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Voilà déjà 20 ans que nous avons interviewé le baryton canadien Gerald Finley pour la première fois (voir l’article de Philip Anson). À l’époque, Finley était une étoile montante spécialisée dans les opéras de Mozart et les cycles de lieder allemands. En rétrospective, il dit : « J’avais 37 ans et je chantais Papageno dans La Flûte enchantée. C’est vu comme un bon rôle pour initier de jeunes barytons à l’acoustique du Met, où bien sûr les grandes voix sont la norme. »
Finley est de retour au Met cet automne, chantant Athanaël dans Thaïs avec succès. « Je travaille avec le même réalisateur, John Cox. À l’époque, il trouvait que je ressemblais trop à un adolescent, alors il m’a demandé de me faire pousser une barbe pour ressembler plus à un homme oiseau. Or, j’ai encore une barbe dans cette nouvelle production. John a dit que j’avais besoin d’avoir l’air “sauvage” dans le rôle. C’est un beau cycle de 20 ans que je traverse. »
Finley, bien sûr, est devenu un chanteur de renommée internationale. En plus de son succès dans Mozart, il a créé plusieurs rôles en opéra contemporain, dont celui de Robert Oppenheimer dans la première mondiale de Doctor Atomic de John Adams à l’Opéra de San Francisco, Harry Heegan dans The Silver Tassie de Mark-Anthony Turnage à l’English National Opera et le rôle-titre dans Fantastic Mr. Fox de Tobias Picker à l’Opéra de Los Angeles. Il fait aussi carrière en tant que récitaliste, collaborant à de nombreux concerts et enregistrements avec le pianiste Julius Drake, l’un des meilleurs accompagnateurs au monde.
De Mozart à Wagner
Au cours des dix dernières années, la voix de Finley a acquis la puissance et l’endurance nécessaires pour chanter le répertoire de Wagner et de l’école vériste. En 2011, il a remporté un vif succès à Glyndebourne dans le rôle de Hans Sachs dans Die Meistersinger et il a continué sur cette voie. Au cours de la prochaine année, il interprétera Scarpia dans Tosca de Puccini au Royal Opera House et Amfortas dans Parsifal de Wagner sous la direction de Simon Rattle à l’Osterfestspiele de Baden-Baden.
Finley estime que Wagner et Puccini exigent un chant d’une grande beauté. Selon lui, sa technique s’est améliorée en interprétant ces rôles. « Wagner composait à l’époque du bel canto. Comme c’était le type de voix qu’il voulait pour ses productions, il ne s’attendait pas à un son particulièrement large ou déclamatoire de la part des chanteurs. Au lieu, il s’attendait à des voix capables de faire des nuances et des tons variés. Il a compris que si sa musique devait survivre, il devait écrire de manière à ce que les chanteurs puissent chanter sa musique et en profiter. Le nombre de pianissimos et de tons chauds que Wagner écrit dans ses partitions est incroyable. Plus précisément, son théâtre de Bayreuth a été conçu pour que les chanteurs soient absolument à l’aise quand ils ont besoin de chanter au-dessus de l’orchestre. »
Il explique que la plus grande partie de la fosse d’orchestre du Bayreuth est en fait sous la scène. Ainsi, la masse de son provenant de l’orchestre – la percussion et la section des cuivres en particulier – est en sourdine. Les chanteurs sont capables de projeter leur voix sans forcer.
Difficultés vocales
Comme beaucoup de chanteurs au cours de leur carrière, Finley a dû faire face à une blessure vocale. Dans son cas, une hémorragie vocale l’a mis à l’écart. Un des minuscules vaisseaux qui transportent le sang vers les cordes vocales s’est rompu. Une telle blessure peut être causée par de nombreux facteurs : une surutilisation vocale, une tentative d’être entendu dans une salle bruyante, une toux répétée ou même une très forte quinte de toux isolée. Le traitement habituel est un repos vocal complet. Selon le patient, le problème est susceptible de se résoudre après cinq jours à deux semaines d’activité quasi silencieuse.
Le baryton parle avec détail de sa propre expérience : « Cela semble horrible et pendant un moment ce l’est, parce que vous ne pouvez pas chanter. En réalité, cela fait partie intégrante de ce que les chanteurs de notre niveau doivent affronter, parce qu’ils se produisent si souvent à un si haut niveau. » Même si les médecins lui ont dit que la blessure n’était pas due à sa technique, Finley y a vu une possibilité de se réévaluer. Il a recommencé à suivre des cours de chant et pris le temps de réfléchir à la meilleure façon d’utiliser sa voix. « J’y repense comme si c’était un cadeau », dit-il.
Il établit un parallèle entre les chanteurs et les athlètes professionnels, mentionnant les meilleurs joueurs de tennis qui se remettent d’une blessure. « En tant que chanteurs, quand nous chantons cette merveilleuse musique, nous jouons toujours à la limite de nos capacités physiques. Parfois, nous devons également prendre le temps de récupérer. »
Le commerce de l’opéra
En plus de 25 ans d’expérience, Finley a vu le paradigme de la production et de la promotion de l’opéra subir de grands changements. Il croit que l’opéra est maintenant trop marqué par la technologie et pas assez concentré sur le chant.
« Le chant doit être le principal sujet de préoccupation. De nos jours, les promotions, les médias et même l’opéra diffusé dans les cinémas creusent un fossé entre le public et les chanteurs. Je pense que les valeurs de production sont devenues très compliquées à cause de la technologie. Il n’y a qu’une seule façon d’impliquer un public, c’est de se connecter émotionnellement avec lui. Les émotions viennent de l’écoute de la voix. Si l’opéra devient un cirque, alors vous regardez une production et vous vous dites que c’est impressionnant, mais vous n’êtes pas forcément ému. Les promoteurs se concentrent maintenant sur le spectacle plutôt que sur l’essence même de la musique et de la communication. Ils nous croient en concurrence avec le cinéma, mais c’est faux. L’opéra est un événement en direct avec des voix et de la musique en direct. »
Il établit également une comparaison entre l’opéra et Broadway. « Je ne vois pas les spectacles de Broadway en direct sur les écrans de cinéma et pourtant, les gens continuent d’aller à Broadway. Ils veulent voir l’énergie de la scène, ressentir la passion. J’ai la chance d’être à New York en ce moment et j’observe que les productions musicales sont très populaires. Il n’y a aucun problème à faire venir le public. Les spectacles ne sont pas aussi techniques, mais ils ont de la joie sur scène. Ces artistes partagent simplement leur grande créativité. Peut-être devons-nous apprendre de cela dans le monde de l’opéra. Par exemple, nous pourrions avoir des productions d’opéra plus réussies en les faisant simplement comme des concerts, parce que la musique et les voix créent quelque chose de magique. »
Traduit par Mélissa Brien
La tournée de récitals de Finley s’arrêtera à Toronto le 22 avril au Koerner Hall, avec l’accompagnateur Julius Drake. Elle se terminera à la Société d’art vocal de Montréal le 6 mai avec le pianiste Michael McMahon. Finley chantera des mélodies de Beethoven, Schubert, Tchaïkovski et Rachmaninov ainsi qu’un choix de chansons
folkloriques. www.geraldfinley.com; www.rcmusic.ca; www.artvocal.ca
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