Gabriel Tacchino en classe de maître : Dans le cadre du Concours Musical International de Montréal

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Le Concours Musical International de Montréal n’offre au public montréalais pas seulement une compétition de niveau international, mais également la chance d’assister gratuitement à des classes de maîtres de musiciens de renommée mondiale. Le 5 mai, c’est le pianiste Gabriel Tacchino qui est venu donner un cours de maître. Tacchino, connu entre autres comme le seul étudiant de Francis Poulenc, parcourt les continents européen, nord-américain et asiatique, là où sa carrière le mène. Sa renommée décolle alors que le chef d’orchestre Herbert von Karajan l’engage pour jouer avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin, l’Orchestre Alla Scala de Milan et au Wiener Festiwochen. Tacchino a ensuite eu la chance de travailler avec plusieurs chefs parmi les plus renommés et plusieurs orchestres européens prestigieux. Récipiendaire de nombreux prix et honoré de plusieurs titres, le pianiste poursuit également une carrière en enseignement qui l’a mené à Paris, Tokyo et Salzbourg. Il est actuellement titulaire de la classe de piano de la Schola Cantorum de Paris.

La classe de maître s’est ouverte sur la Sonate en la majeur, D 664, interprétée par Alexis Gingras. Toute de suite, Tacchino avait déjà cerné les détails qui pourraient rendre l’interprétation encore plus riche et vivante. Malgré qu’il ait avoué n’avoir pas joué cette sonate depuis 20 ans, la mémoire du pianiste ne faillit pas; il connaît parfaitement la structure de l’œuvre et même des modifications éditoriales qui ne sont pas de Schubert. C’est sans grande surprise que son intervention s’est articulée autour de la structure même de la pièce pour effectuer un travail axé sur le détail, prenant tout son sens dans la recherche d’un caractère, d’un style équilibré et sculpté avec précision. Tacchino a laissé son étudiant sur une note encourageante et avec des réflexions interprétatives. « Vous pouvez faire ce que vous voulez, mais faites-le avec conviction. […] Je ne me rappelle plus quel compositeur a dit « une fois que j’ai fini de composer ma pièce, elle ne m’appartient plus », et c’est vrai. L’interprète y apporte sa propre personnalité ».

Nous avons ensuite été transportés dans le monde impressionniste avec Gaspard de la nuit de Maurice Ravel, interprété par Stephen Nguyen. Après avoir dûment félicité son étudiant, Tacchino s’est affairé aux mêmes détails qu’avec Alexis Gingras, c’est-à-dire aux nuances d’abord et notamment au phrasé, ce dernier paraissant particulièrement mal compris. « Tout le monde qui me joue cette pièce, en Europe, en Asie, en Amérique du sud, fait la même erreur de mesure [qui défigure le phrasé voulu par Ravel]». Le travail s’est ensuite concentré sur le tempo, le rythme et la métrique, qui peuvent être difficiles à cerner dans ce contexte impressionniste vaporeux. Selon Gabriel Tacchino, Gaspard de la nuit est une pièce qui est souvent jouée lourde, mais qui est beaucoup plus simple qu’elle n’en a l’air. Tacchino a également noté les effets romantiques qui sont appliqués, selon lui, à tort à la pièce, et qui devraient être évités. Plutôt, une atmosphère étrange et quelque peu déconcertante doit être exploitée dans l’interprétation. Apparemment, Ravel disait : « lisez-moi, mais ne m’interprétez pas ». Tacchino a sans aucun doute un très grand respect pour les intentions des compositeurs, mais également pour les intentions des interprètes. Alors qu’il parle d’une nuance écrite par Ravel, il avoue avec une pointe d’humour : « moi j’aime mieux cette nuance-là [une autre], tant pis, on ira s’excuser après ».

La classe s’est terminée avec le Concerto n°2 en sol mineur, opus 16 de Prokofiev, interprété par Martin Jacobs, accompagné de Lucas Porter qui résumait l’orchestre au piano. Encore une fois, sans surprise, c’est sur les nuances que Tacchino s’est attardé en premier. Il s’agit bien évidemment d’un paramètre incontournable, qui semble attirer l’attention du musicien avant tout autre. Le pianiste a par la suite travaillé sur le style, notamment en soulignant la présence de l’indication « sarcastique » qui doit être interprété avec ludisme et non avec un grand sérieux. Entre les deux pianistes, Tacchino s’est mis à les diriger avec éloquence, assurance et passion, encadrant les nuances et surtout le tempo. Finalement, il s’est engagé à trouver un équilibre dans le jeu de son étudiant entre la prudence qui prévient l’engagement musical et la passion débordante et confuse.

En raison du temps limité, les classes de maîtres sont des leçons expéditives et constituent un défi à la fois pour le maître et l’étudiant-e. Pour le public, elles sont une occasion intéressante de voir une petite poignée de répertoire être disséquée et d’observer comment les musiciens et les grands maîtres travaillent. Malgré les difficultés pédagogiques d’un tel événement, Gabriel Tacchino a néanmoins réussi à travailler avec les étudiants de cette soirée d’une manière intense et efficace qui s’attarde surtout sur le détail, mais dans une manière qui donne également une conception unifiée de l’interprétation.

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A propos de l'auteur

An-Laurence Higgins est une jeune musicienne passionnée par tous les arts avec un intérêt marqué pour la musique contemporaine et électronique. Elle étudie présentement la guitare classique à l’Université de Montréal et s’implique dans divers projets de création, car elle croit fortement au caractère essentiel de la musique et des arts contemporains. Parallèlement à ses activités de musicienne, An-Laurence écrit pour La Scena Musicale et enseigne la guitare. / An-Laurence Higgins is a passionate young musician with a particular interest for contemporay and electronic music. She is currently studying classical guitar at the Université de Montréal and participate in various creation projects, because she strongly believes in the essential nature of contemporary music and arts. Besides her music studies, she is writing for La Scena Musicale and teaching guitar.

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