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Pour sa 16e édition, le FestivalOpéra de Saint-Eustache a prouvé qu’une voix, un piano et un public prêt à écouter suffisent à faire opérer la magie. Pendant trois soirs, le festival a proposé une musique aussi honnête qu’ambitieuse.
Serhiy Salov se produit au FestivalOpéra de Saint-Eustache. Photo : André Chevrier
Le festival s’est ouvert avec le pianiste Serhiy Salov, dont le récital centré sur Chopin n’était pas un choix anodin. Dans une salle modeste, dans une ville tout aussi modeste, Salov a joué comme si la musique était diffusée depuis le Carnegie Hall. Et d’une certaine manière, c’était le cas. Son engagement émotionnel a donné au concert une gravité qui repoussait les murs. On sentait que la musique lui tenait profondément à cœur et c’était contagieux.
Le lendemain soir, c’est Carmen qui a pris le relais. Cette production d’Odette Beaupré, sous la bannière Carmen de Montréal, a amené un esprit communautaire et une énergie théâtrale sur scène. La mezzo-soprano Rose Naggar-Tremblay s’est distinguée dans le rôle-titre. Elle est probablement dans la fleur de l’âge vocalement. Sa voix coule avec aisance, ses voyelles sont à la fois précises et souples. On a l’impression qu’elle pourrait chanter le rôle deux fois de suite sans s’épuiser. Il y avait de la joie dans son chant, et quelque chose de plus profond, un contrôle sans restriction, le genre de contrôle qui ne se révèle que par la maîtrise.
Une scène de Carmen de Montréal au FestivalOpéra de Saint-Eustache. Photo : André Chevrier
Le dernier jour du festival a laissé place à une autre forme de drame. Le concert des Jeunes Ambassadeurs Lyriques était initialement prévu en plein air, mais suivant les prévisions météorologiques, il a été sagement décidé de le déplacer dans la « petite église » où le reste du festival s’était déroulé. Nous croyions avoir évité la tempête…
Le concert a commencé dans un calme relatif, quelques gouttes de pluie tapotant les vitres. Puis, au bout d’une vingtaine de minutes, l’orage s’est abattu comme un épais rideau. Panne de courant. La scène est devenue noire.
Lauren Margison se produit au FestivalOpéra de Saint-Eustache. Photo : André Chevrier
La soprano Lauren Margison était en plein milieu de l’aria le Chanson à la lune de Rusalka. Elle n’a pas bronché. Pas un seul son n’a vacillé. L’auditoire a retenu son souffle quand je me suis précipité à l’arrière pour trouver une lampe DEL portative – pas tout à fait une lampe à huile, même si ça en avait tout l’air – et l’ai tenu à un mètre cinquante de la scène comme un porteur de lumière des temps modernes. Le résultat ? Une sorte d’intimité théâtrale qu’aucun éclairagiste n’aurait pu envisager. La voix de Margison s’est élevée dans l’obscurité, chaude et argentée, glissant sans effort jusqu’au si bémol aigu final. Un de ces moments que l’on n’oublie pas.
J’ai été surpris de constater qu’aucun des jeunes chanteurs n’a eu l’air décontenancé. S’ils ont été secoués, ils n’en ont montré aucun signe et ont préservé la magie.
Ellita Gagner se produit au FestivalOpéra de Saint-Eustache. Photo : André Chevrier
Parmi les voix de la soirée, outre Margison, que l’on peut considérer comme une professionnelle chevronnée (elle a récemment chanté avec succès Mimì à l’Opéra de Montréal), la mezzo-soprano Ellita Gagner s’est distinguée par la clarté de sa voix et son instinct théâtral.
Le ténor Andrew Derynck a impressionné avec un instrument robuste et une tessiture supérieure très prometteuse, une voix encore en formation, mais déjà saisissante.
En résonance avec l’époque contemporaine, le concert a inclu la première d’Ave Maria de Jacques Faubert, interprétée avec justesse et sobriété par la mezzo-soprano Mariana de La Rosa et le pianiste Jérémie Pelletier.
Mariana de La Rosa se produit au FestivalOpéra de Saint-Eustache. Photo : André Chevrier
Trois jours de musique raffinée, rendus possibles grâce au soutien des autorités locales et de voix clés de la scène lyrique québécoise – dont la soprano Sharon Azrieli – nous ont rappelé le délicat écosystème qui maintient cette forme d’art en vie.
Il est essentiel de continuer à soutenir les petites organisations comme celle-ci. Très peu d’espaces au Québec permettent aux artistes émergents de développer leur art dans un contexte professionnel indulgent. Il est également essentiel de créer des ouvertures pour les amateurs, comme le chœur de FestivalOpéra (FOSE), dont les membres ont prêté leur voix et leur temps, souvent à titre bénévole, pour donner vie à cette édition.
À travers leur chant enthousiaste, nous voyons la valeur sociale de l’opéra : sa capacité de générer une richesse culturelle au sein d’une communauté.
Des festivals comme celui-ci sont nécessaires. On espère que la fondatrice Leila Chalfoun et son équipe poursuivront leur mission. Le FestivalOpéra de Saint-Eustache s’est constitué un public curieux et fidèle, et il dispose d’un lieu idéal, La petite église. Tout ce qu’il lui faut maintenant, c’est plus de soirées comme celles-ci.
Pour en savoir plus sur le FestivalOpéra de Saint-Eustache, consultez le site www.festivaloperasteustache.com.
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