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Auparavant actif sur les scènes d’opéra en tant que baryton, Marc-Antoine D’Aragon a maintenant le plaisir de chanter au sein de la formation Bohème avec ses amis Nadia Monczak (violon), Steven Massicotte (piano) et Denis Chabot (contrebasse). Il est également directeur du Choeur de la Montagne et gère son studio d’enregistrement. Son curriculum est en outre impressionnant. Polyvalent et engagé, il partage avec nous sa vision éclairante de l’institution du chant lyrique.
Le rôle du réalisateur
Avis aux musiciens débutants : si vous devez vous assurer d’une chose avant d’enregistrer un démo, c’est d’avoir un réalisateur. En sa qualité d’ingénieur en prise de son et réalisateur au studio Tourneson qu’il a fondé en 2002, Marc-Antoine D’Aragon a aidé plusieurs jeunes artistes à passer dans les premières rondes des concours internationaux, à avoir des auditions ou même des rôles grâce à la qualité de leur démo.
Il est d’avis que trois facteurs priment pour assurer la qualité sonore d’un enregistrement : la qualité de l’interprétation d’abord, cela va de soi, puis le réalisateur et l’acoustique. D’Aragon assure qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des micros de 3000-4000 $ : « Même si le micro a une certaine importance, c’est surtout le réalisateur qui saura les placer efficacement ainsi que l’acoustique qui changent la donne. »
La carrière de chanteur ou de chanteuse lyrique est exigeante. Après avoir mené quelques années le train de vie du grand chanteur lyrique, D’Aragon se concentre maintenant sur ses multiples passions connexes. Il ne saurait trop insister sur l’importance de réfléchir très tôt à ce qu’il aime bien appeler la « carrière alternative ».
La carrière alternative
C’est une carrière exigeante physiquement, car il faut se maintenir en forme en tout temps, psychologiquement, car la critique est omniprésente en musique classique, et financièrement, car même après avoir payé ses études et investi des sommes importantes afin de percer (frais de transport pour se rendre aux auditions, frais d’audition, pianiste, répétitions), le chanteur d’opéra doit payer un coach vocal tout au long de sa carrière.
Les perspectives, pour ceux qui font carrière, ne sont guère plus encourageantes : « Vingt-sept p. cent des chanteurs professionnels gagnent moins de 10 000 $, 60 % gagnent moins de 20 000 $ au Québec. »
L’une des observations qu’il présente dans sa thèse de doctorat et dans son ouvrage Guide pratique pour chanteurs lyriques émergents à paraître prochainement est d’ailleurs l’absence de réflexion sur le plan B dans les institutions d’enseignement. « À l’université, on nous apprend qu’il y a une seule carrière, la grande carrière de chanteur lyrique. Les institutions découragent même les étudiants de faire partie d’un chœur ou de devenir chanteur d’église, alors qu’on apprend beaucoup en faisant du chœur et que la majorité des étudiants travailleront comme chanteur dans un chœur où comme chanteur d’église, métiers par ailleurs très louables. »
« Moins de 10 % des gens qui sont formés dans les institutions de renommée feront une carrière comme grand chanteur lyrique. La réflexion sur un plan B devrait donc selon moi faire partie intégrante des matières théoriques enseignées dès le baccalauréat. »
Un business malade
D’Aragon exprime clairement sa consternation face au fardeau financier que doivent assumer les chanteurs tout au long de leur carrière, mais surtout au début, notamment les frais d’audition. Il a d’ailleurs contribué à abolir ces frais au sein de la Société d’art lyrique du royaume en 2011 alors qu’il en était directeur artistique. « Les chanteurs doivent payer 50 $ pour se faire auditionner et il leur faut en plus payer leur pianiste et leur billet d’avion. C’est malade ! De plus, les frais des programmes payants de jeunes artistes, qui ont souvent lieu l’été, servent à toutes fins utiles à payer les vacances des profs d’Université : leur transport en première classe pour aller entendre des chanteurs dans une autre ville et l’hébergement 5 étoiles dans des centres de villégiature extraordinaires où ils sont traités comme des rois et se la coulent douce. C’est indécent. »
Le matériel promotionnel d’un artiste en début de carrière est également très coûteux. C’est d’ailleurs dans le but d’aider les artistes débutants à propulser et à gérer leur carrière que Marc-Antoine a créé en continuation avec son entreprise web OpéraOp.com le site ArtistsCenter.com (avis à ceux qui seraient enclins à investir dans le projet : 30 000 $ sont encore nécessaires à sa mise en ligne). « C’est un outil pour les chanteurs lyriques, les artisans de la scène, les orchestres symphoniques, les agents et les producteurs, où on peut trouver des emplois, faire des entrevues directement sur la plateforme, afficher son CV et son matériel à bien moindre coup que d’entretenir son propre site web. »
Et l’utilité de l’école ?
Malgré ses griefs face aux institutions de chant, celui qui a cumulé les diplômes et formations de différentes écoles et qui est lui-même amoureux d’enseignement estime qu’il n’est pas pour autant vain d’étudier en chant. « Il est possible, bien sûr, si on a un prof privé exceptionnel, d’avoir des occasions de commencer avec des compagnies d’opéra indépendantes, sans passer par le circuit universitaire. Mais mes formations en chant m’ont permis, en plus d’étudier ce que j’aime, de développer des contacts que je n‘aurais pas eus autrement et de travailler avec des gens qui m’ont énormément fait avancer. »
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