Le CQM ouvre de nouvelles voies dans l’information sur les concerts

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Les 2 et 3 juin, le Conseil québécois de la musique (CQM) a organisé son Grand Rendez-vous annuel à Montréal, au Conservatoire de musique. Deux jours de conférences, de vitrines et de conversations autour d’un thème simple : comment communiquer l’offre de concerts ?

Les participants venaient de tous horizons de l’industrie musicale. Des artistes cherchant à se faire engager, des diffuseurs à l’affût, des agents défendant leurs clients, des administrateurs du milieu des arts, des spécialistes marketing à la recherche de stratégies efficaces et des médias indépendants observant la scène. Tout le monde gravitait autour de la même question : comment parler de la musique dans le monde actuel et comment faire en sorte que le public écoute ?

La réponse la plus pertinente est venue très tôt, durant la conférence de Dominique Morneau : « Inspirer et convaincre : comment influencer positivement ». Au cours d’une session mêlant conférence et atelier, Morneau a plaidé en faveur d’un changement dans l’approche de communication : non pas par l’affirmation, mais par l’enquête. Il a insisté sur le pouvoir des questions ouvertes, de l’écoute active et de la prise de conscience de sa propre point de vue dans le débat. L’idée étant de mieux évaluer quand il est temps de prendre les rênes ou d’écouter, mais surtout de guider la compréhension en questionnant plutôt qu’en ayant des réponses toutes faites. Ce changement subtil favorise selon lui un dialogue plus empathique et plus efficace.

Ses métaphores ont été percutantes : « Nous n’avons pas inventé l’ampoule électrique en perfectionnant la lampe à huile. » Ou encore: « Si la porte est fermée, on arrête de frapper et on passe par la fenêtre ».

Étienne Denis. Photo: Courtoisie de CQM.

Cet esprit créatif a suivi son cours avec la conférence d’Étienne Denis sur la communication. Ce dernier a vanté les mérites de dévelloper un narratif fondée sur l’expérience humaine réelle. Faisant référence au récit classique de la lutte qui mène au triomphe, il a invité les participants à réfléchir à la manière dont la vulnérabilité favorise la connexion avec le public.

Il a cité l’exemple de Céline Dion, l’histoire d’une jeune chanteuse passant d’une notoriété modeste à une renommée internationale à force de travail et de dévouement. Certains participants ont répliqué : toutes les histoires doivent-elles nécessairement passées par la souffrance ? M. Denis a visiblement assoupli sa position, s’orientant vers des récits de compositeurs ou des angles plus contextuels. La tension dans la salle était palpable. Alors qu’un participant remettait en question la nature « simpliste » de cette approche, on pouvait sentir de la résistance à l’idée du conférencier de « faire commerce de l’émotion ». Et pourtant, les données continuent de montrer que le public réagit aux narratifs de transformation, et non de perfection.

La tension sous-jacente entre la construction d’une de marque et la démarche artistique  était également soulevée dans l’atelier Pimp ton Show d’Olivier Laroche. Bien que le ton ouvertement vulgarisateur ait provoqué du scepticisme, M. Laroche a offert des conseils pratiques sur l’identité visuelle et la présentation.

Par son intervention, Dorothéa Ventura, danseuse, chanteuse et claveciniste, a ramené à l’avant-plan la question de l’interprétation publique. La directrice des Idées heureuses, un ensemble baroque qui combine musique, mouvement et technique de scène, a souligné que la communication commence dès qu’un artiste entre en scène. Elle a raconté avoir vu des musiciens faire leur entrée de manière chaotique, sans préparation, et s’être sentis désengagés avant même que la première note ne soit jouée. « Le diable est dans les transitions », dit-elle, suggérant aux artistes de planifier non seulement ce qu’ils vont jouer, mais aussi la manière dont ils vont passer d’un morceau à l’autre. Cela fait écho au point de vue que Laroche exprimait à propos de Pimp ton Show : la façon dont nous encadrons notre interprétation, visuellement, spatialement, émotionnellement, fait partie du message.

Frédéric Gonzalo. Photo: courtoisie de CQM.

L’intervention de Frédéric Gonzalo sur l’IA a permis d’ancrer la conversation dans le présent. Qualifiant ChatGPT d’« assistant virtuel sous stéroïdes », il a expliqué comment les outils de ce type transforment déjà les flux de travail dans le domaine de la communication, en particulier dans la création de contenus et la rédaction de textes promotionnels. Les questions du public ont montré un scepticisme évident, des inquiétudes concernant les suppressions d’emplois, le faible écho de la voix artistique et les risques d’une dépendance excessive aux subventions. Mais au fur et à mesure que la salle s’apaisait, une prise de conscience s’est faite : comme l’invention de la presse ou la révolution industrielle, ce changement n’est pas hypothétique. Il est en train de se produire. Personne n’a applaudi, mais personne ne l’a vraiment contesté non plus. Les outils sont là et ceux qui travaillent de milieu artistique devront décider non pas s’ils les utiliseront, mais comment.

En dehors des salles de conférence, les Rendez-vous ont offert une riche gamme de vitrines musicales. Chaque ensemble disposait de trente minutes pour présenter son travail : une fenêtre étroite, mais exploitée de manière efficace.

Mikha.elles. Photo: courtoisie de CQM

Mikha.elles a proposé Camino de mujeres, un programme de musique du monde chanté en français et en espagnol et ancré dans l’héritage féminin. Leurs chansons originales pourraient facilement se retrouver sur un palmarès pop, mais elles sont enrichies d’harmonies complexes et d’arrangements réfléchis. Solarium a exploré les textures du jazz et l’identité québécoise dans Enraciné, tandis que le quatuor vocal raffiné Meslanges a apporté un humour délicat et de la clarté à Puisque tout passe : la France en chansons. Béland & Quinn, sœurs et collaboratrices, ont présenté Dompter les cendres, un ensemble énergique qui aurait pu bénéficier d’une meilleure sonorisation.

L’Ensemble Mistral a honoré Astor Piazzolla avec chaleur et raffinement dans Dans l’univers d’Astor. Konnecxion et la Bach-mobile, sous la bannière « Inspirations », ont fusionné les genres, un ensemble très divertissant dirigés par l’organiste en résidence de l’OSM, Jean Willy Kunz.

Ensemble Mistral. Photo: courtoisie de CQM

L’Ensemble Renouveau, formé des sopranos Évelyne La Rochelle et Carole-Anne Roussel, du violoncelliste Simon Desbiens, du violoniste Jessy Dubé et du pianiste Bruce Gaulin, a livré une prestation théâtrale immersive et vocalement imposante avec Contes et légendes. Mme La Rochelle s’est démarquée par son timbre de voix luxuriant, sa tessiture impressionnante et sa colorature précise. Le programme s’est déroulé sans heurt, avec un équilibre judicieux entre les pièces vocales et instrumentales.

Contrairement aux spectacles complets, les « présentations express » ont offert aux artistes un format simplifié, une chance de partager leur vision à travers un court exposé et un extrait vidéo, sans les exigences d’un spectacle complet. C’est une scène précieuse, en particulier pour les projets en cours de développement ou ceux qui comportent des éléments multimédias complexes. Parmi les participants, citons Duo Airs avec Marie-Annick Béliveau (Koperkus), Voces Boreales (Camino), La Nef (Baratin d’marins), et la mezzo-soprano Stéphanie Pothier avec le compositeur Julien-Robert. Leur projet, De la mer aux nuages, s’est distingué par sa cohésion et sa profondeur sensorielle. Il offre une intégration transparente de la voix en direct, du traitement électronique et de l’imagerie vidéo océanique et brouille les frontières entre la chanson d’art, le documentaire et l’installation immersive. Se déployant autour du fleuve Saint-Laurent, à la fois sujet et métaphore, l’œuvre n’offrait pas seulement de la beauté, mais aussi de l’urgence, un rappel évocateur de ce qui est en jeu.

Au terme du Grand Rendez-vous, aucune solution simple n’a été apporté, mais l’événement a permis de recadrer le débat.. Comme M. Morneau nous l’a rappelé, la communication est une question d’empathie, elle nous pousse à avoir le courage d’écouter avant de parler. Et si nous cessions de perfectionner la technique de la lampe à huile? Et si nous nous demandions enfin de quel type de lumière nous avons vraiment besoin?

Pour en savoir plus sur le Conseil québécois de la musique, consultez le site www.cqm.qc.ca

Traduction : A. Venne / J. Bernard

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