse hip-hop, réunissant acrobaties, théâtre, humour et musique (The Ruggeds); de la musique du monde avec des airs de rock psychédélique joués sur guembri (Bab L’Bluz)… autant de présentations à la croisée des sentiers battus.
Comme le mentionne Adrien Bussy, agent de José Navas, « [RIDEAU] a un caractère spécifique qui est le multi et pluridisciplinaire. Pour la danse, c’est pareil. Les spectacles de ballet selon leurs codes, ou encore une performance de danse contemporaine présentée dans les règles de la discipline auraient peu de chances d’être sélectionnés. Les diffuseurs ne sont pas là pour ces formes ‘’uniques’’ de représentations. »
L’unique représentant en musique classique, le Quatuor Esca, illustre bien ce concept. Le quatuor de cordes féminin allie la musique pop et contemporaine au classique, en interprétant des classiques populaires comme The Sound of Silence de Simon et Garfunkel avec arrangements de François Vallières, qui a également composé l’œuvre titre du concert, Fragments – Trois mouvements et demi pour quatuor à cordes. Si les bateaux, de Gilles Vigneault avec arrangements d’Antoine Gratton, figurait aussi au programme, juste après le Quintette avec piano no. 8, op. 81 d’Antonín Dvořák. « Au-delà d’amener un public plus diversifié vers la musique classique, nous avons envie de faire rêver le public en lui proposant un concept sans frontière entre les styles. »
Le classique fait-il ce qu’il faut pour attirer différents publics, les jeunes entre autres ? Sarah Martineau, altiste du quatuor, rappelle les initiatives récentes de certains grands orchestres pour rendre le classique plus largement accessible, comme la série OSM Pop qui invite des artistes populaires à venir jouer leurs succès avec l’orchestre. Elle mentionne que « pour rejoindre réellement les plus jeunes, il y a une éducation à faire vraiment plus tôt dans le message quant à l’accessibilité de la musique pour tous. Il y a un aspect prestigieux et inaccessible qui ne devrait pas perdurer dans l’apprentissage de la musique et dans le style de musique que l’on aime. »
La multidisciplinarité comme vecteur d’un déconfinement des arts ? RIDEAU nous présente certainement une fenêtre ouverte sur la question.
L’Association professionnelle des diffuseurs de spectacles est membre du Groupe de travail sur la fréquentation des arts de la scène qui faisait paraître en décembre 2020 une étude des publics réalisée par la firme DAIGLE/SAIRE [www.daiglesaire.ca/upload/
pdf/DS_GTFAS_Etude_des_ publics.pdf]
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